Je ne voudrais pas avoir l'air du critique acide et blasé qui descend un groupe par-ci par-là pour se passer les nerfs, mais honnêtement sur la base de " Forsaken Symphony " je n'arrive pas à m'expliquer la popularité qui précède Sear Bliss. L'album est tellement plat à perte de vue que, si c'était un paysage, on pourrait le parcourir des semaines entières sans rencontrer le plus petit relief. Avec la volonté de dépeindre un Moyen-Âge magyar obscurantiste parcouru des superstitions de diables et de sorcières, Sear Bliss jouent un black metal traditionnel recouvert d'un tissu orchestral mélodramatique de type soundtrack et, dans le cas présent, agrémenté d'une trompette malheureusement assez timorée. C'est certes peu spectaculaire, mais la même recette a accouché de très bons gâteaux dans un passé pas si lointain (cf. Astarte pour l'exemple). La banalité de " Forsaken Symphony " en passe donc d'autant plus inaperçue. Voilà un album qui en clair tourne en rond sur son petit nuage d'auto-modération confortable, avec des morceaux suivant pépère leur petit chemin défriché et balisé depuis une bonne décennie sans jamais se poser de challenges ou emprunter de déviation, et ne parlons même pas de provoquer une quelconque excitation avec les armes pourtant bien aiguisées dont ils disposent... N'ayons pas peur des mots : c'est chiant ! Pire, l'homogénéité est apparemment un vain mot chez nos vieux guerriers hongrois, tant l'impression ressort qu'on a affaire à des lignes instrumentales et vocales enregistrées en totale indépendance les unes des autres, puis collées l'une à l'autre dans l'espoir d'arriver au même résultat que celui obtenu en répétition. Un dilettantisme au niveau du réglage sonore comme on en fait plus sur une structure professionnelle à but lucratif. A la première écoute j'ai pris peur, à la deuxième j'ai serré les dents pour tenter d'examiner les silhouettes des morceaux, à la troisième j'ai laissé tomber : on a mieux à faire que se laisser prendre pour des poires ! Qui plus est ce refus systématique d'accorder les guitares est proprement détestable à la longue.

Attention, je n'ai rien contre le fait qu'un album possède un son crade et antédiluvien, au contraire je milite pour en général, mais pour que ça fonctionne encore faut-il qu'il possède un son tout court, et ne se contente pas de laisser une basse squelettique à l'abandon derrière un rempart de grésillements insipides comme seule amorce de fil mélodique. Le chant est complètement au diapason, monocorde et si conservateur dans sa médiocrité qu'à côté même Margaret Thatcher aurait passé pour une avant-gardiste révolutionnaire. En cet automne 2002 il sort pas mal de bons, voire de très bons disques, si bien que je me demande qui peut trouver une place sur sa liste de commission pour " Forskaken Symphony ", qui à part les purs aficionados de Sear Bliss ou ceux dont l'horloge auditive a fait un blocage définitif aux alentours de 1995-96 où ce genre de musique raide et unidimensionnelle, délibérément ébavurée au chiffon poisseux, passait encore pour le nec plus ultra en matière d'extrême symphonique.


Rédigé par : Uriel | 6.5/20 | Nb de lectures : 9409