Première chose : oui, la pochette est ridicule. Car oui, faire le méchant soldat goth ailé qui s’apprête à te donner un kick à la Jean-Claude Van Damme dans ta face après avoir démoli la ville en arrière-plan, ça n’aide pas pour la crédibilité. Tout un contraste avec les jolis corbeaux qui ornent le livret (j’aime bien ces piafs, moi) et les superbes paysages dévastés, animés par une légère pluie de braises. Et puis, l’idée de l’Homme à ailes de corbeau il l’a piquée à Satyr (SATYRICON) dans le clip de "Black Crow On A Tombstone". Il ? Qui ? Dave Jason, le leader de SCHWARZER ENGEL, projet allemand formé en 2007 qui vient de débarquer dans le circuit avec son premier album nommé Apokalypse.

Ange noir (« Schwarzer Engel » en allemand), apocalypse, corbeaux, sortie sur Trisol (ASP, SAMSAS TRAUM, L’ÂME IMMORTELLE, PROJECT PITCHFORK…) tout nous laisse penser qu’on est ici en plein terrain Goth : gagné ! Le projet se décrit néanmoins comme « un nouvel art moderne du Dark-Metal », ce qui n’est pas trop éloigné de la réalité, pour le Dark-Metal seulement, car pour la nouveauté et la modernité on repassera dans un premier temps… la recette de SCHWARZER ENGEL est simple : une grosse louche de MOONSPELL récent (surtout celui de Night Eternal), de la décadence symphonique (sans atteindre la grandiloquence) et des riffs « Dark » à la DIMMU BORGIR, et un soupçon de martialité Goth-Rock/Metal issu de la « Neue Deutsche Härte » donc à la UNHEILIG et consorts. Le mélange semble assez facile donc il ne faudra pas attendre que SCHWARZER ENGEL ne réinvente le monde de la musique Metal avec l’apocalypse qu’il nous promet. Cet Apokalypse est donc très proche du Night Eternal de MOONSPELL, quitte à parfois frôler la repompe, l’expérience et la classe des Portugais en moins. SCHWARZER ENGEL a néanmoins pris le parti d’y aller pied au plancher et de livrer un premier album direct et sans fioritures. A part quelques passages plus posés et plus lents, le projet nous délivre son Metal sombre (nettement plus Metal que Rock, attention) au travers de morceaux facilement mémorisables, un peu dans l’esprit du morceau "Night Eternal" de MOONSPELL donc, et en écartant ainsi le concept plus atmosphérique que nous avait proposé les Portugais dans certains morceaux de leur dernier album en date. Il ne faut donc pas s’attendre à du Goth-Metal larmoyant, le projet gardant la mélancolie et la tristesse pour les intros et interludes. Le souci est que les morceaux ne se démarquent pas vraiment les uns des autres, rendant Apokalypse un peu longuet (57 minutes pour 11 « vrais » titres et 3 intros/interludes). Seul le morceau-titre, particulièrement efficace, et quelques passages speed du plus bel effet ("Sieh die Lodernden Heere") sortent du lot.

Côté production, il y a eu du bon boulot avec Jan Vacik, rodé au style (VISIONS OF ATLANTIS, SERENITY, EMERGENCY GATE), ainsi qu’avec le mastering de Eroc (DELAIN entre autres), bref la crème du Goth-Metal. Le tout n’est parfois pas très loin de la surprod bête et méchante à la DIMMU BORGIR, mais ça reste correct et assez percutant pour le style. Côté exécution, il faut noter que Jason s’occupe de tous les instruments en studio, faisant de SCHWARZER ENGEL un one-man band, avec ses avantages et ses inconvénients. Jason sait composer des riffs incisifs et très bons pour le style, et maîtrise l’aspect symphonique avec des orchestrations tout à fait honorables. En revanche son jeu de batterie est assez artificiel et basique, mais il n’est heureusement pas trop mis en avant dans le mix. Jason est également épaulé par deux guests : Taste aux claviers (DIARY OF DREAMS) et Timon Birkhofer au violoncelle (LIV KRISTINE, IN STRICT CONFIDENCE). Maintenant, le principal défaut de Jason ici est son chant : déjà, pour apprécier un tant soit peu SCHWARZER ENGEL il faudra bien évidemment être adapté à la langue gutturale (ach !) de Goethe. Après, le souci vient principalement de son chant agressif qui est assez quelconque, trop stéréotypé, trop « récité » notamment sur les lignes les plus rapides ("Der Sturm", "Die Kraft der Worte"). Seules les intonations plus death ressortent bien ("Apokalypse"). Il y a de bien meilleurs chanteurs agressifs dans le style, citons par exemple Ronny Thorsen (TRAIL OF TEARS). Au niveau du chant clair on navigue plus dans les eaux strictement Darkwave/Gothic Rock, je lui trouve même des intonations à la Adrian Hates (DIARY OF DREAMS) par moments. Mais là aussi son chant n’a rien d’exceptionnel, et risque de rebuter les auditeurs non habitués à ce type de chant suave bien gogoth comme il faut. Quand on sait que les disques de Goth-Metal sont souvent centrés sur le facteur chant, on se dit que ça la fout mal quand même... Mais heureusement il y a bien pire dans le créneau.

Bilan des courses ? Apokalypse est un album ni réellement bon (quelques défauts inhérents à un premier effort, un manque d’originalité et un chant peu convaincant) ni franchement mauvais (un bon travail de composition et d’orchestration, et des passages efficaces), plutôt correct et sympathique, mais pas révolutionnaire et assez anecdotique, et sans véritable intérêt si l’on n’est pas accroc au style. Pour son premier album SCHWARZER ENGEL se trouve dans la bonne moyenne, ne tombant pas dans les excès du « Metal Goth à chanteuse (sans chanteuse) ». Finalement, si je devrais conseiller cet album à quelqu’un d’autre qu’un fan de machins gogoth (que celui qui vient de crier « un jeune trend quoi… ! » au fond de la salle vienne immédiatement se dénoncer) en manque de sensations fortes (qui ne font pas trop peur, quand même), ça serait aux fans du dernier MOONSPELL avides de découvertes et qui ne font pas trop le difficile sur la qualité.


Rédigé par : ZeSnake | 12.5/20 | Nb de lectures : 12788