On ne le dira jamais assez, quand un groupe prend la peine de plancher durement sur sa copie avant de soumettre le moindre enregistrement aux masses, quand il s’acharne, se triture le bulbe jusqu’à le faire germer, se martyrise, s’autoflagelle dans d’interminables répétitions usantes, humiliantes à vous faire regretter de ne pas avoir choisi la passion du tricot plutôt que celle de la musique ; quand un groupe se donne autant de mal, hé bien figurez-vous que ça s’entend.

Si, si, j’vous assure. Ça paraît tout con comme réflexion mais j’en connais un bon wagon (pour ne pas dire plusieurs TGV) qui ferait bien d’en prendre de la graine avant de venir polluer nos bacs avec des galettes plus irritantes que des hémorroïdes.

Dans le cas de SAW, aimable formation des Herbiers (Pays de Loire), on comprendra rapidement après une seule et unique écoute de leur seconde démo, que les ch’tiots ont mouillé la chemise, qu’ils n’ont pas ménagé tendinites et ampoules pour nous concocter un enregistrement ambitieux puisque ce « Paranoïa » relégué sous l’humble étiquette de « démo » a en fait tous les atours d’un premier véritable album et qui plus est, d’un album pas dégueu du tout.

Bon, le truc de SAW, c’est un métal avec de grosses accroches rythmiques, un batteur qui pilonne avec la délicatesse paisible d’un pachyderme en balade, une paire de gratteux allongeant des riffs imposants qui balancent méchamment, une basse proéminente à souhait qui se paye le luxe d’assurer parfois les lignes mélodiques toute seule comme une grande tandis que le chanteur s’époumone joyeusement dans un registre principalement hardcore dérapant régulièrement vers un timbre plus death. L’excellent batteur place ici et là quelques décalages de caisse sympatoches. Les compos sont variées et impeccablement maîtrisées d’un bout à l’autre.

Oui, je sais… ça a déjà été fait encore et encore et une bonne partie de ce que je viens de résumer en quelques lignes pourrait parfaitement être utilisé pour parler de MESHUGGAH qu’on pourra donc, immanquablement, placer au rang des influences de nos petits amis. Mais l’intérêt de SAW se situe justement dans l’exploitation de cette influence sans tomber dans l’abus. Ainsi le quintet vendéen s’arrange pour amener adroitement quelques breaks, quelques plages d’accalmies comme, par exemple sur la fin de « Lest » qui propose une trame acoustique presque hypnotique sur laquelle vient se déposer une guitare pointilleuse et absolument pas métal. Ces quelques nappes presque ambiantes ont, bien entendu, pour effet de rendre les attaques rythmiques suivantes encore plus efficaces. Les ficelles sont connues mais dans le cas présent ça fonctionne parfaitement, ça coule de source dans écorcher les oreilles et on balance la tête en rythme sans même s’en rendre compte.

Dans cette « Paranoia », pas d’arrangement boiteux, pas de baisse de régime. Ça joue. Ça envoie le boulet et, à vrai dire, on n'en demande pas plus. S’il fallait vraiment mettre l’accent sur un point perfectible, peut-être le chant mériterait-il un peu plus d’agressivité, d’un bon gros côté « pitbull à qui on a piqué la gamelle » qui manque parfois.

Il va sans dire que, même si le son de cette démo est plus que correct, SAW devrait mettre tout le monde sur le cul lorsqu’ils disposeront de moyens de production plus imposants.
Changez rien, z’êtes sur la bonne voie…


Rédigé par : Tonton | 3,25/5 | Nb de lectures : 10905