« Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? » Voilà un proverbe Shadock qui aurait droit de citer dans la démarche de cette sympathique formation parisienne qui nous propose ici sa première démo après deux années de dur labeur à se façonner un son, une identité musicale volontairement disparate et privée de repères trop évidents.

Avec un patronyme tiré d’un sonnet de Sir William Shakespeare, SALVING THY AMISS aurait pu être de ces formations rêveuses et poétiques dotées d’une plantureuse chanteuse maquillée comme une voiture volée. Mais c’est exactement tout l’inverse puisqu’il est ici question de musique particulièrement fouillée, torturée, parfois même capilotractée pour ne pas dire tirée par les cheveux.

Composé autour d’un trio atypique qui nous fait découvrir les talents de batteur d’Olivier Delecroix (le chanteur traumatisé de BOYS FIRST TIME), SALVING THY AMISS nous brode ici quatre titres qui laissent entrevoir les symptômes de graves pathologies psychiques de ses compositeurs. Post hardcore, mathcore, noisy, grind, chaotique, décalé, dissonant, agressif, perturbé, dérangeant, extrême, douloureux, claustrophobe, tendu, plaintif, primal, dépressif, autant de termes qui collent à ce premier quatre titres comme une tumeur sur un cancéreux.
Le style SALVING THY AMISS se veut volontairement disparate, hétéroclite mais cheminant presque toujours au travers d’ambiances aussi pesantes que malsaines et le chant plutôt aigu et plaintif, lorsqu’il ne se limite pas à des hurlements déchirants, nous prédit des séjours prochains en chambre capitonnée pour son auteur. Aussi à l’aise dans les titres concis que dans les trames complexes de titres à breaks multiples, SALVING THY AMISS réussit à nous captiver, à nous attirer dans son antre ténébreux. Le choix d’une production crasseuse au chant sous-mixé ne fait que renforcer ce sentiment de malaise qui ne s’étiole que vers la fin plus ambiante de « Never tell a brother the master plan ; this is how every empire fell apart » (oui, les titres sont tous d’une longueur incongrue). En choisissant de laisser filtrer la lumière de la fin du tunnel sur son dernier morceau SALVING THY AMISS a judicieusement pris le parti de terminer son entrée en matière sur des accords plus légers en forme d’espoir.

Il va de soit que le trio parisien n’a pas choisi de faire dans la simplicité et que d’autres se seraient sans doute joyeusement vautrés dans les méandres d’une musique ne tolérant aucune médiocrité. Les impressions et sentiments déversés ici pourraient se rapprocher de bien des genres. On pourrait parfois penser à du black metal, à du post rock en plus des hardcore, grind et noisy précédemment cités.

Personnellement, j’apprécie beaucoup les trucs alambiqués à doses homéopathiques et sur la vingtaine de minutes de « Horsewreck… » je tiens bien le coup et salue la performance. Cependant, je ne suis pas certain que je pourrais endurer cette dépression le temps d’un album complet et c’est d’autant plus probable vu que mes goûts actuels me rapprochent de la simplicité accrocheuse des temps anciens. Mais l’essentiel, est de retenir que ce quatre titres a de la classe et du caractère même s’il n'est pas pour toutes les oreilles.


Rédigé par : Tonton | 3,5/5 | Nb de lectures : 10905