Le problème avec ce groupe, c’est que tout le monde a voulu le récupérer pour sa propre chapelle. AOR, progrock, métal, rock FM, SAGA il y en a pour tous les goûts. Ce qui en fait un animal difficile à cerner. Les plus prompts à les critiquer étant les durs à cuire du prog. Mais, sincèrement, peut-on enfermer Saga dans le microcosme progressif ? Moi, j’en doute. Une chose est certaine, il s’est fait une place qui ne doit pas être déméritée. 30 ans et 17 albums, voilà un CV qui aurait de quoi impressionner les sceptiques.
Et même si l’on n’est pas fan - ce qui est mon cas - il faut bien admettre que cette longévité ne peut pas être bâtie sur le vide.
Cependant, la discographie de Saga n’est pas un modèle de régularité. Bien sûr, il n’est pas le seul dans ce cas et peu de groupes peuvent afficher le sans faute parfait. Le parcours des Canadiens fonctionne par cycles très opposés. Après une trilogie* acclamée au milieu des années 90, Saga a, à l’orée des années 2000 offert ce qu’il faut bien appeler une longue série d’albums pas indispensables pour 2 sous.** Et tout naturellement, ce n’est pas un enthousiasme débordant qui m’anime en voyant arriver le 17e .
Et bien, j’avais tort d’être inquiet. Non pas, que la bande de Michael Sadler ait sorti le disque de l’année mais Trust révèle bien des surprises à l’esprit chagrin que je suis.
Comment s’y sont-ils pris ? Simple, en reprenant la recette qui leur a réussie à l’époque des vaches grasses. Une manière de faire qui peut paraître facile mais dont l’efficacité s’avère finalement imparable. Après tout, il n’y a que le résultat qui compte. Saga mélange donc aux titres directs et musclés des mini développements instrumentaux au sein de pièces assez ambitieuses mais courtes. (5’44 pour la plus longue, vous ne risquez pas l’ennui). Le hard est bien présent notamment sur la pièce qui donne son nom à l’album. C’est l’aspect dynamisant et bienvenu de Trust. Une louche de FM grande classe, un zest d’AOR, et le tour est joué. Les musiciens semblent avoir retrouvé une cohésion et une fluidité qui leur faisait défaut depuis près d’une décennie. Les parties de guitare de Ian Chrichton sont incisives et celles du claviériste Jim Gilmour tout aussi payantes. La voix de Sadler si caractéristique n’est pas à la traîne dans ce festival enfin retrouvé.
Le tout, sans expansion futile ni déferlement outrageux qui font la vitrine de groupes de rock prog pontifiants et vides. Saga nous prouve qu’en revenant à des fondamentaux bien strcturés, il est capable de se remettre en question. Ne pas s’être entêté bêtement dans la vague « mainstream » qui ne conduit nulle part lui réussit donc parfaitement. Mettre à peu près tout le monde d’accord, à défaut de surprendre, c’est déjà pas si mal, non ?
Voilà, Trust a les qualités nécessaires pour combler les fans de la première heure et réconcilier ceux fâchés avec les Canadiens, moi le premier.

* Steel Umbrellas (1995) - Generation 13 (1995) – The Pleasure & The Pain (1997)
** de Full Circle (1999) – House Of Card (2001) – Marathon (2003) - Network (2004)


Rédigé par : Karadok | 15/20 | Nb de lectures : 13114