Trois années se sont écoulées depuis que l'écume du MCD The Ocean nous a éclaboussés. Sael n'en a pas pour autant connu une traversée du désert. Les Charentais ont juste pris le temps de mitonner leur premier album, démarche noble s'il en est à une époque où il faut toujours trop vite du "contenu". Et puis il fallait probablement faire avec l'emploi du temps chargé du guitariste barbu Iconoclast, propriétaire de l'Echoes Studio dont le nom apparaît de plus en plus souvent dans les livrets.

Le ton est donné dès les premières mesures: un blast impitoyable entame l'opus avant de se briser en quelques secondes pour laisser sonner des accords dans le vide. Sael marque la différence avec les canons habituels, brisant la mise en place plus classique des ambiances par des riffs qui s'enchaînent brutalement, qui font rebondir le morceau dans un sens opposé. The Sixth Extinction tient plus du terrain de tennis que de la marche funèbre, avec ses accélérations, ses rythmes cassés, ses effets qu'ils soient amortis, liftés ou lobés. Le groupe nous entraîne dans une série de sept échanges longs et techniques avec lui, pour un match de près de 47 minutes qui s'annonce éreintant.

Mais bien qu'ils donnent la première impression de picorer dans tous les sens, les titres n'en chantent pas moins à l'unisson et nous content un si grand mal-être qu'on voudrait le voir s'achever sans souffrance. Destin, purification, absolution, solitude, extinction. Sael livre les sept stations de son chemin de croix, une croix qu'on imagine solide, rustique et ouvragée. Quelle jubilation d'épier avec un plaisir sadique un Sael en pénitence, dont les cantiques s'élèvent vers les cieux. Houla, je craque sur mon délire mystique.

Côté production, on retrouve évidemment la signature Echoes studio, avec notamment une basse très présente et une batterie qui claque. Le mixage et le mastering ont été confiés à Neb Xort, le tandem Echoes-Drudenhaus étant désormais un classique des groupes qui passent aux Echoes. Ici, le son est excellent pour mes oreilles. Les guitares "rondes" sont bien présentes, gardant une bonne agressivité sans que leur son ne soit trop âpre. La basse est donc bien présente, mais point trop comme cela peut être le cas pour l'album d'Annthennath. L'équilibre est impeccable pour garantir une très bonne lecture des instruments et offrir un côté sauvage au bazar. Excellent boulot!

Mon seul grief concerne le titre final moins envoûtant, avec son lent démarrage qui m'évoque les merdouilles post-rock (oui, bon, ben j'aime pas trop). Et surtout, j'ai reçu cet album de Sael en même temps que le dernier Annthennath. Et là, le Sael a eu du mal à s'imposer dans la platine face à des potes charentais plus portés sur l'extrême. J'ai dû laisser reposer la bestiole dans un coin, histoire d'aérer les esgourdes avant de pouvoir apprécier au mieux les élans mélodiques de nos compatriotes. Et cela valait le coup!

Sael nous livre une nouvelle fois un black metal travaillé et rempli de chausse-trappes. Les adeptes d'une style plus minimaliste et grésillant en seront encore pour leurs frais. Chez Sael, on tripatouille tout ce qui peut raisonnablement l'être: les tempos, les rythmes et les sonorités, sans jamais verser dans l'extrémisme radical. Certes très efficace, l'ensemble reste mélodique et porte bien plus une histoire qu'une révolte. Encore un album à ne pas ingérer à la va-vite, ce qui va être difficile pour les plus boulimiques parmi nous.


Rédigé par : Prince de Lu | 17/20 | Nb de lectures : 16107