On ne peut pas dire que la confirmation de Sadist au Hellfest en lieu et place des regrettés Atheist ait soulevé un enthousiasme délirant. Pourtant les deux groupes ont marqué de leur empreinte la scène techno death au sein d'une génération spontanée de musiciens qui allait enflammer les années 90 en incorporant des éléments Jazz dans du death/thrash de haute volée. Comme beaucoup de ces formations Sadist a connu un passage à vide par la suite, notamment à cause d'un certain « Lego » qui a fait fuir les fans et plombé la motivation du groupe. Reformé en 2007, Sadist tente avec pugnacité de revenir sur le devant de la scène et de retrouver son auditoire, seulement voilà la concurrence est plus rude que jamais et en dehors d'un succès d'estime l'album éponyme sorti l'année de leur retour n'a pas permis aux Italiens de s'imposer à nouveau parmi les grands.

Pour bien faire je préférerais réserver mon jugement jusqu'à leur passage sous la tente Rock Hard, car c'est précisément sur scène que la groupe m'a mis la claque ayant bloqué mes connections neuronales sur le mode fan-de-base-denué-de-tout-sens-critique. Ce qui nous ramène tout de même quinze années en arrière quand Sadist défendait son album « Tribe » en ouverture de la tournée « Vile » de Cannibal Corpse. Déjà Tommy Talamanca monopolisait l'attention en jouant la carte de l'esbroufe totale ; le guitariste dément aligne des descentes de manche main gauche en jouant la même mélodie au clavier main droite. Ce qui pourrait passer pour d'insupportables bouffées de vanité est immédiatement pardonné par la délirante efficacité des morceaux mis en place par le meilleur line-up du groupe à ce jour. Bref, comme je disais plus haut le temps a passé et hormis le diptyque « Above the light/Tribe » qui ne dépareillerait pas dans la rubrique Remember, rien d'exceptionnel à se mettre sous la dent en dépit des évidentes qualités du précédent album.

Pas de suspense inutile, « Season in silence » renoue avec ce passé glorieux sans lui rendre vraiment hommage. La faute à un manque d'homogénéité de l'album qui alterne les moments de bravoure avec quelques plages nettement plus quelconques, mais aussi à cette impression tenace que le groupe bride sa créativité par crainte de perdre définitivement l'adhésion du public. Détail qui se ressent plus particulièrement dans les instrumentaux totalement anecdotiques là où le groupe trouvait auparavant matière à oser des textures plus audacieuses ou des ambiances réellement tripantes avec ce son de clavier -parfois décrié- qui caractérise leur identité.
Bien entendu ça joue, ça joue salement bien même, c'est le minimum dans le style pratiqué. J'ai néanmoins du mal avec les patterns d'Alessio qui allonge une frappe chirurgicale mais souffrant d'un manque de finesse rédhibitoire dans un répertoire qui recherche un phrasé Jazz. C'est d'autant plus regrettable que la basse six-cordes de Andy n'est que profondeur et groove ; la douceur de la fretless apportant du coup une coloration trop contrastée dans la section rythmique. J'ai l'air de pinailler mais cet équilibre entre la puissance du death et la subtilité des arrangements jazzy est à la base même du genre, n'est pas Cynic qui veut en somme.
Côté bonne surprise je note que les lignes vocales de Trevor sont mieux intégrées, j'ai toujours eu du mal avec la compression extrême de ses hurlements qui nuisaient parfois à l'ensemble. Enfin le maître d'œuvre du projet, Tommy prouve une fois de plus qu'il est un grand compositeur et certainement un de mes guitaristes préférés ; capable aussi bien de donner une couleur inquiétante à un riff néo-classique, d'enchaîner soli de gratte ou de clavier exaltés ou de durcir soudain un titre avec ces rythmiques brutales qui leur ont permis de tourner avec Carcass ou Immolation.
Sadist demeure néanmoins une référence incontournable du techno death qui assume sa singularité face à la nouvelle génération -Obscura et consorts- évoluant dans un registre plus incisif. Des titres tels que « Season in silence » me donnent entière confiance dans le futur du groupe à condition que des forces créatives soient libérées par un regain de confiance dans leur fan-base. Rejoignez la Tribu!


Rédigé par : #Guillaume# | 15,5/20 | Nb de lectures : 13321