Vous vous souvenez de Memento? Ce film de Christopher Nolan dans lequel un type possède une mémoire immédiate déficiente qui limite ses souvenirs au quart d'heure en cours. La découverte de ce nouvel album de SAATTUE me frappe du même type de défaillance. Frappés par des éclairs de conscience erratiques, je me surprends à me demander ce que j'écoute, incapable de restituer la moindre note ou une simple impression des morceaux écoulés. On pourrait presque parler de finnish goldfish metal, seul un poisson rouge pouvant éprouver de l'indulgence pour la musique proposée.
Ce qui permet déjà de poser cette simple assertion : SAATTUE ça tue pas vraiment. Vous remarquerez au passage la constance des rédacteurs de VS en matière de calembour en vous référant à la chronique de Sheb sur le précédent méfa... album du groupe.

SAATTUE, en bons Filandais, officie dans un registre proche de leurs collègues de SWALLOW THE SUN ou SHAPE OF DESPAIR en proposant toutefois un doom/death très mélodique, teinté de touches heavy, en particulier dans le chant. C'est malheureusement la seule audace que se permettra un groupe, vraisemblablement bourré de bonnes intentions, mais qui n'a absolument rien à dire.
La bonne idée du chant de Tuukka Toskinen c'est d'éviter la dialectique growl/chant clair en mettant l'emphase sur des vocaux agressifs correctement modulés. L'inconvénient de ce registre vocal est qu'on profite amplement des sonorités déstabilisantes du chant en finnois. Sur le fond je trouve ça vraiment sympa de freiner l'hégémonie culturelle de l'anglais au profit de sa langue natale, mais de même que le français colle assez mal aux musiques metal en général (manque d'accents toniques, phonétique articulatoire, syntaxe, etc.) le finnois souffre de sonorités, euh, dérangeantes pour qui n'en est pas coutumier.
Au-delà de cette anecdote linguistique, la musique de SAATTUE ne décolle jamais, plombée par une uniformité dont rien ne se démarque, de riffs faiblards et convenus, mais surtout d'un manque total d'ambition qui les place directement dans la masse des formations anonymes. Encore moins pardonnable, ce titre insupportable à la moitié de l'album où une chanteuse assène ses mièvreries pendant cinq minutes ("Synista syntynyt"). Rajoutez à cela quelques guests dont le très dispensable Alexi Laiho et vous aurez une idée de la fébrilité de l'ouvrage. Dure loi d'un marché musical plus que concurrentiel : « Vuoroveri » est à oublier d'urgence.
Le naufrage total est évité grâce à une production très correcte – après tout les gars sont signés chez Spikefarm – et la présence d'un ancien guitariste de YEARNING (une petite pensée pour Juhani Palomäki) peut-être responsable des quelques bons plans de l'album. L'honneur est sauf. Au rythme actuel d'un album par an, le groupe se réserve une bonne marge de progression, sait-on jamais.


Rédigé par : #Guillaume# | 09/20 | Nb de lectures : 12482