Ruiner est le nouveau venu chez Bridge 9. Originaire de Baltimore, Maryland, ce jeune groupe formé au milieu de l’année 2004 sort ici son premier album chez l’une des plus grandes écuries de hardcore américaines. Bridge 9 est souvent synonyme de qualité quant aux CDs qu’ils offrent au public et « Prepare To Be Let Down » n’y fait pas exception. Se cataloguant comme « Fast and Melodic Hardcore from Baltimore », Ruiner apporte donc sa contribution à l’édifice hardcore.

Le hardcore de Ruiner est assez sombre et se dégage des sorties hardcore que j’ai l’habitude de côtoyer. Loin de jouer les cartes des tough guys en short ou des straight edge fiers et intègres aux mains marquées, Ruiner propose donc un hardcore ultra rapide bourré de mélodies mais surtout d’une tristesse oppressante. Il suffit de regarder la pochette pour s’en convaincre : couleur de fond lugubre, hommes pendus, rose perchée dans un arbre sans feuille… Le livret ne respire pas non plus la joie, ce gris-noir étant omniprésent quelque soit la page. Rempli ras la gueule de mélancolie et suintant l’émotion à chaque seconde, « Prepare To Be Let Down » est réellement un disque singulier dans l’écurie Bridge 9.

L’album démarre sur une intro instrumentale « Prepare To Be Let Down ». Lente et progressive, lourde et imposante, elle sert de tremplin pour le second titre « Bottom Line : Fuck You ». Ultra rapide, riffs mélodiques joués à la vitesse de la lumière et cette voix lugubre… Le timbre de Rob Sullivan est l’attraction du CD, un élément qui pourrait être la marque de fabrique du groupe, pouvant lui permettre de distinguer parmi les innombrables sorties hardcore pullulant sur le marché US. Sullivan dispose d’une voix éraillée mais d’un timbre suintant l’émotion. Gorgé de tristesse et de mélancolie, on s’attend à le voir s’effondrer à chaque fin de vers, tant sa voix est prenante. Oscillant entre cris désespérés et hurlements colériques, sa voix se casse régulièrement à la fin des mots prononcés comme si chaque cri provenait du cœur. Poignant et prenant aux tripes, la manière dont Sullivan se sert de sa voix est assez singulière et ne plaira probablement pas à tout le monde.

Si le chanteur y met toute sa hargne pour exprimer son désespoir, la musique n’est pas en reste. Chaque composition bénéficie d’une atmosphère pesante et mélancolique. Le titre qui illustre le mieux ces propos est bien « 40 miles north ». Lent et mélodique, Sullivan y est plus touchant que jamais sur cette chanson traitant du désarroi de se sentir seul au monde… Les paroles sont dans la même veine : rupture avec un être cher («Kiss That Motherfucker Good Night), mal être (« 40 miles north »), solitude (« When The Mourning Ends »). Ce discours triste, presque dépressif est le pivot central de Ruiner, usant de sa tristesse pour toucher un public hardcore qui se diversifie de plus en plus. Les tough guys n’ont plus forcément le vent en pompe, le hardcore s’ouvre de plus en plus à l’émotion et aux thèmes plus proches de la vie réelle. Des groupes comme Have Heart, Killing The Dream ou Go It Alone (R.I.P) ont bien compris cela. Cette recherche lyrique est en partie la cause de leur succès (même si la qualité de leur musique y est pour beaucoup évidemment). Bref, je m’égare…

Je reviens donc à la musique. La rapidité est omniprésente, chaque titre est joué à la vitesse de la lumière et Ruiner ne s’attarde pas pour conclure son oeuvre (12 titres en 20 minutes ). Mélodiques et riches, les riffs sont clairement inspirés et jouent à fond la carte de l’émotion. Pas de mosh parts, pas de grosse voix sursaturée, aucun plan agressif, on est bien loin du new school brutal et sans compromis.

Prenez « When The Mourning Ends », probablement l’un des titres les plus déprimants du CD. La chanson est globalement lente, les guitares sont limpides et incisives et la basse est clairement mise en avant. Bien entendu, la voix de Sullivan vient compléter le tableau. Cependant, les brûlots sont également de la partie : des titres comme « Bottom Lines : Fuck You », « Sleepless » ou « Long Time Coming » suintent l’energie et la rage.

La production est excellent bien que très ressemblante avec celle de Have Heart « The Things We Carry ». Les guitares ont les mêmes sonorités à savoir claires et non mangées par la saturation, la batterie est mixée de la même manière et la basse claque en fond. Le tout fleure bon l’old school…

Bridge 9 vient encore de frapper un grand coup avec cette nouvelle sortie. Les coreux purs et durs devraient sans aucun doute y trouver leur compte car ce disque regorge de qualités et de charme.


Rédigé par : Vision Of Beuh | 15/20 | Nb de lectures : 10462