Damned. Je suis encore plus doooooooooooooooom que ces gars. Désolé, très estimés amis suisses, d'avoir mis autant de temps à pondre une bafouille sur votre musique, mais en acceptant de recevoir d'un bloc l'intégralité de votre discographie (2 EP constitués d'un titre d'une demi-heure, un EP d'autant et un album d'une heure et quart), je ne me suis pas douté un seul instant de l'ampleur de la tâche. M'enfiler trois plombes de post-doomblahblah assez de fois pour être apte à en recracher quelques mots, ça m'a à peu près autant motivé que de participer au Paris-Dakar en voiture sans-permis. Donc histoire de ne pas sombrer dans la redite, chose que j'exècre même si ça doit inconsciemment m'arriver, autant faire ici d'une pierre quatre coups. Préambule:

La légende veut que durant leurs jeunes et folles années, messieurs Von Till et Kelly aient profité de leurs bourses d'études pour aller vider les leurs en allant "étudier la géologie des monts Alpins" sur le Vieux Continent. C'est que sous ces bonnes grosses barbes inspirant une bonhomie nonchalante se cachaient auparavant de vrais petits queutards. Alors encore sveltes et imberbes, partis en croisade pour repeupler la Suisse, ils n'eurent aucun mal à s'attirer les faveurs de jeunes et blondes Helvètes légères de la cuisse en allant jouer les beaux ténébreux armés de guitares sèches autour d'un feu sur les rives du Lac Léman. Et voilà pourquoi, 25 ans plus tard, la moitié de la Suisse joue dans un groupe de post-hardcore.
Authentique.

Il me serait facile de meubler cette chronique en name-droppant rien que la moitié des groupes suisses qui jouent du post-hardcore de qualité, mais concentrons-nous plutôt sur le cas de RORCAL, festif combo formé en 2005. Plutôt productifs les lascars, puisqu'avec la régularité d'un coucou ils balancent une nouvelle livraison, déjà 4 depuis 2007, sans compter une apparition sur le premier volume de la compilation Falling Down (dont la rumeur veut qu'elle ait été commanditée par messieurs Von Till et Kelly, assaillis de scrupules et désirant retrouver leur descendance pour verser les pensions alimentaires dûes, mais ça c'est une autre histoire). Venons-en aux faits:

The way we are, the way we were, the way we will be (Sigma Records, 2007 )
Premier jet après 18 mois d'existence seulement, et déjà un son de mammouth. Cinq titres, une demi-heure, ça joue dans la cour du post-hardcore dans sa version la plus tellurique et rampante, en appuyant bien là où ça fait mal. Ecole Neurosis, Isis des tout débuts dans les rares mélodies, Dirge and co, en plus dépouillé et répétitif. Pauses ambiantes régulières une fois arrivé en haut des côtes, histoire de souffler deux minutes avant que le marteau ne revienne molester l'enclume. Le troisième titre, "Dick Morante", m'avait marqué la première fois que j'avais écouté le groupe à la sortie du EP, parce que le hurleur lâchait un cri continu de 20 secondes sur la fin. Taré. Un champion du monde d'apnée en devenir, si ce n'est déjà fait.

Ascension (Division Records/Sigma Records, 2007)
Alors il s'agit d'un titre qui frôle la demi-heure, et qui est le fruit d'une collaboration avec leurs châtoyants compatriotes de KEHLVIN. Casting de choc: deux cogneurs, deux bassistes, quatre gratteux accordés sous le seuil de pauvreté et deux cracheurs de glotte, séquestrés pendant 4 jours chez Julien Felhmann, l'homme crédité derrière tous les albums du gratin de la scène lourde helvète. Le sismographe commence à sacrément s'agiter, c'est que ça martèle, comme dirait Charles. Désolé, parce qu'il y a pas trop matière à se fendre la poire. Par contre étant donné la grande proximité des deux groupes, l'alliance se ressent plus en terme de puissance que de composition, mais c'est pas grave.

Monochrome (Calofror Records, 2008)
665 exemplaires avec des bouts de textes de Moby Dick inside, au cas où il y en aurait qui n'auraient pas encore saisi la ligne directrice du groupe. Second pavé tournant autour de la demi-heure en collaboration, mais avec un peu d'eau fraîche à leur moulin ce coup-ci, puisqu'ils ont fait appel à un claviériste, un saxophoniste et une douce voix claire. Et ça leur fait vraiment pas de mal vu qu'ils jouent énormément sur le dépouillement et l'étirement des plans. Un petit côté YAKUZA dû à la présence erratique du saxo, ça rend tout de suite leur bordel un peu plus feutré. Bon, évidemment, ça vaudra jamais NEUROSIS & JARBOE, mais ça passe plutôt bien affalé dans son fauteuil Club toutes lumières éteintes. Et ça passe encore mieux avec la vidéo en noir et blanc qui lui est associée, accessible via le code inscrit sur la tranche du crystallin boîtier CD. Par contre faut le vouloir pour trouver l'URL de la page, en bonne burne j'ai mis 15 ans à la trouver, et pensant aux désœuvrés qui seraient dans le même cas de figure, ça se passe ici: http://rorcal.com/monochrome/main.php#

Mirra, Mordvynn, Marayaa (Thundering Records, 2008)
Et donc, premier véritable album, avec un son plus écrasant et éploré que jamais. Une très lente progression, malheureusement douloureuse aux deux sens du terme, il faut avoir un mental taillé dans le bois des champions pour s'enfiler ces 74 minutes d'une traite malgré les interludes ambiants ici vitaux. Voilà le seul véritable reproche que je formulerais à RORCAL, tous disques confondus. Ils ont oublié que même le noir pouvait avoir besoin d'un nuancier. Et le noir ici présent n'est pas le plus abyssal non plus, n'étant pas ABANDON qui veut. Seulement, en bons masochistes, on les félicitera également pour cette détermination sans faille à essayer de graver leurs plans au burin dans nos cortex lessivés.

Voilà, mon calvaire est terminé. Il était moins une, puisqu'un nouvel opus est prévu incessamment sous peu , "Heliogabalus" sera son petit nom. Dur de mettre particulièrement un de leur travaux en exergue tellement les variations de leur style sont infimes, et comportent grosso modo les mêmes qualités (lourdeur éplorée, dépouillement, répétitions de motifs façon bourrage de crâne) et les mêmes défauts (lourdeur éplorée, dépouillement, répétitions de motifs façon bourrage de crâne). Pour les gaillards, les vrais.

Madrigal : Rorcal, la baleine, nouvel animal en vogue ces temps ci pour évoquer un côté écolo, l’image d’un imposant cétacé qui finalement serait le lien entre l’homme et une nature bien trop abîmée par ses erreurs et ses velléités trop égoïstes et contre lequel il sentirait le poids de la vengeance de dame nature...

Point question ici de cachalot dans la musique du groupe Suisse Rorcal mais pourtant d’un mastodonte sonore sous la forme d’un Sludge Funeral Doom qui parvient à inviter au voyage. Vous avez bien lu, sous ses allures d’arme de destruction massive, Rorcal voyage aussi d’atmosphères en atmosphères. Souvent pesantes et haletantes, elles savent aussi se montrer mélancoliques dans des plaintes désespérées (tout de même) révélants finalement un côté aérien...Ouf, car il en faut du souffle pour arriver au bout de ce premier album...

Côté instruments, le groupe ne se compose que de guitares, basse, batterie et ne touche absolument pas au clavier pour créer ses ambiances. Tout vient des incisives guitares et du chant hurlé d’un écorché vif inconsolable... Est-ce du aux peines ressenties par nos chères baleines que le groupe nous abandonne la plupart du temps dans des dissonances quasi insupportable? Ou tout simplement l’envie d’afficher à la face du monde toute la noirceur qui les habitent, voir même les envahie? Aucune idée, mais sachez que Rorcal ne fait pas semblant et qu’il pourrait bien vous mettre une sacrée claque pour peu que vous décidiez de vous pencher un minimum sur leur musique qui à coup sûr vaut le détour...

Un mélange aussi savant de noirceur suffocante mélangée à quelques plongées subtiles dans des interludes tout aussi perspicaces ne se trouvent pas aussi souvent dans la nature, car il faut bien avouer que ce style de musique comporte son lot de production bâclées qui ne servent qu’à polluer nos oreilles. Portez-vous donc du côté de la baleine afin de peut être un jour parler le même langage que ce groupe hors norme...
Note : 16/20



Rédigé par : Crown_Me | 14/20 | Nb de lectures : 11450