Raison ou sentiment ?
C’est le dilemme qui m’est apparu lorsque j’appris par notre bien aimé guide enveloppé de gloire que j’allais devoir chroniquer la réédition du premier album de Rome. D’un côté, il s’agissait d’une chance unique de pouvoir partager mon enthousiasme pour ce projet. D’un autre, je me suis soudain posé la question de l’onanisme que représentait cette chronique sur un site comme VS. A qui va pouvoir s’adresser cette chronique puisque ceux qui ont un tant soit peu le nez dans le Neo-Folk, ils n’ont pu passer outre cet excellent projet. En revanche, celui ou celle qui pense que VS ne doit traiter que le Metôl, peut passer à la chronique suivante. Alors, je m’adresse principalement aux deux ou trois curieux qui zonent et pour qui le voyage vers un ailleurs différent ne ressemblent pas à un chemin de croix pour un adorateur de Satan.
Rome est un prolifique projet initié en 2006 par le Luxembourgeois Jérôme Reuter qui nous a gratifiés d’un album tous las ans depuis lors. J’avoue, il existe un lien ténu avec le Metal car il apparaît que derrière notre démiurge se cache une âme damnée qui va prendre de plus en plus de place dans cet univers solitaire. Il s’agit de Patrick Damiani plus connu pour être le guitariste de Falkenbach ainsi que son producteur et fondateur d’un groupe de « Black » Sympho appelé Le Grand Guignol dont j’apprécierai assez de voir débarquer un deuxième album. Au départ simple producteur, Damiani finira par prendre une part non négligeable dans la réalisation des albums et en particulier en ce qui concerne les arrangements.
A la suite de la signature de Rome chez Trisol, le label s’est lancé dans la réédition des œuvres initialement parues chez le mythique label Cold Meat Industry. Si l’EP avait fait l’objet d’une refonte de l’artwork, cet album lui est en tous points identiques à l’original à ceci près qu’au lieu d’être mate, le gigipack est brillant. Certains pourront s’étonner de la réédition d’un album datant de 2006 mais il faut bien admettre que les tirages dans le style sont assez limités et on a vite fait de se retrouver avec un album sold out.
Faisant suite à un assez peu passionnant EP assimilable à une carte de visite, ce premier album va se révéler plus intéressant car nous pouvons voir les germes des chefs-d’œuvre à venir. Sur "Nera", Rome explore un Neo-Folk tout ce qu’il y a de classique et tel qu’il a été théorisé par les grands anciens tel que Current 93, Death In June ou Sol Invictus. Pour le néophyte, il s’agit du mélange particulier d’instruments acoustiques (guitares sèches, piano ou autres …), de rythmiques martiales, d’éléments Indus et de samples divers qui généralement tournent autour de la guerre, du paganisme voire de la littérature. Ici, on est dans la thématique Historique et guerrière et on entendra de nombreuses insertions évoquant le passé tumultueux de l’Europe du 20ème siècle. L’album se construit sur l’alternance des chansons et de ces passages Martial/Ambient ce qui fait que ce premier jet se montre scolaire et finalement assez classique. L’habitué ne trouve rien de bien neuf sous le ciel gris des ruines de ce champ de bataille puisque les glorieux aînés ont déjà bien évoqué les cendres de ces armées oubliées.
Mais sous l’inexpérience de l’époque, j’ai vu affleurer une promesse qui se réalisera dès l’album suivant. En effet, là où les précurseurs inscrivaient leur musique dans une démarche avant-gardiste et intellectuelle fondée sur la juxtaposition d’éléments disparates afin de créer des images poétiques (voire érotiques pour Death In June !) ou une réflexion autour de ces thématiques, Rome amorce un autre chemin car même si Reuter trace son chemin dans le collage évocateur, il va réussir à véritablement incarner sa musique. Même si grâce à cette prod limpide et distante, la musique nous amène dans ces charniers froids et mélancoliques, on ne peut se soustraire à la caresse charnelle qui nous envahit à l’écoute. Il y a d’abord cette voix grave et chaude qui vient avec toute sa lassitude nous conter ces temps de misère et puis il y a cet encore jeune talent d’écriture qui bourgeonne sur ce disque. On imagine déjà que Reuter risque de devenir un véritable « songwriter », comme on dit. Certes, nous ne sommes pas encore dans la perfection de certains des ses chefs-d’œuvre à venir mais il nous cisèle déjà quelques belles perles pleines de délicatesse. Grâce à cette volonté de créer de véritables chansons, Reuter sollicite plus volontiers nos tripes que notre cerveau. En fait, l’apport principal de Rome est d’avoir réussi à mettre de la chair et du sentiment à une musique dont le périmètre se situait dans le jeu des références et les concepts. D’ailleurs, quelques critiques reprochèrent ce parti pris à l’époque en fustigeant ces tournures « Pop », disons plus classiques.
Dois-je pour autant conseiller cet album au curieux de passage ? Il s’agit probablement d’une entrée tout à fait honorable dans l’univers de ce projet ainsi que dans l’univers du Neo-Folk. Mais si vous êtes patients, je vous incite à attendre la sotie de la prochaine réédition « Confessions d’un Voleur d’Ames » paru en 2007. Pour moi, c’est véritablement de l’aboutissement dans le style. On tient enfin de véritables hymnes qui vous enfoncent irrésistiblement dans une mélancolie nostalgique. Je vous invite même à écouter cet album devant un coucher de soleil, le temps s’arrête et le monde semble s’échouer dans la nuit. Maintenant si vous êtes vraiment curieux, le magnifique « Flowers From Exile » (1er album chez Trisol) est toujours disponible mais attention ce n’est plus tout à fait le même Rome. En effet, Reuter abandonne une grande partie de l’aspect Martial/Indus pour se concentrer à la création de perles Folk consacrées aux républicains espagnols. Un grand moment de bonheur surtout que le chant gagne encore en qualité et en émotion.
Rome n’a pas révolutionné le style mais en a fait un être de chair et de sang dont le cœur palpite à nos oreilles.
A réserver aux égarés mélancoliques…
Le seul album de Rome que je n'avais pas encore ecouté, en voila une belle occasion.
Ennemi IP:85.68.207.195 Invité
Posté le: 23/02/2011 à 12h17 - (91527)
+1. Super groupe je trouve. Ils ont changés de label ?Ce que tu écris dans le troisieme paragraphe, c'est que CMI a perdu les droits de ROME ou que le contrat a expiré?
DARK RABBIT Membre enregistré
Posté le: 23/02/2011 à 12h59 - (91528)
Je dois avouer que je ne connais pas les clauses de contrat chez CMI. Mais à la suite du troisième album (qui était peut-être la fin de contrat?) Reuter a signé chez Trisol. Au niveau droits, il est probable que vu la taille du label, les artistes gardent les droits d'exploitation de leurs oeuvres...? Mais là, je me lance dans des hypothèses fumeuses...Le fait est que les pressages CMI sont rapidement sold out et que les rééds se font rares.
Mighty-Forest Membre enregistré
Posté le: 23/02/2011 à 13h36 - (91529)
Depuis le temps que j'en entends parler, il serait temps que je me penche un peu sur ce projet.
J'ignorais totalement qu'un membre de Falkenbach y avait participé, d'ailleurs !
Sinon, c'est très sympa de voir des chros de ce type sur VS ;).
Monceau Membre enregistré
Posté le: 23/02/2011 à 22h44 - (91557)
incroyable ce son...
ça passe sur la fréquence différente, non protégée et, de ce fait, avec les dégâts immédiats. En plus tu l'avais dit, mon Lapin - ce son de velours, on le ressent sur la peau comme une caresse.
Je suis surprise et impressionnée
Niveau de modération : Commentaires non modérés par l'administration du site
Ce commentaire est soumis à la lecture et à l'approbation des modérateurs.
S'il ne suit pas les règles suivantes : Pas de pub, pas de lien web, pas d'annonces de concerts, il ne sera pas retenu. Plus d'infos
C’est le dilemme qui m’est apparu lorsque j’appris par notre bien aimé guide enveloppé de gloire que j’allais devoir chroniquer la réédition du premier album de Rome. D’un côté, il s’agissait d’une chance unique de pouvoir partager mon enthousiasme pour ce projet. D’un autre, je me suis soudain posé la question de l’onanisme que représentait cette chronique sur un site comme VS. A qui va pouvoir s’adresser cette chronique puisque ceux qui ont un tant soit peu le nez dans le Neo-Folk, ils n’ont pu passer outre cet excellent projet. En revanche, celui ou celle qui pense que VS ne doit traiter que le Metôl, peut passer à la chronique suivante. Alors, je m’adresse principalement aux deux ou trois curieux qui zonent et pour qui le voyage vers un ailleurs différent ne ressemblent pas à un chemin de croix pour un adorateur de Satan.
Rome est un prolifique projet initié en 2006 par le Luxembourgeois Jérôme Reuter qui nous a gratifiés d’un album tous las ans depuis lors. J’avoue, il existe un lien ténu avec le Metal car il apparaît que derrière notre démiurge se cache une âme damnée qui va prendre de plus en plus de place dans cet univers solitaire. Il s’agit de Patrick Damiani plus connu pour être le guitariste de Falkenbach ainsi que son producteur et fondateur d’un groupe de « Black » Sympho appelé Le Grand Guignol dont j’apprécierai assez de voir débarquer un deuxième album. Au départ simple producteur, Damiani finira par prendre une part non négligeable dans la réalisation des albums et en particulier en ce qui concerne les arrangements.
A la suite de la signature de Rome chez Trisol, le label s’est lancé dans la réédition des œuvres initialement parues chez le mythique label Cold Meat Industry. Si l’EP avait fait l’objet d’une refonte de l’artwork, cet album lui est en tous points identiques à l’original à ceci près qu’au lieu d’être mate, le gigipack est brillant. Certains pourront s’étonner de la réédition d’un album datant de 2006 mais il faut bien admettre que les tirages dans le style sont assez limités et on a vite fait de se retrouver avec un album sold out.
Faisant suite à un assez peu passionnant EP assimilable à une carte de visite, ce premier album va se révéler plus intéressant car nous pouvons voir les germes des chefs-d’œuvre à venir. Sur "Nera", Rome explore un Neo-Folk tout ce qu’il y a de classique et tel qu’il a été théorisé par les grands anciens tel que Current 93, Death In June ou Sol Invictus. Pour le néophyte, il s’agit du mélange particulier d’instruments acoustiques (guitares sèches, piano ou autres …), de rythmiques martiales, d’éléments Indus et de samples divers qui généralement tournent autour de la guerre, du paganisme voire de la littérature. Ici, on est dans la thématique Historique et guerrière et on entendra de nombreuses insertions évoquant le passé tumultueux de l’Europe du 20ème siècle. L’album se construit sur l’alternance des chansons et de ces passages Martial/Ambient ce qui fait que ce premier jet se montre scolaire et finalement assez classique. L’habitué ne trouve rien de bien neuf sous le ciel gris des ruines de ce champ de bataille puisque les glorieux aînés ont déjà bien évoqué les cendres de ces armées oubliées.
Mais sous l’inexpérience de l’époque, j’ai vu affleurer une promesse qui se réalisera dès l’album suivant. En effet, là où les précurseurs inscrivaient leur musique dans une démarche avant-gardiste et intellectuelle fondée sur la juxtaposition d’éléments disparates afin de créer des images poétiques (voire érotiques pour Death In June !) ou une réflexion autour de ces thématiques, Rome amorce un autre chemin car même si Reuter trace son chemin dans le collage évocateur, il va réussir à véritablement incarner sa musique. Même si grâce à cette prod limpide et distante, la musique nous amène dans ces charniers froids et mélancoliques, on ne peut se soustraire à la caresse charnelle qui nous envahit à l’écoute. Il y a d’abord cette voix grave et chaude qui vient avec toute sa lassitude nous conter ces temps de misère et puis il y a cet encore jeune talent d’écriture qui bourgeonne sur ce disque. On imagine déjà que Reuter risque de devenir un véritable « songwriter », comme on dit. Certes, nous ne sommes pas encore dans la perfection de certains des ses chefs-d’œuvre à venir mais il nous cisèle déjà quelques belles perles pleines de délicatesse. Grâce à cette volonté de créer de véritables chansons, Reuter sollicite plus volontiers nos tripes que notre cerveau. En fait, l’apport principal de Rome est d’avoir réussi à mettre de la chair et du sentiment à une musique dont le périmètre se situait dans le jeu des références et les concepts. D’ailleurs, quelques critiques reprochèrent ce parti pris à l’époque en fustigeant ces tournures « Pop », disons plus classiques.
Dois-je pour autant conseiller cet album au curieux de passage ? Il s’agit probablement d’une entrée tout à fait honorable dans l’univers de ce projet ainsi que dans l’univers du Neo-Folk. Mais si vous êtes patients, je vous incite à attendre la sotie de la prochaine réédition « Confessions d’un Voleur d’Ames » paru en 2007. Pour moi, c’est véritablement de l’aboutissement dans le style. On tient enfin de véritables hymnes qui vous enfoncent irrésistiblement dans une mélancolie nostalgique. Je vous invite même à écouter cet album devant un coucher de soleil, le temps s’arrête et le monde semble s’échouer dans la nuit. Maintenant si vous êtes vraiment curieux, le magnifique « Flowers From Exile » (1er album chez Trisol) est toujours disponible mais attention ce n’est plus tout à fait le même Rome. En effet, Reuter abandonne une grande partie de l’aspect Martial/Indus pour se concentrer à la création de perles Folk consacrées aux républicains espagnols. Un grand moment de bonheur surtout que le chant gagne encore en qualité et en émotion.
Rome n’a pas révolutionné le style mais en a fait un être de chair et de sang dont le cœur palpite à nos oreilles.
A réserver aux égarés mélancoliques…
Rédigé par : Dark Rabbit | réédition (in)dispensable c'est selon.../ | Nb de lectures : 13391