Moi qui pensais pouvoir me faire un vrai petit plaisir solitaire en exerçant ma plume sur la réédition du deuxième album de ROME. Eh bien non ! Je ne sais pas pourquoi mais Trisol nous envoie une réédition sur deux. Tant pis, je ne vous parlerai donc pas du magnifique "Confessions d’un Voleur d’Ames" qui était pour moi l’apogée dans le style Folk/Martial. Un chef-d’œuvre épuré gorgé de mélancolie ! A la place, je vais revenir sur ce troisième album qui s’avère être le dernier de la période Cold Meat Industry.

A l’époque, je ne pus contenir une certaine déception lors de mes premières incursions au sein de cet opus. Je ne m’étais toujours pas véritablement remis du précédent et surtout Reuter amorçait la mue de son projet. En vérité, ce troisième chapitre se montre intéressant à plus d’un titre car nous avons affaire à un véritable album de transition entre ce passé militaire et un futur moins cadenassé. Outre cet artwork à la fois atypique et dérangeant avec ces mannequins presque humains semblant exhaler la souffrance, la musique frappait aussi notre oreille par sa diversité, sa liberté vagabonde. En effet, s’il y a bien un album de ROME qui apparaît versatile c’est bien ce dernier. Reuter tente, expérimente, s’affranchit en douceur de l’ombre tutélaire de ses modèles.

Pour la première fois (et pas la dernière…), ROME ouvre son champ d’investigation vers des contrées moins martiales. Car même si nous retrouvons ce son (toujours Damiani à l’œuvre) à la fois limpide et glaçant distillant cette langueur mélancolique, Reuter allège son propos tout en multipliant les ambiances. C’est ainsi que nous découvrîmes avec une certaine stupeur à l’époque un morceau tout en cuivres à la croisée de la piste de cirque et du cabaret propice à la déchéance ; une monstrueuse parade décadente. Dans un genre complètement différent, un titre est construit sur un simple sample classique où un narrateur semble faire l’éloge funèbre de cette Europe du 20ème siècle. Une procession funéraire instaurant une gravité solennelle dans cette apparente ouverture plus lumineuse que constitue cette troisième œuvre.

Il en est de même pour les chansons plus classiquement Folk. Ainsi, les arrangements dévoilent de légers motifs plus proches de l’Electro que de l’Indus. La trame rythmique s’évade de sa tranchée guerrière pour virevolter dans une certaine insouciance. Un aspect plus Pop se dégage désormais de ces petites perles Folk. C'est un peu comme si notre solitaire avait décidé de faire le deuil de ce vieux monde déclinant pour projeter son univers dans une certaine modernité. On voit en filigrane l’amorce du prochain album, "Flowers From Exile", empruntant certes le chemin triste des apatrides mais enrobé d’un halo solaire réchauffant le cœur des opprimés.

On a affaire à un album éclaté, aux mille facettes rappelant à l’auditeur la période de l’entre-deux guerres où une certaine décadence festive annonçait le chaos et l’horreur à venir. Avec le recul, je peux dire que cet album m’a laissé plus de traces que je ne l’imaginais. Un album indispensable pour qui veut comprendre la trajectoire singulière de Reuter s’affranchissant un peu plus à chaque fois des clichés du Neo-Folk pour se diriger vers son destin de « songwriter ». Album de transition certes mais se révélant indispensable ne serait-ce que par ses expérimentations étonnantes à l’époque pour ROME.


Rédigé par : Dark Rabbit | Redécouverte incontournable!/ | Nb de lectures : 13268