Autant évacuer la question de la filiation avec Converge d’entrée de jeu. Oui RISE&FALL est signé chez Deathwish. Oui l’artwork est signé Jacob Bannon. Oui la production (en béton armé ceci dit) est de Kurt Ballou. Non RISE&FALL ne fait pas du sous-Converge. Loin de là même.

RISE&FALL nous vient de Belgique et en est déjà à son troisième album après le plutôt confidentiel « Hellmouth » et le remarqué « Into Oblivion ». Quatre ans se sont écoulés depuis leur dernier album, entrecoupées d'un EP, "Clawing", sorti en 2007, quatre années passées à arpenter les scènes d’Europe et des Etats-Unis où le groupe jouit d’une certaine exposition pour ne pas dire d’une exposition certaine. Depuis sa sortie, ce RISE&FALL nouveau se ramasse dithyrambes sur dithyrambes et tout le landerneau hardcore metal se gausse de « Our Circle Is Vicious ». « Don’t believe the hype » scandait Chuck D. Eh ben cette fois on peut la « believer » la « hype » car cette troisième livraison des Gantois envoie sacrément le bois et est tout bonnement monstrueuse.

Tout commence par un rythme de batterie type AK-47, une guitare en retrait et une voix extirpée du gosier aux forceps avant l’explosion d’un riff d’une simplicité qui n’a d’égale que son efficacité. On a rarement vu cette année une telle entrée en matière. Il ne faut que quelques secondes aux Belges pour déverser une belle coulée de plomb en fusion « Made In Cleveland » dans tes oreilles. RISE&FALL reste fidèle à ses origines, à savoir un cocktail instable de Holy Terror, de punk garage, de hardcore et de métal prêt à te pèter à la tronche sans crier gare. Mais ils ne se sont pas contenté de recycler les vielles recettes et ont amené une nouvelle influence dans leur son déjà bien riche. Comme le démontre parfaitement « To The Bottom » ou « Knowing », les gars ont dû découvrir Neurosis entre-temps car l’ombre du combo d’Oakland s’inscrit en filigrane sur ces deux morceaux, voire sur tout l’album. En effet certains passages plus lents et plus plombés viennent calmer ou plutôt nuancer le tourbillon de virulence et de hargne qu’est « Our Circle Is Vicious ».

Typiquement le genre d’album dont on ressent chaque note plus qu’on ne les entend. La batterie, ENORME de bout en bout, tout en roulements supersoniques bastonne le marteau tandis que les riffs glaciaux et émoussés vrillent l’enclume. Reste à une basse vrombissante et à la voix écorchée de Bjorn de finir le boulot en ruinant définitivement l’oreille interne de quiconque fera tourner « Our Circle is Vicious » dans sa platine. Malgré quelques changement de line-up, surtout au niveau de la batterie, on sent qu’une cohésion de tous les instants unie les Belges. Pris individuellement chaque zicos n’est pas le meilleur soliste du monde mais mis ensemble les quatre gars dégagent une force et un potentiel destructeur hors du commun. Il suffit de voir comment la basse supporte le solo faussement déglingué de « To The Bottom » ou comment la combinaison riff simple/roulements infernaux boostent un titre comme « Soul Slayer ». J’insiste sur la batterie car le travail fourni par JP sur l’album est vraiment incroyable et bien que celui-ci ait quitté le groupe, son remplaçant, Wim n’est pas en reste au vu de sa prestation parisienne tonitruante.

Si quelques titres sortent du lot comme les enchaînements « Soul Slayer »/« Built On Graves » et « To The Bottom »/« In Circles » ou encore « Harm’s Way », ce qui frappe dans cet album c’est l’homogénéité de l’ensemble. Aucun titre faible et un enchaînement des morceaux d’une logique implacable qui permet quelques respirations à des moments toujours opportuns. La construction de l’album est d’ailleurs intéressante car si la première moitié montre une montée en puissance et un bastonnage quasi ininterrompu (le shoot et l’exaltation qui en découle ?), la deuxième moitié montre plutôt une descente badtripesque tourmentée plus nuancée avec un penchant plus net pour des envolées ambiancées postmachinchose trouvant le repos et l’apaisement final (la mort ?) dans le dernier titre de l’album.

Outre cette construction RISE&FALL combine un son d’une complexité et d’une profondeur assez rare avec une apparente simplicité de composition. Les riffs empruntent autant à la scène punk garage qu’au hardcore plus moderne, on pense à Killing The Dream ou Shipwreck A.D par moments, sans oublier une ambiance déliquescente proche parfois de l’agression physique d’Integrity combiné à la sauvagerie primaire des Cro Mags première époque. « Our Circle Is Vicious » marque une nouvelle étape dans l’évolution du son et de la musique des Flandriens, conservant tout minimisant leurs influences Holy Terror, parfois trop marquées sur "Into Oblivion", pour chasser sur de nouvelles terres proches d’un Neurosis sous amphéts pour proposer un album plus varié mais toujours aussi dense (à peine trente minute) et noir même si cette fois la colère et l’agression s’effacent pour laisser le champ libre à un désenchantement qu’on imagine sans retour. Munissez-vous d’une pièce pour le Passeur et embarquez pour une traversée d’un Styx flamand mouvementée et pleine de remous. La plus belle réussite du duo Bannon/Ballou n’est pas Axe To Fall mais la sortie et la production de ce « Our Circle Is Vicious » totalement dévastateur.


Rédigé par : Seb On Fire | 17.5/20 | Nb de lectures : 11856