RIMMERSGARD - ErzHerz (Autoprod/Miriquidi Distribution) - 01/07/2002 @ 18h00
Lancés, sinon révélés, par la très confidentielle (mais absolument incontournable) démo " A Venturer's Mind " en 1997, Rimmersgard devront attendre 5 ans et moult déboires avant de finaliser la mise sur CD de morceaux écrits dans la foulée de ladite démo. Le credo de cette troupe enracinée à Annaberg dans les montagnes de Saxe frontalières avec la République Tchèque est de nous faire don de témoignages séculaires recueillis auprès de leur terre et de leurs racines. Le titre de l'album en est une indication immanquable : " ErzHerz ", soit " Cœur de Fer " qui est tout à la fois une autoproclamation péremptoire et un hommage appuyé à leur magnifique région natale appelée Erzgebirge (Les Monts de Fer). Vous aurez compris que nous avons ici affaire à un répertoire animé par un attachement indéfectible à un passé bien garni historiquement parlant qui rejaillit aujourd'hui sur le caractère fier et extrêmement protectionniste des Saxons. Utilisant une guitare metal glabre comme le tapis roulant qui porte leur musique, lui donnant de la substance, Rimmersgard s'attachent avant toute chose à la défense de la mélodie naturelle comme pylone capital de leur expression. Quel que soit le corps instrumental qui les domine (guitares acoustiques, piano, coulis de synthé), ces mélodies reines restent en constante gravitation autour de l'oreille et déterminent, par leur simplicité aveuglante et leur courbe sinusoïde peu amène envers les pics dramatiques ou changements brutaux, le climat de nostalgie reposante qui enveloppe l'œuvre dans son entier. Si l'on peut les ranger dans la catégorie des groupes qui jonglent entre metal et musique folklorique, Rimmersgard sont certainement les moins portés sur l'extravagance des sonorités rustiques (seules quelques notes de cornemuse viennent secouer le final de " Icefire's Blue "). Ils ressemblent davantage à ces bardes qui, lors des veillées au coin du feu, chantent les héros aux destins brisés par la guerre, avec un accompagnement musical triste et discret, la voix tremblante des douleurs rapportées. Cette voix est celle de Cruinh, chanteur et atout majeur du groupe, qui possède indéniablement une aptitude rarissime à canaliser les émotions, et que je caserai à mi-chemin entre un bon vocaliste de Heavy Metal (genre celui de Symphony X) et le chant clair velouté mais résolu d'un Mike Akerfeldt (Opeth). Sa présence charismatique a l'avantage ici d'intensifier la portée bouleversante des morceaux les plus planants (cf. l'élégiaque " Dream Ends (Dream on...) "), là - et c'est son plus grand mérite sans doute - de minimiser considérablement les accrocs multiples d'une musique qui se cherche encore une exactitude en même temps qu'un visage plus distinctif. Car de la perfection, " ErzHerz " en est loin, très loin même, ce qui en regard de l'histoire tumultueuse du groupe ne peut pas décemment être inscrit à leur passif crédibilité. En dehors de l'enregistrement " live " dans des conditions de promiscuité et d'acoustique effrayantes (dans la chambre d'un ami du groupe à l'aide d'un logiciel musical dont personne ne savait se servir...), l'album souffre de gros problèmes d'enchaînement des parties qui réduisent pratiquement à néant le besoin de fluidité d'une telle musique. La guitare électrique semble en permanence en proie aux crampes - sauf lorsqu'elle joue les premiers rôles, ce qui est exceptionnel - et, aussi dommage que ce soit, la prise de son sur les vocaux est défaillante, ce qui entraîne des dépressions de volume parasites, Cruinh en a d'autant plus de mérite d'arriver tout de même à surnager et à maintenir sur la longueur la puissance communicative de son coffre. Ca c'est pour le versant technique, mais si l'on s'attache de près au contenu on s'aperçoit bien vite que le magasin n'est pas très meublé niveau trouvailles et originalité en général. Beaucoup des colliers d'accords acoustiques laissent l'impression d'avoir déjà été entendus des centaines de fois, y compris dans le morceau précédent... On peut aussi se désoler que les constructions des titres soient très linéaires et absolument pas évolutives, charge alourdie encore par le fait que le tempo demeure constamment au-dessous de ce qu'on peut qualifier de " moyen ". Ce n'est pas un reproche en soi, mais à mon sens le style requiert une alternance équilibrée de feeling langoureux et du dynamisme propre aux couleurs sautillantes de l'univers que Rimmersgard souhaite retranscrire, celui des épopées chevalleresques et des récits de troubadours - deux des membres ne jouent-ils pas au sein de la formation de médiéval puriste Fabula Aetatis, fort en vue en ce moment Outre-Rhin. Les claviers, s'ils jouent un rôle prépondérant dans l'installation de l'atmosphère, sont également simples, trop simples voire naïfs la plupart du temps, sans doute une raison pour laquelle " ErzHerz " passe beaucoup mieux écouté en ambiance de fond. Maintenant en dépit de ces réserves que beaucoup ne manqueront pas de juger rédhibitoires (et comment leur en vouloir...), Rimmersgard est un groupe qui pour moi possède ce après quoi d'autres courent en vain toute leur carrière durant : un caractère, ce qui se traduit chez Cruinh par une force de conviction et une profondeur d'expression remarquables dans ses textes et sa façon de les transmettre, tendant là où l'onde musicale efface le créateur derrière la création - un peu à l'image de Summoning si je dois faire un rapprochement. Cette alchimie globale se ressent à son plus haut niveau d'accentuation sur la longue et lente ballade " Winds Beyond your Time ", en partie improvisée en studio, qui agit comme un puissant hallucinogène, guide touristique d'un panorama saisissant de collines enneigées et de douces déclivités boisées : le Erzgebirge. En ce sens, j'invite tout lecteur un tantinet sensible à faire fi de la note ci-dessous, forcément plombée par les défauts de réalisation et le niveau encore modeste des musiciens, et à essayer de se procurer ce CD auprès du groupe (détails sur leur homepage www.rimmersgard.ht.st). Ne serait-ce que pour célébrer une atmosphère précieuse et perdue, il y a des biftons de dix Euros qui se trouveraient parfois mieux employés que dans le dernier carton commercial de Nuclear Blast.


Rédigé par : Uriel | 11.5/20 | Nb de lectures : 6408




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