Voilà un projet qui ne se cache pas derrière son petit doigt. Tout est dit dans le choix du nom du groupe et pas moins dans celui de l’album. Tore Bo Bendixen est un producteur norvégien de radio et de télé dite commerciale et son univers bien évidemment tourne autour de ce format musical. Sauf qu’ici, la démarche s’inscrit radicalement à l’opposé de cet univers à tel point qu’on peut se demander si l’homme en question possède encore toutes ses facultés mentales. Quand un groupe de prog décide sciemment de glisser vers l’easy-listening, on en connaît généralement les raisons. Il s’agit de se remplir un peu plus les poches. La liste est longue des formations qui ont opté pour ce choix avec des fortunes diverses. L’inverse est plus surprenant. Car proposer une musique compliquée ou sophistiquée à des auditeurs habitués au matraquage médiatique du traditionnel format 3.30 couplet/refrain relève soit de la folie pure soit du courage salutaire. Ou des deux ! Tore Bendixen semble se moquer comme de sa dernière chemise de ses considérations et c’est tant mieux pour nous. La règle principale ayant présidé à l’élaboration d’un tel projet peut se résumer ainsi : no limits ! Et surtout pas celles imposées par le dictat d’un marché étriqué en termes de normes. Fort de ce credo, Bendixen, multi-instrumentistes, nous plonge dans une époque référence, les 70’. Il choisit des instruments ad hoc, minimoog, mellotron, hammond B3, pédale basse Taurus, s’adjoint quelques excellents acolytes dont sa femme au chant. Et se réfère aux grands du passé comme Pink Floyd en priorité, Camel ou le Genesis post Gabriel mais il apporte une touche personnelle. Ce qui lui permet de ne pas figurer au rang des énièmes clones de l’un et de l’autre. Il nous offre ainsi une œuvre en forme d’hommage mais non passéiste quoiqu’on en dise, car dotée d’un fort pouvoir d’enchantement et d’une production moderne. Pas technique pour deux sous, donc libéré du carcan de l’esbrouffe inutile, Retroheads nous présente 9 titres savoureux de 4 à 10 minutes. Il y alterne passages fort bien chantés en solo ou en duo masculin/féminin très réussis avec des longs développements mélodieux uniquement construits sur des combinaisons rock planant, claviers/guitares soft et rythmique apaisée. Prenant le contre-pied de tout ce qui se fait de soit disant nouveau ou novateur, Retrospective au charme intemporel mérite le respect et une écoute attentive. Le seul risque que vous preniez est d’éprouver un plaisir immédiat, sans cesse renouvelé. Voire un irrépressible sentiment de manque lorsque le lecteur s’arrête. Avouez que la contrainte n’en est que plus réjouissante.


Rédigé par : Karadok | 18/20 | Nb de lectures : 9351