ENFIN la voila la chronique du fameux "On les aura !" de REGIMENT. Je dis enfin parce que cela fait quand même un petit moment que le disque est sorti et que plusieurs Vseurs ont débattu (pour certains du moins...) via les commentaires des news. Si il n'est pas rare qu'une œuvre musicale ne se contente pas seulement du support auditif pour définir les contours de ce qu'elle cherche à dire, avec REGIMENT et ce premier album, il y a une foule de petits détails qu'il sera intéressant d'observer à la loupe. Mais avant toute chose, lisons plutôt les mots d'Hyvermor dans le dossier de presse du groupe :

"Le premier album "On les aura" est une grande fresque des lignes françaises pendant la guerre 14/18. Le concept n'est pas une histoire inventée comme cela pu être fait mais les sentiments ressentis devant les reliques de la famille : Casques, lettres, équipements militaires, photographie parfois. REGIMENT exprime cette énergie avec un Black/Death aux influences Heavy. Installant l'atmosphère propice avec des pistes d'ambiant et des illustrations pour chacune des chansons".

Ces propos illustrent bien à mon avis la genèse de l'album et posent les bases de ce qu'a été l'inspiration de REGIMENT pour composer les chansons de ce premier opus. A ce propos également, comme j'ai évidement lu les commentaires des news sur VS, je me permets quelques petites précisions : l'histoire des chroniques des prod' d'Antiq chez VS remonte quasiment au début du label. Et puisque c'est moi qui me suis occupé de la majorité des chroniques, je côtoie les sonorités du label depuis plusieurs années maintenant. Je dis donc sans réserve que je crois en la sincérité de la démarche et ne pense pas du tout qu'ils ont tenté de faire un quelconque buzz en se basant sur une communication ambiguë de la pochette. Si je doutais de cela, je n'aurais pas fait la chronique de REGIMENT. Le propos reste de tout façon très clair dans les paroles. J'ai bien conscience évidement que l'artwork et le "bleu blanc rouge" ne seront pas sans éveiller chez certains des patriotismes mal placés... on y pourra pas grand chose et, je le répète une fois de plus, le propos est clair.
Ceci étant dit, on peut maintenant se pencher un peu plus sur la musique, les lyrics et le livret, ce dernier ayant été pensé pour accompagner la musique et le concept.

Avant toute chose, si vous avez lu les vieilles chroniques d'Antiq sur VS, vous savez que la production n'a pas toujours été le point fort du label. Mis à part certains groupes qui s'épanouissaient dans le son pourri et crasseux et ceux qui s'en sortait mieux ces dernières années, Antiq a toujours proposé des albums ombrageux et pas toujours faciles d'accès. Ici, un palier est clairement franchi puisqu'on se retrouve avec un son crade mais puissant et intelligible qui respecte dans les grandes lignes la personnalité du caractère sonore d'Antiq. Catchy et "In your Face", le Black/Heavy/Death de REGIMENT tire sa force de la simplicité brutale de ses riffs et de la qualité d’exécution de ses musiciens. Sans être à proprement parler des techniciens, chacun met en œuvre ce qu'il sait faire pour que ce metal brutal se montre sans concession et sous ses apparats les plus sauvages.
Composé de Isarnos (Wormfood, Öxxö Xööx, Anus Mundi, Lugnasad), Marc (Aorlhac, Peste Noire live), GdW (ex-Borgia) et H. (Hanternoz, Grylle, Ê), ces pistoleros voient ici leur première collaboration musicale autour d'un projet commun. Je retrouve chez REGIMENT beaucoup d'ingrédients de la musique extrême du tout début des années 90's, voire encore plus archaïque. Cette impression est d'autant plus perceptible que les nombreux passages Heavy renforcent encore ce coté "Back to the roots" avec ces ajouts de rythmiques et d'harmonies typiques de la N.W.O.B.H.M et de l'age d'or des grands noms du genre (accordage en Mi standard, harmonie à la tierce, rythmiques cavalcade à la "Maiden" et grain épique dans les mélodies jouées). A un niveau plus technique musicalement, on retrouve même quelques techniques moins utilisées actuellement dans tout ce qui musique extrême. Sur l'introduction de "Sauvagerie Prussienne" par exemple on trouve ce beat où le charley joue des coudes avec un riff gras comme un loukoum avant que tout le monde ne parte à fond les gamelles en direction de méphitiques ambiances black metal aux relents de souffre.
Piochant dans ces temps reculés où l'hyper vitesse n'était pas la seule voix pour moduler la violence, REGIMENT sait équilibrer la rapidité et les passages plus mesurés. La voix est, comme au bon vieux temps, noyée dans une reverb' massive qui là aussi, renvoie plusieurs années en arrière. Monolithique et récitative, elle sied à merveille aux morceaux et apporte ce socle rigide et brutal qui résonne au marches militaires et aux rythmes martiaux saupoudrés au quatre coins de l'album. La seule limite viendra à mon sens de quelques sonorités plus classiques et conventionnelles de certaines riffs.

Le livret enfin, accompagne chaque chanson d'un visuel en lien avec les paroles et propose des superbes images donnant du corps à "On les aura". Comme je le disais au début de la chronique, les petits détails sont nombreux, cerclage en hexagone bleu/blanc/rouge autour de la photo de l'artwork ou carte en fond sur le verso de l'album. Les citations enfin, qu'elles soient écrites ou déclamées sur l'album alimentent la thématique générale en continuant de questionner la nature de l'homme et de son rapport à la guerre plus que dans un schéma strictement franco/français. C'est d'ailleurs à ce titre que je retiens plus particulièrement la chanson "La mort du nègre", titre rendant hommage au soldats africains et maghrébins via un texte touchant où, couverts de boue, deux soldats africains et allemands se retrouvent loin de chez eux à agoniser dans de froides tranchées victimes tout deux de l'horreur de la guerre.
"On les aura" est donc un album aussi plein de ramifications qu'il est direct et percutant. Exclusivement chanté en français (mis à part quelques phrases en allemand) cet opus de trente petites minutes réussi le pari de tenir la route musicalement tout en venant s'exprimer sur un terrain loin d'être facile. Et comme les citations sont légion dans cet album, nous terminerons avec une citation de Joseph Conrad datant de 1896 :

"...dans toute cette troupe d'hommes transis et affamés qui attendaient avec lassitude une mort violente, on n'entendit aucune voix. Ils restaient muets et sombrement pensifs; écoutant avec horreur les imprécations de la tempête".




Rédigé par : Pamalach | 15/20 | Nb de lectures : 12751