RANNOCH - Between Two Worlds (Eulogy Media) - 12/02/2014 @ 07h55
« Progressive Death Metal », c’est une étiquette que l’on croise facilement sur la toile, c’est souvent fourre-tout et pas forcément engageant. La pochette est sombre et intrigante, mais n’attire pas forcément l’œil. A la base, il n’y a donc rien de spécial qui pourrait créer de l’intérêt pour RANNOCH. Mais en étant curieux et en creusant un peu, on trouve le détail qui change la donne, enfin qui l’a changée dans mon cas : RANNOCH est signé sur le petit label Eulogy Media Ltd., label qui s’était révélé à mes oreilles en hébergeant les excellents TALANAS. Dans ce cas, une écoute sur bandcamp ne coûte rien, si ce n’est du temps et quelques cellules auditives gaspillées au cas où ça n’en vaudrait pas la peine finalement. Ça ne sera point le cas : RANNOCH est tout simplement, et en ce qui me concerne, une des révélations si ce n’est la révélation de 2013 grâce à Between Two Worlds, qui est effectivement un album de « Progressive Death Metal » mais -pas seulement et -tout à fait excellent musicalement. Explorons donc un peu ce groupe et ce disque situé entre deux mondes.
Deux mondes qui pourraient se résumer, de prime d’abord, à ceux d’OPETH et de MESHUGGAH. Celui d’OPETH pour le côté Death raffiné et feutré penchant nettement vers le « progressif », celui de MESHUGGAH pour les guitares à plus de 6 cordes nous livrant des plans syncopés quelque peu torturés appuyés par un chant halluciné. Mais l’interface entre deux mondes n’est pas qu’une simple frontière, c’est un territoire différent ou tout est possible, et RANNOCH s’y retrouve parfaitement. RANNOCH, 100000ème groupe ajouté à la base de Metal-Archives, existe depuis 2004 et est anglais. Après un premier EP en 2008 intitulé Talamh Màthair, le groupe s’attèle à façonner son premier album longue-durée qui se nommera donc Between Two Worlds. Between Two Worlds, c’est avant tout le nom d’un morceau de presque une demi-heure divisé en 3 parties, qui se retrouvera en clôture de l’album mais le groupe a déjà joué cette composition fleuve en Live en 2011, en témoigne le concert donné au Bloodstock Festival qui est d’ailleurs livré en bonus DVD avec l’album (accompagné du clip de "The Forgotten", d’une interview de 24 minutes et de vidéos studio).
Une fois n’est pas coutume commençons par explorer la fin de l’album, qui montre parfaitement ce que RANNOCH sait faire. Dès le début de "The Fire", la première partie de cette œuvre-titre en 3 actes, le quartet anglais mené par le chanteur/guitariste Ian Gillings (parfait sosie de Mikael Stanne au passage) montre qu’il est un groupe à contrastes, alternant parfaitement les gros riffs à gros son et les passages acoustiques à chant clair plus intimistes. Un premier acte puissant qui montre que RANNOCH a aussi su travailler son environnement sonore avec une production presque parfaite en tous points, les rythmiques étant percutantes à souhait. RANNOCH se livre alors à une démonstration en bonne et due forme grâce notamment à un étalage plutôt jouissif de leads, portés par un chant crié à fleur de peau. Après un final acoustique, place au second acte "The Path", un instrumental où les musiciens se lâchent pendant huit minutes avec pléthore de leads et de rythmiques couillues, la démonstration devenant alors peut-être démonstrative, mais l’effort est louable et les compositions de grande qualité. "The Lodge", le dernier acte, est tout aussi dense et consistant, démarrant par un riff parfait de Death progressif moderne avant de s’emballer de façon presque Black, grâce à des vocaux saturés façon NACHTMYSTIUM/LEVIATHAN assez étonnants. Ensuite c’est à nouveau l’enchaînement de compositions, tour à tour Heavy/Thrash, extrêmes, mélodiques ou calmes et acoustiques, pour au final un long "Between Two Worlds" à tiroirs qui ravira à coup sûr les fans de Metal progressif « moderne » qui montre l’étendue de sa musicalité.
Mais cet ambitieux trio n’est pas ce que RANNOCH fait de mieux sur Between Two Worlds. La qualité est là, mais l’aspect trop progressif et démonstratif est gênant, surtout quand on compare au début de l’album qui est nettement plus accrocheur et plus intéressant. "Age of the Locust" nous plonge dès l’entame de l’album dans l’ambiance particulière de RANNOCH, grâce aux excellents riffs et à la voix de Ian Gillings, ayant ici des intonations à la Tobias Sidegård (ex-NECROPHOBIC) mais sur l’ensemble de l’album le vocaliste fait preuve d’une versatilité impressionnante, étant capable de passer d’un chant hurlé prenant à des vocaux rauques du plus bel effet. Et la production met tout ça en valeur avec une certaine aisance et un apparat résolument moderne. Après ce départ quelque peu Death/Black avec force trémolos, "Will to Power" est nettement plus lourd, proposant des riffs coup-de-poing décapants, où l’on sent bien le mélange entre MESHUGGAH (Ian prenant même des intonations à la Jens Kidman) et du Death progressif style OPETH, avec un touché très « britannique » qui pourrait nous rapprocher de AKERCOCKE et… TALANAS. D’ailleurs, Hal Sinden se fend d’une apparition pour du chant narré à la fin de "The Forgotten", single très syncopé et écrasant mais aéré par des breaks progressifs, toujours dans cet esprit MESHUGGAH meets OPETH « with a difference » donc. Une « difference » qui va être encore plus marquée par la suite, avec ce qui est pour moi les morceaux les plus marquants de Between Two Worlds. "Faith" joue sur une montée en puissance saisissante, où le départ majestueux est vite prolongé par des riffs délicieusement incisifs mélangés à des leads mirifiques, et toujours aux vocaux excellemment extrêmes de Ian. Mais le meilleur moment de cette pièce dépassant huit minutes reste ce sublime refrain en chant clair, ce qui donne un petit crédit avant-gardiste à la musique de RANNOCH, évoquant subtilement ce que peut faire CODE - autre groupe anglais de surcroît ! Un esprit mixant Metal progressif et avant-gardiste que l’on retrouve ensuite sur "The Navidson Record", autre pièce forte de Between Two Worlds, terriblement accrocheuse avec toujours ces arrangements de riffs très travaillés, des chants maîtrisés (ici plus rauque avec des interventions claires de toute beauté) et une ambiance savamment dosée qui fait de RANNOCH un pont entre le Metal syncopé (mais pas Djent, pas du tout même, attention) et le Death progressif avec quelque chose en plus qui fait toute la différence.
Reste l’interlude aux accents ambiant/drone "Hallways" un peu inutile mais qui marque la transition entre la première partie de l’album et son final-titre en trois parties. Between Two Worlds est finalement assez coupé en deux, avec 5 premiers morceaux très accrocheurs et les 3 derniers plus progressifs (dans le sens brut du terme), ce qui fait presque de ce disque un assemblage de deux EPs aux prétentions musicales distinctes, nuisant un peu à sa cohérence globale. Mais ça sera en ce qui me concerne le seul défaut de ce premier album de RANNOCH, qui lui fait certes louper une sélection mais le groupe anglais n’est pas éminemment révolutionnaire non plus. Mais quand bien même ses influences sont palpables, RANNOCH a réussi un joli tour de force avec son premier album qui fait preuve d’une énorme qualité, que ce soit au niveau sonore ou au niveau des compositions et des arrangements, faits de riffs géniaux et de divers breaks ou éléments d’ambiance parfaitement intégrés. Ajoutez à ça un chanteur au registre complet et quelques petits trucs qui épicent le tout, et vous obtenez un album de grande classe sur une base qui ne surprendra pourtant personne. Mais c’est aussi la marque des grands et force est d’avouer que Eulogy Media a fait pour la deuxième fois -en 3 sorties, excusez du peu- une découverte très marquante, propulsant directement RANNOCH au rang de révélation de 2013 dans le domaine foisonnant et sans limites du « Progressive Death Metal ».
J'ai commandé ce disque et c'est de la bombe. Un son à tomber par terre et une technique maîtrisée. D'après moi comme mentionné dans la chronique, la découverte de 2013. Un futur grand?
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Deux mondes qui pourraient se résumer, de prime d’abord, à ceux d’OPETH et de MESHUGGAH. Celui d’OPETH pour le côté Death raffiné et feutré penchant nettement vers le « progressif », celui de MESHUGGAH pour les guitares à plus de 6 cordes nous livrant des plans syncopés quelque peu torturés appuyés par un chant halluciné. Mais l’interface entre deux mondes n’est pas qu’une simple frontière, c’est un territoire différent ou tout est possible, et RANNOCH s’y retrouve parfaitement. RANNOCH, 100000ème groupe ajouté à la base de Metal-Archives, existe depuis 2004 et est anglais. Après un premier EP en 2008 intitulé Talamh Màthair, le groupe s’attèle à façonner son premier album longue-durée qui se nommera donc Between Two Worlds. Between Two Worlds, c’est avant tout le nom d’un morceau de presque une demi-heure divisé en 3 parties, qui se retrouvera en clôture de l’album mais le groupe a déjà joué cette composition fleuve en Live en 2011, en témoigne le concert donné au Bloodstock Festival qui est d’ailleurs livré en bonus DVD avec l’album (accompagné du clip de "The Forgotten", d’une interview de 24 minutes et de vidéos studio).
Une fois n’est pas coutume commençons par explorer la fin de l’album, qui montre parfaitement ce que RANNOCH sait faire. Dès le début de "The Fire", la première partie de cette œuvre-titre en 3 actes, le quartet anglais mené par le chanteur/guitariste Ian Gillings (parfait sosie de Mikael Stanne au passage) montre qu’il est un groupe à contrastes, alternant parfaitement les gros riffs à gros son et les passages acoustiques à chant clair plus intimistes. Un premier acte puissant qui montre que RANNOCH a aussi su travailler son environnement sonore avec une production presque parfaite en tous points, les rythmiques étant percutantes à souhait. RANNOCH se livre alors à une démonstration en bonne et due forme grâce notamment à un étalage plutôt jouissif de leads, portés par un chant crié à fleur de peau. Après un final acoustique, place au second acte "The Path", un instrumental où les musiciens se lâchent pendant huit minutes avec pléthore de leads et de rythmiques couillues, la démonstration devenant alors peut-être démonstrative, mais l’effort est louable et les compositions de grande qualité. "The Lodge", le dernier acte, est tout aussi dense et consistant, démarrant par un riff parfait de Death progressif moderne avant de s’emballer de façon presque Black, grâce à des vocaux saturés façon NACHTMYSTIUM/LEVIATHAN assez étonnants. Ensuite c’est à nouveau l’enchaînement de compositions, tour à tour Heavy/Thrash, extrêmes, mélodiques ou calmes et acoustiques, pour au final un long "Between Two Worlds" à tiroirs qui ravira à coup sûr les fans de Metal progressif « moderne » qui montre l’étendue de sa musicalité.
Mais cet ambitieux trio n’est pas ce que RANNOCH fait de mieux sur Between Two Worlds. La qualité est là, mais l’aspect trop progressif et démonstratif est gênant, surtout quand on compare au début de l’album qui est nettement plus accrocheur et plus intéressant. "Age of the Locust" nous plonge dès l’entame de l’album dans l’ambiance particulière de RANNOCH, grâce aux excellents riffs et à la voix de Ian Gillings, ayant ici des intonations à la Tobias Sidegård (ex-NECROPHOBIC) mais sur l’ensemble de l’album le vocaliste fait preuve d’une versatilité impressionnante, étant capable de passer d’un chant hurlé prenant à des vocaux rauques du plus bel effet. Et la production met tout ça en valeur avec une certaine aisance et un apparat résolument moderne. Après ce départ quelque peu Death/Black avec force trémolos, "Will to Power" est nettement plus lourd, proposant des riffs coup-de-poing décapants, où l’on sent bien le mélange entre MESHUGGAH (Ian prenant même des intonations à la Jens Kidman) et du Death progressif style OPETH, avec un touché très « britannique » qui pourrait nous rapprocher de AKERCOCKE et… TALANAS. D’ailleurs, Hal Sinden se fend d’une apparition pour du chant narré à la fin de "The Forgotten", single très syncopé et écrasant mais aéré par des breaks progressifs, toujours dans cet esprit MESHUGGAH meets OPETH « with a difference » donc. Une « difference » qui va être encore plus marquée par la suite, avec ce qui est pour moi les morceaux les plus marquants de Between Two Worlds. "Faith" joue sur une montée en puissance saisissante, où le départ majestueux est vite prolongé par des riffs délicieusement incisifs mélangés à des leads mirifiques, et toujours aux vocaux excellemment extrêmes de Ian. Mais le meilleur moment de cette pièce dépassant huit minutes reste ce sublime refrain en chant clair, ce qui donne un petit crédit avant-gardiste à la musique de RANNOCH, évoquant subtilement ce que peut faire CODE - autre groupe anglais de surcroît ! Un esprit mixant Metal progressif et avant-gardiste que l’on retrouve ensuite sur "The Navidson Record", autre pièce forte de Between Two Worlds, terriblement accrocheuse avec toujours ces arrangements de riffs très travaillés, des chants maîtrisés (ici plus rauque avec des interventions claires de toute beauté) et une ambiance savamment dosée qui fait de RANNOCH un pont entre le Metal syncopé (mais pas Djent, pas du tout même, attention) et le Death progressif avec quelque chose en plus qui fait toute la différence.
Reste l’interlude aux accents ambiant/drone "Hallways" un peu inutile mais qui marque la transition entre la première partie de l’album et son final-titre en trois parties. Between Two Worlds est finalement assez coupé en deux, avec 5 premiers morceaux très accrocheurs et les 3 derniers plus progressifs (dans le sens brut du terme), ce qui fait presque de ce disque un assemblage de deux EPs aux prétentions musicales distinctes, nuisant un peu à sa cohérence globale. Mais ça sera en ce qui me concerne le seul défaut de ce premier album de RANNOCH, qui lui fait certes louper une sélection mais le groupe anglais n’est pas éminemment révolutionnaire non plus. Mais quand bien même ses influences sont palpables, RANNOCH a réussi un joli tour de force avec son premier album qui fait preuve d’une énorme qualité, que ce soit au niveau sonore ou au niveau des compositions et des arrangements, faits de riffs géniaux et de divers breaks ou éléments d’ambiance parfaitement intégrés. Ajoutez à ça un chanteur au registre complet et quelques petits trucs qui épicent le tout, et vous obtenez un album de grande classe sur une base qui ne surprendra pourtant personne. Mais c’est aussi la marque des grands et force est d’avouer que Eulogy Media a fait pour la deuxième fois -en 3 sorties, excusez du peu- une découverte très marquante, propulsant directement RANNOCH au rang de révélation de 2013 dans le domaine foisonnant et sans limites du « Progressive Death Metal ».
Rédigé par : ZeSnake | 16.5/20 | Nb de lectures : 12031