Noir. Poisseux. Occulte. Ramesses, ou comment avoir peur sans être dans le noir ? Le trio britannique revient cette année avec son second (véritable) album, "Take the curse". Faut-il rappeler la composition de l’équipe ? Mark Greening (drums) et Tim Bagshaw (guitare), officiant jusqu’en 2003 chez les grandioses magiciens électriques, et Adam Richardson (basse et chant) de chez Lord Putrefaction. Cette nouvelle offrande fait évoluer le groupe tout en conservant son empreinte malsaine et groovy. 10 titres homogènes qui se découvrent peu à peu, et une fois de plus, on touche l’excellence de près.

Ces nouveaux morceaux sont issus de sessions enfumées où les trois dégénérés retirent le meilleur de leurs jams. 3 d’entre eux proviennent du mini CD "Baptism of the walking dead", paru en 2009 ("Baptism of the walking dead", "Another Skeleton" et "Khali Mist") qui n'a pas eu droit à plus de 400 exemplaires. Il est donc compréhensible que le groupe ait choisi de les insérer.

La voix de Richardson a de quoi en effrayer plus d’un. Ne pas laisser cette musique à la portée d’enfants, à l’image d’un bon film d’horreur, ils n’en dormiraient pas pour un bon moment. Sa voix éructée est très sombre, quasi incantatoire, parfois gutturale. Elle s’enchaîne à une autre dans un registre doom, claire mais puissante, et tout aussi dérangeante. Ce chant est le premier tremplin pour le monde morbide de Ramesses. Quelques voix-off et samplers troublants viennent ponctuer ces 10 morceaux. Les riffs de Bagshaw tabassent. Oh qu’ils sont vicieux. Que dire des percussions, une satisfaction de plus sur cette galette. Coup de cœur pour cette batterie organique au groove pachydermique. Greening délivre une prestation variée et bandante sans donner un seul blast.

Une fois de plus, nous sommes dans les méandres des tréfonds des bas-fonds, même si "Take the curse" est plus accessible et posé que "Misanthropic Alchemy". Le son a légèrement perdu en craditude, une certaine propreté apparaît presque, mais restitue tout de même le magma de putrescence sonore. La prod’ est certes moins sale que par le passé, mais la musique ne s’en éclaircit pas pour autant. Le combo nous assène un doom à la frontière du sludge, plus rampant, moins psychédélique aussi, tout aussi occulte. Quelques relents de death, de black voire de crust enrobent le tout. Ecoute "Baptism of the walking dead" pour t’en persuader… et profite.
Le terme extrême prend alors tout son sens tant la démarche est jusqu’auboutiste. Je vis avec une Anglo-Saxonne qui comprend forcement les paroles, et je trouve qu’elle a peu à peu perdu le sourire à force de faire tourner ce disque en boucle. La cover est des plus glauques, quasi déstabilisante avec ses petits bonhommes d’acier. Quel est son message ? Célébration ou rejet du nazisme et satanisme primaire ? Quoi qu’il en soit, elle colle parfaitement à l’image du groupe et fait un pied de nez aux téléchargeurs fous, le packaging chiadé et innovant étant un bel objet.

Même si j’ai une légère préférence pour M"isanthropic Alchemy", plus psychédélique et cru, et que je trouve qu’il manque un petit quelque chose sur 2-3 titres, les Anglais délivrent un travail de haut vol dans la continuité de leurs débuts. Le trio a une personnalité forte et une ambiance qui lui est propre, ce second méfait ne contredira pas cet acquis.

Ramesses a aujourd’hui une place de choix dans le milieu métal extrême. Il l’a acquise grâce à son premier excellent album, à leur passé chez Electric Wizard (Greening et Bagshaw sont parmi les auteurs de "Dopethrone", rien que ça), appuyé par ce très bon "Take the curse", et aussi à cet envoutement mystérieux propre aux combos underground. Ramesses vient clairement de pondre l’un des albums 2010 du genre.

PS : Mea culpa pour la chronique tardive, mais découvrir cet album en plein été, c’est comme essayer une doudoune en pleine canicule, ça fausse le jugement.


Rédigé par : Bras Cassé | 16/20 | Nb de lectures : 13532