Sordide. Incantatoire. Malsain. Ramesses ou comment transmettre son adoration au Mâlin au travers de sonorités brouillonnes et alcoolisées? La sincérité n’a pas de prix. 3 instruments avec ampli, une cave quelconque, de la gnole et laissez le groove glacé de ses 3 doom-addicts s’exprimer. Les Anglais, encensés de toute part, avaient surpris leur monde en 2010 en sortant "Take The Curse", bien différent de son prédécesseur. Le point commun avec leur premier méfait était simplement l’excellence de leur doom sombre qui racle le caniveau. Il aurait été confortable pour eux de s’asseoir sur cette reconnaissance grandissante sans prendre de risque. 11 petits mois après, le trio n’a pourtant pas suivi la voie la plus simple. Leur troisième œuvre voit le jour avec "Possessed by the rise of magik", et celui qui n’aime pas voir son groupe chéri évoluer, risque de l’avoir en travers de la gorge.

L’envie d’allumer les bougies est toujours aussi présente, mais l’atmosphère dégagée est pourtant loin de ce à quoi le groupe nous avait habitués. J’aime ces musiciens qui refusent toute CannibalCorpseisation de leur musique, à offrir des sonorités différentes à chacune de leurs sorties, mais tout de même, la surprise fut grande. Les premières écoutes m’ont dérouté à tel point que je ne cessais de me répéter: Richardson, vous êtes le maillon faible, et que le groupe aurait peut-être dû moins se précipiter pour sortir cette galette. L’ingé son nous a concocté un enregistrement tout droit issu d’un sous-sol, où nos oreilles habituées à des superproductions mettent un temps à se refondre dans l’univers d’un groupe sans artifice. Le propos va plus loin, avec ce rendu roots, approximatif et brouillon et aussi ce côté théâtral prononcé. Est mis en exergue l’ambiance au détriment des individualités. Richardson et son chant faux ont du mal à faire passer la pilule. Le barbu, qui, à mon plus grand regret, a mis aux oubliettes ses grognements d’ours, n’était pas frais au moment de l’enregistrement. Son chant clair est délicat à appréhender, faux et alcoolisé sur la majorité de ses passages ("Sol Nocivo" et "Towers of silence" laissent perplexe dans un premier temps), mais qui accentuent cet aspect authentique, dirons-nous.

L’album n’est que frustration aux premières écoutes. Une production ne mettant pas assez en valeur la batterie, moins explosive, qui sur l’album précèdent m’avait procuré bien des émois. Le riffing de Bagshaw est moins vicieux mais tout aussi blasphématoire. Quelques riffs te rappellent un autre siècle même. La pochette est à l’image du groupe, avec cette photo qui semble prise sur le vif, en pleine répet’, qui renforce ce côté réel de la musique de ces 3 gars du Dorset.

Encore un album qui fausse toute logique. Tous les éléments négatifs additionnés te donnent ce qu’on pourrait appeler un album bancal, imparfait voire inabouti. Sauf qu’un charme s’en dégage, complétement doom. Tout ce que j’aimais dans le précèdent a disparu, sans laisser de trace de sludge, death ou crust, mais Ramesses ne perd pas pour autant de sa superbe. Ils s’aventurent sur un chemin crado et minimaliste et ne se focalisent pas sur ce que les autres groupes recherchent: prod’, marketing, médiatisation... Ces Anglais cherchent une aura sombre, celle qui invoque le Cornu. Quelques passages tombent à plat, dû en grande partie au chant approximatif de Richardson, et la production en rebutera quelques-uns. Mais le feeling est indéniable, cette ambiance vintage te donne un album jouissif, la superbe dernière piste, éponyme, en est le parfait exemple.

Underground. Addictif. Sincère. Ce doom psychédélique est sans artifice, sans fioriture, où Ramesses ouvre ses tripes et met à nu son adoration à l’art noir et au Mâlin. Si tu aimes les copies bien écrites, sans rature, propres et polies, celle-ci risque de te repousser. Mise en bouche délicate dans un premier temps pour un album qui se mérite. Opus qui va diviser, c’est sûr, mais cette alchimie misanthropique est une pièce importante de la discographie des britishs. L’essence même de cet album provient de son climat noir, so Just let be possessed by the rise of magic...


Rédigé par : Bras Cassé | 15/20 | Nb de lectures : 14300