RAJNA - Hidden Temple (Holy Records/Wagram) - 22/04/2004 @ 09h44
Après plus de sept ans de carrière sans révolution, Rajna ont ils vraiment encore besoin qu’on chronique leurs albums ? Le groupe connaît ses fans, ces derniers savent exactement à quoi s’attendre et verseront leur denier quoi qu’il arrive. Quant aux autres, ceux pour qui la mayonnaise n’a pas pris en l’espace de quatre albums, la logique voudrait qu’ils se tiennent à l’écart – sauf illumination subite. On pourrait s’arrêter là si un minimum de sens du devoir ne commandait de se consacrer à l’album en présence, qui ne peut décemment se laisser résumer par un distinguo un peu vulgarisé – mais pas tant que ça en fait…
Bref, voilà Rajna une nouvelle fois aux portes du temple. Et une nouvelle fois le trio s’appuie sur un savoir-faire assez unique dans les cercles hexagonaux de la musique world pour tresser un panier de compositions délicates aux saveurs lointaines. La panoplie d’instruments autochtones qui compose leur arsenal confère toujours au groupe ce vernis impénétrable propre à tout ce qui effleure les plans de l'incorporel et de la mystique originelle, si bien qu’il incombe à la chanteuse Jeanne d’assurer la passerelle entre l’ailleurs et la salle de séjour de chaque auditeur, chose dont elle s’acquitte, sans surprise, à la perfection – tout en modulant à loisir les inflexions de voix pour se faire, suivant les circonstances, chaleur ou mystère, complice ou fugitive, invitation ou absence. Après avoir été longtemps étalonnée à Lisa Gerrard – et donc forcément un peu sous-estimée – Jeanne confirme qu’elle évolue dans une dimension bien à elle, sur laquelle elle rayonne désormais si haut (et si seule) que, pour beaucoup sans doute, la vision nébuleuse de l’Antiquité des grandes traditions spirituelles ne pourra survivre qu’à travers l’un de ses cantiques, dont les toxines enivrantes transportent plus durablement et ô combien plus intensément que n’importe quel guide touristique.
Sur l’arbre généalogique des œuvres de Rajna, « Hidden Temple » est une branche assez semblable à ses aïeules, on ne lui connaît ni excroissance, ni revêtement inconnu jusqu’alors. Tout au plus se révèle-t-elle à l’usage légèrement plus timide, à moins que son rejet des élans lyriques ne soit le reflet d’une distance de caractère particulièrement appuyée – quoique symptôme récurrent dans son patrimoine génétique. Le cercle de la communion est par conséquent resserré à son minimum, avec une osmose essentielle, presque ascétique, entre les différentes familles de sons, dont aucune n’éprouve le désir de s’échapper dans une démonstration solitaire. Ce en quoi Jeanne montre l’exemple par une performance humble, souvent axée sur le chuchotement et la suggestion invisible plutôt que sur la confrontation d’une mélodie clairement dessinée.
« Hidden Temple » a donc tout pour plaire, me direz-vous, et je vous répondrai que oui, dans l’absolu ce disque est sans tache et ajoute un nouveau chapitre à l’œuvre généreuse et équilibrée de Rajna. Une sentence bienveillante mais qui en même temps dissimule la limite à laquelle se heurte « Hidden Temple » : il est un « ajout ». Il se « contente » de baigner dans une excellence balisée de longue date, une excellence qui malheureusement, contrairement à des musiques comme le metal qui combattent tant bien que mal la redondance par l’agressivité et la multiplication des angles dramatiques, ne se prête pas particulièrement au renouvellement, si bien qu’on a l’impression, sans trop pouvoir le démontrer bien sûr, que telle ou telle partie fait écho à un plan déjà développé par le groupe par le passé. Tout n’est qu’hypothèse et il est bien possible – pour ne pas dire compréhensible – que l’auditeur « de base » que je suis ait perdu au fil du temps un peu de sa capacité à s’enthousiasmer lorsqu’on lui ressert sensiblement le même plat à chaque occasion. Il n’empêche qu’avec chaque nouvel album, Rajna voit son temps de passage dans ma platine s’amenuiser comme une peau de chagrin, ce qui quelque part ne peut pas avoir pour cause seule et unique la superficialité du bonhomme. Rajna vivent passionnément ce qu’ils font et le font bien, mais à refuser le défi de l’évolution (ce qui est naturellement leur droit), ils courent le risque de s’exiler progressivement de la partie de leur public la moins consubstantielle à leur îlot artistique .
Ah, si ! Une nouveauté en ce qui concerne le focus géographique de l’album, censé fournir cette fois-ci un diaporama l’Egypte ancienne. Pourquoi pas… La prochaine fois Rajna chantera la Sibérie ou l’Auvergne profonde sans rénover son expression musicale d’un iota, après tout nous sommes tous issus du même moule, comme qui dirait…
Entendons-nous bien : « Hidden Temple » n’est pas le plus mauvais album de Rajna ! Son prédecesseur « The Door of Serenity » reste de toute façon légèrement en deça dans la discographie du groupe – même si un certain manque de recul à l’époque lui avait permis de bénéficier d’un traitement de faveur dans ces pages (16/20). Même si c’est un peu bête à dire comme ça, le fait est que la magie naturelle et infaillible que pouvait générer Rajna jusqu’à « The Heady Wine of Praise » (leur troisième opus) a désormais tendance à se diluer sévèrement dans la routine. Le temps est peut-être venu de tenter un coup de poker, sous une forme ou sous une autre, afin de relancer la machine…


Rédigé par : Uriel | 14/20 | Nb de lectures : 8181




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Commentaire
l'homme_aux_30_avis
Invité
Posté le: 23/04/2004 à 23h01 - (8342)
ta chronique est bcp trop longue ... c'est indigeste, va à l'essentiel camarade !!!

Joss
Invité
Posté le: 26/04/2004 à 14h47 - (8357)
Je suis sûr qu'Uriel va prendre bonne note de ta remarque !
LOL

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