Kroniker un album de ce style est dès la première écoute une porte ouverte à une polémique récurrente. Peut-on vraiment être intègre quand on a la même nationalité, le même son et le même style qu'un des plus grands groupes de la génération métal ? Ou se situent les barrières entre plagiat, hommage déférent, exploration musicale et indépendance artistique ?

Ces questions reviennent assez souvent quand on parle de Rain. Déjà l'album précédent "natural order" avait éveillé une inspiration "samaelienne" particulièrement suspecte. Pourtant, à l'instar de leurs (également) compatriotes de Alastis, les suisses de Rain ont pris le parti de fabriquer leur propre son à partir des bases sonores et idéologiques construites par les concepteurs des inégalables "passage" ou "ceremony of opposites". Si "natural order" lorgnait plutôt du côté des premières productions de Samael, la technicité et les expérimentations de ce "starlight extinction" font plus penser à "eternal" ou "passage".

J'imagine aisément le groupe lire ces lignes et, dans un soupir de lassitude, se désespérer de voir leur oeuvre comparée à l'infini à leur glorieux aînés. Je vais donc m'efforcer de parler de l'essentiel, à savoir le contenu de ce disque. Il faut avouer que j'ai été quand même relativement surpris par l'ambiance globale de cet album. Des sonorités à forte tendance indus/electro servent de bases à un métal "galactique" (la pochette ne ment pas sur le contenu en tout cas) aux riffs souvent saccadés, proche du chaos-metal comme le pratique si bien Meshuggah. Pourtant, Rain ne sera certainement pas à ranger dans la catégorie des pilonneurs stériles et répétitifs. La plupart des morceaux comportent des breaks atmosphériques qui permettent de mieux apprécier les envolées des refrains à la fois agressifs et majestueux. Il est assez amusant de constater à quel point Rain sont doués pour construire une musique aux allures complexes sur des bases pourtant tout à fait accessibles. Ils semblent être passés maîtres dans l'art de triturer les sons, de poser par-dessus leurs guitares acérées et leur vocaux tantôt aériens, tantôt sombres et rauques. Mais tout ce constat n'est pourtant pas parfait. Les voix sont parfois perfectibles et ne semblent pas toujours coller à l'ambiance du morceau. Parfois également les morceaux semblent s'égarer dans une relative confusion que leur courte durée permet heureusement de rattraper (3 minutes 30 de moyenne). Heureusement que ce ne sont que quelques passages (j'ai dit passage ? pas fait exprès sur le coup là...) qui souffrent de ces défauts. On appréciera pourtant quelques bonnes choses disséminées de ci de là, comme les paroles en français sur "starclouds & cosmic seas", une basse efficace et inspirée, la production très bonne et le songwriting globalement très étudié. On reconnaître aussi quelques réminiscences de riffs à la Voivod sur "dance of infinity" ou un esprit Fear Factory sur les titres les plus appuyés. Pourtant, les fans de Samael (et oui, on y revient encore...) se doivent de procéder à une pré-écoute pour juger en leur âme et conscience s'il s'agit d'un hommage ou d'une copie. Les lecteurs les plus fidèles doivent certainement connaître tout le respect que je dois à Samael et ce ne serait certainement pas leur faire offense que de dire que Rain méritent une place de choix à leurs côtés. Il y a sûrement assez de place dans ce créneau pour ne pas saturer le style. D'autres groupes, bien moins soucieux de leur indépendance musicale, figurent en tête des charts et personne ne semble trouver à redire. Donc, amis de Rain, ne vous privez pas. Faites-nous plaisir et faites-vous plaisir...




Rédigé par : Loufi | 14.5/20 | Nb de lectures : 6691