Les Américains appellent cela un crossover. Non, pas un disque de D.R.I. mais une rencontre impromptue entre deux poids lourds boxant dans la même catégorie mais jusqu’alors chacun dans leur coin : Alien et Predator, Spiderman et Superman, ‘Urgences’ et ‘Dr House’, Tonton et Babar… Ce combat amical est souvent un truc sans lendemain, parfois décevant mais qui fait par contre des étincelles si toutes les étoiles sont alignées dans le bon sens ce jour-là. Or niveau étincelles, PUTREVORE ne se contente pas ici de chier un briquet jetable mais au contraire coule un lance-flammes à triple canon et visée laser.

Oui, je sais, on tient là le 256ème projet, de Rogga Johansson responsable de PAGANIZER, DEMIURG et autres old-schooleries avec lesquelles je vous casse les burnes depuis quelques temps déjà. Sauf que pour une fois, Mr Johansson n’est ici qu’un simple exécutant, au côté d’un batteur inconnu du nom de Dawe. Car en fait, le véritable Herr Kommander est Dave Rotten, patron de l’écurie Xtreem Music (ex-Repulse) et surtout chanteur d’AVULSED, qui assouvit ici enfin sa passion bien connue pour le death-metal lourd et sombre finlandais du tout début des années 90 mais aussi le groupe américain ROTTREVORE (d’où ce nom) dont il avait d’ailleurs sorti en 1993 le seul album (‘Iniquitous’) sur son premier label, Drowned Productions. Initialement, ce projet né en 2004 devait s’appeler DEADBREATH mais Rotten a changé pour PUTREVORE pour éviter toute confusion avec un autre fameux projet DM old-school, le DEATH BREATH de l’ex-ENTOMBED, Nicke Andersson. Ce qui est sûr, c’est que visiblement tout content de pouvoir enfin s’épancher dans ces eaux bien fangeuses où croupissent les cadavres jaunis de DEMIGOD et FUNEBRE, le petit Dave a gagné tout beau plein de nouvelles pustules et de crasse qui ne partiront pas de sitôt au lavage. Ce supporteur de toujours de la ‘cause’ n’a peut-être même jamais été profond dans les abysses du death-metal…

Déjà si comme moi vous ne pouvez vous empêcher d’écraser une larme en pensant au AVULSED d’antan - plus old-school, moins ‘à fond, à fond’, moins technique – soyez tout jouasses mes enfants car depuis ‘Carnivoracity’, jamais musique ne semble avoir aussi taillée sur mesure pour la gorge la plus ramonée d’Europe. Bon petit soldat, Johansson a respecté à la lettre le synopsis exigé : un accordage encore plus bas que le niveau des vaches, des riffs simples et monolithiques, un tempo souvent lourd comme un BOLT THROWER ou un INCANTATION à qui on aurait enlevé la pédale d’accélération et un son bien crade et poisseux, tout droit sorti de la friteuse du kékab du coin. Grâce à cette toile de fond rigoureusement appliquée sur les huit titres de l’album, Rotten peut donc sauter à pieds joints dans la gadoue et éclabousser tout le monde. Une mission plus que remplie : toujours sans aucun effet mais tout en réussissant à conserver un chouia de modulation, Monsieur joue ici au bathyscaphe vocal et atteint des profondeurs jamais atteintes par l’être humain, à part peut-être par Antti Boman de DEMILICH…

Mais ‘Morphed From Deadbreath’, titre clin d’œil, ne repose pas que sur cet exploit physique. C’est surtout un brillant hommage à un style de death-metal hélas trop rarement entendu, où chaque élément a été composé avec comme seule volonté directrice cette envie de régurgiter un son grave, sombre et caverneux dont l’humidité et la moisissure sont presque tangibles. Ce qui compte ici est le feeling les aminches, pas le nombre de BPM ni les solos de guitares qui de toutes façons n’ont ici pas droit de cité. Cet album n’aura sûrement jamais de suite et ne devrait donner lieu à aucun concert. Et c’est tant mieux car tout la valeur de ce disque surgi d’une dimension presque oubliée aujourd’hui vient aussi de ce côté sans concession, éphémère et surtout GRAS, à écrire en lettres capitales. PUTREVORE, c’est un peu l’anti-JOB FOR A COWBOY, l’antidote au death-metal bien élevé qui s’essuie les pieds avant d’entrer chez quelqu’un et qui dit merci madame et un palliatif parfait en attendant le prochain FUNEBRARUM…


Rédigé par : Olivier 'Zoltar' Badin | 16/20 | Nb de lectures : 11677