Y a des noms de groupes comme ça qui évoquent immédiatement un sentiment ou une image: Blink 182 évoque les boutons sur la figure d’un ado, Motörhead la pustule de Lemmy, Hydrogyn le silicone... Et Psyopus, pour moi, ça évoque la nausée, la migraine, le paracétamol quoi... Leur premier album ‘Ideas Of Reference’, sorti il y a déjà 3 ans, nous avait laissé cette impression que les musiciens du groupe tenaient absolument à prouver qu’ils pouvaient faire PLUS que The Dillinger Escape Plan: plus barré, plus technique, plus rapide... Et qu’au final, ils avaient surtout réussi à faire plus indigeste et plus anecdotique, surtout, tant la démonstration manquait d’âme. Je m’attendais donc à souffrir avec ce nouvel opus des psychopathes de Rochester, sauf que j’étais cette fois préparé et armé de tubes entiers de Doliprane pour l’occasion...

Bon, la première question qui nous vient après les écoutes initiales, c’est toujours ‘Putain, ils prennent quoi avec leurs Chocapic le matin ?’. Car les 5 cinglés ne se sont pas calmés, loin de là! Le premier morceau ‘The Pigs Keepers Daughter’ nous noie de suite sous une pluie de lignes de grattes complètement hallucinantes, la section rythmique tentant de les suivre autant que faire se peut et le chanteur braillant comme un possédé pour se mettre au diapason des bruits de cochons égorgés qui émaillent le tout. On retrouve ici exactement les mêmes qualités (ultra-technicité des musiciens, composition délirante) et défauts (démonstration masturbatoire, absence de groove) que sur le précédent album et on avale le premier cachet de Doliprane en espérant que l’album ne dure pas 1h30! Les morceaux suivants, (‘2’ et ‘Scissor Fuck Paper Doll’, notez l’humour des lascars) enfoncent le clou plus loin dans la tempe mais laissent espérer un peu de variation et surtout de la personnalité! En effet, le tempo ralentit parfois, des breaks apparaissent, le batteur a découvert qu’il avait d’autres fûts que la caisse claire, et miracle, on retient presque le refrain de ‘Scissor...’! On se remange ensuite deux baffes démonstratives, avec quelques petites nouveautés comme cette nana qui vient porter main forte au chanteur sur ‘Whore Meets Liar’, avant de plonger définitivement dans le chaos total. La musique de Psyopus se fait alors presque entièrement instrumentale sur ‘Imogenis Puzzle Part 2’, avec des passages électro-acoustiques absolument incroyables techniquement mais, attention, préparez-vous...mélodiques! Oui, Psyopus sait aussi faire de la musique, avouez que cela vous en bouche un coin, hein ? Et le pire, c’est que cette extraordinaire découverte va durer jusque la fin de l’œuvre, les passages mélodiques succédant aux arpèges et acmés survitaminés dans un capharnaüm rappelant plus An Albatross ou Carnival In Coal que Dillinger Escape Plan ou Daughters. ‘Siobanis Song’ constituerait un piège idéal dans un blind-test consacré au Rock Psyché, tant les musiciens font l’impasse sur l’étalage de leur niveau technique pour nous convaincre de leur polyvalence artistique. Le morceau de clôture n’est, par contre, qu’une vaste blague de 20 minutes où les 5 gusses font les cons entre eux, avec des instruments bizarres au milieu de samples tirés de différents films...

Cet album résume finalement assez bien le groupe: totalement schizophrène, puisqu’à la fois bourré d’humour et ultra-sérieux, mélant de manière saugrenue mais parfaitement réfléchie ambiances sonores étonnantes et plans chaotiques classiques. La grande force de Psyopus est de ne pas nous resservir la même ‘soupe’ morceau après morceau comme sur ‘Ideas...’, et surtout de ne plus proposer des morceaux monolithiques joués par des surdoués incapables de nous émouvoir. Ils ont cessé de se mesurer la bite pour la comparer à celle de DEP, Daughters et compagnie, et composent enfin comme des musiciens accomplis. Le groupe ne cessera pas aussi facilement de diviser: on retrouvera classiquement ceux qui tombent en pamoison devant le niveau technique d’un musicien et ceux qui ont du mal avec tout ce qui ressemble à de la démonstration (j’avoue faire partie de ceux-là). Seulement, quand la technique vient servir la musique d’une manière aussi convaincante que sur ‘Our Puzzling Encounters Considered’, on ne peut continuer à faire la fine bouche éternellement: j’ai pris du plaisir à écouter cet album, notamment les titres ‘psychés’ comme ‘Imogenis’ et ‘Siobanis’ et c’est tout de même le principal. Le tube de Doliprane sera finalement resté plein, Psyopus ne m’évoquera plus (seulement) la migraine...

Ceux qui ont haï ‘Ideas Of Reference’ détesteront moins cette nouvelle galette de Psyopus, ceux qui ont adoré par contre... aimeront toujours! Leur métal ultra-chaotique et technique s’étoffe en effet de sonorités acoustiques et mélodiques et devrait convaincre ceux qui, justement, leur reprochaient cette absence de musicalité. ‘Our Puzzling Encounters Considered’ demeure toutefois une œuvre très difficile à assimiler et qui exige de multiples écoutes avant de se laisser apprécier, les adeptes d’une musique accessible devront passer leur chemin. Il va quand même falloir surveiller ces lascars-là, leur troisième album risque d’être assez monumental.


Rédigé par : Candiria-Thon | 14/20 | Nb de lectures : 12701