Avant la parution de son 6ème opus, la grande gueule de Niklas avait annoncé qu’il y aurait un chanteur différent par titre. A l’arrivée, eh bien on avait eu le droit à peau de zob ! Sacré Niklas, va ! Pas grave puisqu’un gars bien de chez nous débarque avec un principe similaire. Alors, il s’agit d’un one man band composé de Philoxera plus connu pour être le bassiste des excellents doomsters d’Inborn Suffering et qui balance son premier album solo sur lequel il a tout fait seul comme un grand excepté le chant. En effet, les vocaux sont tenus par une pléiade d’invités. Ainsi, vos tympans se feront vriller par les vocalises de Dagoth (Otargos), Vestal (Merrimack), Vaerohn (Pensées Nocturnes), PZF (Moonreich), Arntor (Aegis), Ego (Agnosys), Boris (Skyshift), Nokturnus et, amis de la poésie, un dénommé Sodom.

Outre ce dispositif particulier, Philoxera ose même l’édification d’un album concept nous contant la Passion du Christ à travers les évangiles de Matthieu. Cela signifie que tous les textes sont psalmodiés en latin. Alors navré pour la traduction les enfants, mais impossible de mettre une paluche sur mon Gaffiot. Heureusement, Vaerohn se lâche lors d’un dérapage à base de « Jésus reviens parmi les tiens…» sur le final de "La Mission des Douze". Blague de mauvais goût me diriez-vous, mais Jésus passé à la moulinette Black mérite bien un petit blasphème.

Forcément, qui dit humour historique dit Peste Noire et effectivement, musicalement on trouve cette touche caractéristique un peu dégénérée illustrée par ces rythmiques de punks alcooliques j’m’en-foutistes et puis, il y a ce démarrage western spaghetti du 4ème titre joué à l’harmonica. Profitons pour évacuer un de mes principaux griefs envers cette évocation évangélique car ce qui gâche notre plaisir est ce qui semble être une boîte à rythmes sonnant comme un vieux carton vide d’un pack de Kros. Signalons aussi un grésillement de grattes manquant un peu d’attaque.

Cela est peu dommage car il apparaît que notre théologien dispense des riffs capables d’allumer une étincelle de croyances chez le mécréant que je suis. Malgré certaines dissonances hypnotiques, notre évangéliste nous alterne trémolos désespérés et épiques le tout parfois enrobé d’une touche cinématographique ponctuée de crescendo sublimes. Surtout que certains motifs se voient enluminés par le violon d’Ana avec qui notre apôtre joue dans un combo du nom de Kepuskule. Il y a donc un gros côté Légions Noires mais, peut-être à cause de ce chant aux intonations latines, on pense aussi parfois à Imago Mortis lorsque la musique s’aventure dans un mid plus païen.

Mais il y a un léger parfum de "De Mysteriis Don Camillo" qui m’a rattrapé en particulier sur les titres où Vaerohn apparaît. Plus Attila que jamais, il nous sort même cette espèce de chant lyrique dégénéré qu’on entendait parfois sur la pierre angulaire de Mayhem. Pour continuer sur l’aspect vocal, le dispositif particulier qui a priori risquait de faire chuter l’ensemble dans un patchwork indigeste, réussit finalement par constituer un ensemble plutôt cohérent. Surtout qu’histoire de créer des liens le style particulier de Vaerohn apparaît à la fois sur un titre de la première partie et sur un titre de la seconde partie c’est-à-dire le quatrième et le huitième titre.

De plus, l’aspect conceptuel particulier est régulièrement rappelé grâce à divers samples de chants grégoriens voire d’orgues. L’atmosphère religieuse est parfaitement restituée et je me suis vite retrouvé dans le recueillement de la prière. Philoxera montre une belle ambition dont on sent qu’il véritablement travaillé chacun des aspects. Il est juste dommage que le manque de moyens inhérent à une production maison finisse par gâcher un peu le plaisir d’écoute. Il reste qu’il s’agit d’un projet courageux déballant suffisamment de talents pour qu’à titre personnel j’y revienne sans forcer.
Argument supplémentaire pour les indécis, vous pourrez obtenir cet évangile pour 6 euros frais de port inclus. Ce serait vraiment con de se priver car la culture à pas cher, ça n’a pas de prix !!!


Rédigé par : Dark Rabbit | 14,5/20 | Nb de lectures : 13391