Pour chroniquer un album des irlandais il serait facile de se limiter au patronyme du groupe et de qualifier l’écoute de leurs albums de primordiale, tout simplement. Primordial a su au fil des albums créer son propre style, interprétant un dark métal ou s’entremêlent un esprit païen et une mélancolie à fleur de peau. Groupe à part sur la scène extrême, loin du Gota scandinave, Primordial est influencé par aucun autre et comme toute formation culte ne sera réellement reconnu comme référence qu’une fois disparu. Mais revenons au présent, et à ce « The gathering, wilderness » magnifique.
Premier constat, la teneur musicale de ce disque est à rapprocher du titre de l’album précédent. En 2002 sortait « Storm before calm » ou Primordial se montrait plus agressif que sur ses anciennes réalisations. La tornade est passée et « The gathering wilderness » peut donc être assimilé au calme après la tempête. En effet, ce nouvel album est plus posé que le précédent, favorisant énormément les mid tempo et ne laissant, de ci de là, que quelques reliquats de la frénésie de « Storm before calm ». Autre changement : le son. Primordial est un groupe qui ne triche pas, refusant de se cacher derrière des tonnes d’effets. Cet album a été enregistré dans un nouveau studio de façon à obtenir un son brut, naturel, ou chaque instrument se livre tel qu’il est. On est loin des batteries triggées à mort des studios suédois et des guitares au son aigrelet des groupes de true black, ici on parle vrai. Dans cet exercice c’est bien sûr A.A.Nemtheanga que l’on remarque, et pour cause, le chanteur illumine l’album avec des parties de chant d’une intensité inouïe. Capable d’évoluer dans un registre black parfaitement maîtrisé l’homme se révèle complètement dans des parties de chant clair poignantes, d’une force et d’une mélancolie rare. On peut toutefois remarquer l’utilisation plus fréquente d’un chant rauque, notamment sur le premier titre, prouvant si besoin en était que l’homme ne se repose pas sur ses lauriers et évolue constamment.
Le morceau d’ouverture « The Golden Spiral » porte la griffe Primordial, immédiatement identifiable grâce aux harmonies de guitares chères au groupe. L’intensité dramatique qui se dégage du morceau titre « The gathering wilderness » est inversement proportionnel à la diminution du tempo ; plus lent, plus sombre, plus tribal, ce titre finit d’installer le climat mélancolique qui sied à merveille au groupe et qui ne le quittera plus jusqu’à la dernière note de l’album. Même constat pour la marche funèbre de plus de sept minutes « The song of the tomb » ou tout le potentiel dramatique de la voix de Nemtheanga explose sur des textes déclamés avec conviction. Macabre réalité ou constat d’échec ; les légendes de demain, à savoir l’histoire d’aujourd’hui, s’écrivent toujours avec le sang. Sentiment de détresse identique sur le poignant « End of all times (martyrs fire) » ou une fois de plus le travail sur les guitares est remarquable. Les riffs possèdent une force mélodique jamais démentie associée à une violence contenue ; mise en musique parfaite de toutes les nuances de gris. Puisant sa force et son inspiration dans l’histoire de son pays, Primordial se dresse en fier défenseur de l’Irlande, portant dans sa musique toute la souffrance accumulée depuis des siècles. La tristesse jusque là sous-jacente inonde « The coffin ships » avec une ligne de basse ultra mélodique ou viennent se greffer les guitares et le chant plaintif. Traitant de la famine qui a ravagé le pays entre 1845 et 1849, l’émotion est palpable sur chaque note. Ce titre, en me mettant les larmes aux yeux, a réussi à détrôner le « Lethe » de Dark Tranquillity dans mon palmarès des titres métal les plus émotionnels. Après ceci, le groupe parvient à maintenir l’attention avec un morceau plus rythmé « Tragedy’s birth » qui commençait pourtant par une intro acoustique, rappelant que le groupe excelle aussi dans ce domaine. Les huit minutes doomisantes de « Cities carved in stone » viendront clore l’album sans apporter de lumière, laissant l’auditeur perdu dans un brouillard à la fois beau et oppressant.
Le primordial 2005 est certainement moins colérique que le primordial 2002 mais tout aussi sauvage. Sa signature sur Metal Blade n’a nullement altéré la flamme qui brûle en lui. Fidèle à sa ligne de conduite le groupe reste indomptable et ne plie pas sous les lois du business. Rares sont les groupes qui n’ont jamais déçu (seul Death me vient à l’esprit), Primordial est de ceux-là. «The gathering wilderness », dédié à Quorthon, vient ajouter une pierre supplémentaire à l’édifice magistral que constitue leur discographie. Petite précision, l’album sortira en édition limitée avec un Dvd Bonus.


Rédigé par : Dark tranquilou | 18.5/20 | Nb de lectures : 14790