Ne nous perdons pas en préambules, le Primordial cru 2002 est une cuvée royale ! L'album précédent, " Spirit the Earth Aflame ", était un peu le prémisse de la montée en régime après plusieurs années de galères diverses. Et bien Primordial s'en sont servi comme rampe de lancement, grand bien leur en fasse, pour un album qui les confirme sur leur trône tout en cognant deux fois plus fort. Et ceci d'entrée de jeu, avec la bourrasque " The Heretics Age " qui déferle sans merci en blasts colériques et insolents pendant plus de deux minutes avant que, sous le choc, l'on commence à percevoir les traits caractéristiques au dark metal païen des Irlandais. Des harmonies de guitares âpres en couches parallèles sur une batterie posée aux allures de marche guerrière, un son vigoureux mais qui fleure bon l'humus des sous-bois irlandais, et au confluant des regards l'homme A.A.N. Nemtheanga, vocaliste emblématique qui a toujours eu les couilles de chanter sans effet, et qui sur ce nouvel accouchement survole les débats autant par son chant clair, humain et engagé, que par ses emportements plus blacks et plus durs que jamais. Faisant la jonction entre le passé baigné de sang de leurs ancêtres et un présent qui plus que jamais oublie trop de regarder d'où il est venu, les chansons brillantes qui composent " Storm Before Calm " ont comme toujours ce goût amer et mélancolique, mais montent encore d'un cran en majesté, comme pour livrer leurs créateurs aux honneurs. Les contributions éclairées à la grande anthologie du metal se comptent au bulldozer : de cette guitare piquée et frissonnante qui s'élève glorieusement à cent lieues au-dessus de la mêlée au début de " The Heretics Age " jusqu'au final de "Cast to the Pyre" qui devra mettre n'importe qui à genoux, de l'esprit acoustique inaltéré qui hante " Suns First Rays " jusqu'à la mainmise péremptoire de l'hymne absolu " Sons of the Morrigan ", Primordial ne laissent aux détracteurs que des miettes à peine visibles. A une époque ou le terme " intégrité " est galvaudé à tout va, ils demeurent fidèles jusqu'au bout des ongles à leur nature et à leurs racines, et peuvent ainsi continuer à se féliciter d'être l'un des groupes, de plus en plus rares malheureusement, dont l'on reconnaît la main et le style inimitable à la première note. Pas un groupe que l'on apprécie à l'occasion, mais un groupe auquel on s'identifie pour la vie, que l'on respire jusque dans les derniers refuges isolés où s'évadent les spirales finales, douces et discrètes, d'un "Hosting of the Sydhe" honorablement emprunté à William B. Yeats, l'un des poètes irlandais les plus reconnus. On est alors loin du tumulte du champ de bataille et des pamphlets gonflés de rage ancestrale, mais on sait qu'on y reviendra un jour, lorsque Primordial se seront ressourcés à la fontaine de leur Histoire pour lancer une nouvelle charge meurtrière et lourde de sens. Et comme un bonheur n'arrive jamais seul, je précise pour conclure qu'Hammerheart réédite les trois premiers épisodes de leur indispensable discographie (" Imrama ", " A Journey's End " et " Spirit the Earth Aflame "), désormais tous disponibles avec des bonus tracks au prix dérisoire de 9,29 Euros : comprendre " jetez-vous dessus comme des morfales !!! "


Rédigé par : Uriel | 18.5/20 | Nb de lectures : 8713