PRIMORDIAL – Dark Romanticism (Karmageddon Media/PHD/Season Of Mist) - 17/09/2004 @ 11h27
Depuis la quinzaine d'années que les garçons de Primordial écument la scène, on a vu des centaines de groupes se révéler, quelques uns squatter le firmament, des centaines redevenir poussière. Primordial, eux, sont toujours là et n'ont jamais vraiment bougé de leur statut de groupe insulaire sans prétentions. S'ils ont bien sûr gravi quelques échelons en terme de popularité, leur progression s'apparente moins à une montée en flèche subite au moment M qu'à la trajectoire patiente et régulière d'une boule de neige sur une pente légère, aimantant de nouvelles générations de fans à mesure que s'élargit leur sillage, mais gardant toujours leur passé sur eux, blotti toujours plus profond au coeur de leur carapace de droiture et d'expérience. Ce n'est ainsi pas un hasard si leur discographie a quelque chose de symboliquement symétrique. Deux albums chez Misanthropy Records pour poser les bases et se faire un nom. Deux albums chez Karmageddon Media (anciennement Hammerheart Records) pour s'affirmer et conjurer quelques galères. C'est donc en toute logique qu'on les retrouvera l'an prochain dans la division supérieure, celle de l'armada Metal Blade Records. Il ne faudra pas pour autant s'attendre à voir Primordial entrer dans la cuirasse d'un chef de file, car à moins d'un reformatage insolent de leur identité musicale et de leur discours, il est évident que le groupe n'a rien pour déchaîner les battages médiatiques. S'il est une chose que le beau vétéran Alan Nemtheanga exècre par-dessus tout, c'est bien l'idôlatrie... L'important se situe ailleurs, dans l'espoir que les Irlandais exploitent au mieux la rallonge de moyens et d'exposition qui leur sera donnée pour que les chapitres encore blancs fassent honneur aux chapitres jaunis, et en accentuent le sens.
Avant cela, l'adieu aux armes de Primordial à Karmageddon Media prend la forme d'un gentil panier garni à l'attention des fans, plus ceux d'hier que ceux d'aujourd'hui peut-être. D'ailleurs, Nemtheanga ne s'en cache pas dans son savoureux préambule, “We knew when we were to release this, it was not going to be a release to break us to new people in any way”. Lucide et correct. Si la première démo est bien théoriquement la porte d'entrée par excellence dans la carrière d'un groupe (et “Dark Romanticism” est certainement le trousseau de clés qui offre accès aux sources et à l'évolution de Primordial), on se voit en effet mal recommander à d'autres qu'aux vrais compagnons de route des Irlandais des reliques qui, dans les mains d'un “occasionnel”, seraient mûres pour l'étagère dès la première écoute dans le rétroviseur. Bien sûr il y a le DVD de la prestation au Party San Open Air 2003, avec des titres plus récents et plus familiers au “grand public”. Mais la problématique est quelque part la même: qui d'autre que ceux qui sont connectés jusqu'aux veines à l'esprit et au langage Primordial saura apprécier le cadeau au-delà d'une poignée de visionnages?
“Dark Romanticism” est donc l'occasion de (re)découvrir dans leur version primitive quatre titres qui se sont par la suite faufilés sous différentes formes sur les sorties signées. L'hymne saccadé “To Enter Pagan”, qui sert aujourd'hui encore de rappel à la fin des concerts, figure en bonus (live justement) sur la première édition de “Spirit the Earth Aflame”. “Among the Lazarae”, qui contient l'une des rares parties de blast pur jamais utilisée par le groupe, fait l'objet d'un lifting sur le très bon mini “The Burning Season”, tandis que “The Darkest Flame” et “To the Ends of the Earth” furent promus sur la session du premier album 1995, “Imarama”. Ce sont toutes des chansons au physique ingrat, en aucun cas accrocheuses, du moins pas tant que les oreilles ne sont pas munies du bon filtre, celui qui fait résurger l'atmosphère grise et plombée qui caractérisait la seconde vague du black metal à sa naissance. Si la musique porte les fondements du dark metal épique et tribal qui fera le groupe, elle est encore dominée par une allégeance totale aux “noms” de l'époque, et ce aussi bien du côté du black norvégien (Darkthrone...) que du doom (Candlemass...), dont on retrouve les stigmates dans des structures tantôt rauques et monocordes, tantôt larvées et criblées de vocaux pleurés.
La seconde partie du disque descend tout droit du grenier. Il s'agit d'un bout de concert enregistré en 1993 dans un pub de Dublin, dont la particularité est de contenir une paire de titres inédits aux côtés de deux reprises (“Total Destruction” de Bathory et “To Walk the Infernal Fields” de Darkthrone). Autant être honnête tout de suite, il n'y a pas matière à triquer comme un malade, d'autant que l'enregistrement ne donne qu'une idée toute relative de la façon dont les instruments étaient censés procéder. C'est du pur matériel pour collectionneurs dont la présence ici évite avantageusement à ces derniers d'aller cambrioler les archives de Nemtheanga pour l'exhumer.
Passons sans plus de commentaires au DVD, en précisant tout d'abord que l'on n'y retrouve aucun menu interactif puisqu'il contient uniquement le concert indiqué plus haut, filmé d'une traite et sans montage autre que l'alternance des caméras et l'incrustation des titres en bas à gauche lorsqu'ils débutent. Stricto sensu, il s'agit donc d'une vidéo, et entre nous c'est très bien comme ça. La qualité de l'image est correcte avec un grain pas toujours très net toutefois. Quant à la prise de vue, elle offre à tous les musiciens (et au public) une exposition intéressante, avec naturellement une insistance sur Nemtheanga et les gesticulations théâtrales propres au personnage – on comprend mieux pourquoi Manowar est son groupe préféré. Les moments forts du concert sont sans surprise “Gods to the Godless” (“Spirit the Earth Aflame”), le morceau fer de lance de Primordial, et “Sons of the Morrigan” (“Storm before Calm”), dont les rythmiques chaloupées et les harmonies nostalgiques se marient idéalement avec le coucher de soleil qui inondait la scène à cet instant. Bien sûr, ceux qui en pincent pour “A Journey's End” regretteront que cet album ait été évincé de la setlist. C'est l'éternel dilemme de savoir si un concert doit servir de récapitulatif de la carrière entière d'un groupe ou faire la part belle à son actualité...
Une fois encore et pour finir, l'intérêt de cette réédition enrichie ne se discute pas si et seulement si les albums de Primordial comptent parmi ceux que vous emmèneriez sans hésiter sur une île déserte. Dans le cas contraire, il est probablement judicieux de commencer par devenir fan en apprivoisant patiemment une discographie aussi irréprochable que désormais indépendante de toute école précise.


Rédigé par : Uriel | Pas de note/ | Nb de lectures : 9878




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Commentaire
Hallu
Invité
Posté le: 18/09/2004 à 02h14 - (10429)
et à quand un nouvel album ?

Uriel
Membre enregistré
Posté le: 18/09/2004 à 15h36 - (10438)
Si tu lisais, tu saurais :)



Hallu
Invité
Posté le: 18/09/2004 à 16h36 - (10439)
Ben ya bien "C'est donc en toute logique qu'on les retrouvera l'an prochain dans la division supérieure, celle de l'armada Metal Blade Records." mais pour moi ça veut juste dire que l'an prochain ils changent de label, pas forcément qu'ils vont sortir un album.

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