Il y a des groupes comme ça qui n’ont pas et n’auront sans doute jamais la renommée et le respect qu’ils méritent. J’ose affirmer que le plus gros défaut de natifs d’Evreux est d’être français, terre désolée en terme de hardcore. Si ces mecs avaient été belges, hollandais ou allemands je mets ma main au feu qu’ils auraient été « huge » et arboreraient aujourd’hui les lauriers d'une gloire qu’ils méritent amplement. Car ce groupe fait décidément partie de ce qui se fait de mieux en core céfran et s’impose comme chef de file du straight edge hexagonal.

On avait ramassé nos dents sur « A Hell Romance » et trois ans plus tard, pile poil le temps de retrouver des tibias en béton après nous les être fait casser par « Kiss Sentence To Your Funeral », PRIMAL AGE revient avec « The Gearwheel Of Time ». Eh ben, on va repartir direct pour un petit séjour aux urgences les plus proches parce que cet album c’est de la barre à mine. Au premier abord, « The Gearwheel » semble moins directement accessible que son prédécesseur, il faut un peu plus de temps pour y entrer et l’appréhender correctement même si, dans les faits, rien n’a vraiment changé. PRIMAL AGE tape toujours dans le edgemetal incisif, tranchant et engagé. Pourtant on remarque quelques évolutions dans le son notamment où la production lorgne du côté du milieu des années 90. On croirait entendre du Morning Again ou de l’early Poison The Well avec une basse poussée en avant comme sur l’instrumental « Symphonies Of Dreams » par exemple. Outre son influence sur le son, l’ombre de la grande scène floridienne plâne sur l’ensemble de l’album que ce soit au niveau des compos ou du chant. Si « A Hell Romance » était plutôt marqué par All Out War ou Merauder, « The Gearwheel Of Time » paye lui son tribut à Morning Again tout en conservant ses influences belges (Arkangel en tête).

« A Fire Consumes My Heart » ouvre l’album de la plus belle des façons, le titre est direct, imparable et annonce bien la ratonnade qui va suivre. Le riff principal est cinglant et claque comme un coup de trique. La voix, hargneuse et scandée rappelle celle de Kevin Byers en plus arrachée. « Genetically Murderer Organism » m’a ensuite rendu fou avec son rythme soutenu et ses petits arpèges typiquement Morning Again (ndla : promis c’est la dernière fois que je cite le nom des Floridiens) et son court passage parlé rappelant l’école belge. Ce titre est quasiment parfait et s’impose comme un des temps forts de l’album. Mais comme PRIMAL AGE est un grand il transcende ses influences pour imprimer sa patte et créer une musique et un son tout à fait personnel. La force du groupe est d’avoir toujours su conserver une homogénéité profonde tout en variant ses compositions et en leur donnant une identité propre. Chaque morceau existant par lui-même et au sein du collectif. Jamais on a l’impression d’entendre le même morceau pour la Xème fois. Si le son général et les thèmes abordés font figure de fil rouge, les compos sont variées et ne suivent pas toutes le même schéma ce qui relance l'intêret de la machine à baffes à chaque fois. Et elles sont nombreuses, les baffes. « What Makes Us Submit Ourselves » et son riff démoniaque, le désabusé et désenchanté « Underworld », le brutal et bûcheronesque «Opposites Forces». Nan, c’est pas la peine de lutter, vos tibias vont être passés à la batte de baseball une fois de plus.

Loin d’être un groupe passéiste ou nostalgique, PRIMAL AGE a juste choisi de se retourner sur le passé pour balancer un album moderne et actuel mais construit sur des bases solidement ancrées dans l’histoire du hardcore et de ce qu’on appelait pas encore metalcore. Les Français réinvestissent un genre musical typiquement américain et l’adapte à leur sauce pour en faire la base de leur son évitant ainsi le plagiat bête et méchant. Alors certes l’hommage au gang de John Wylie est parfois appuyé, certes un morceau s’appelle « Hand Of Hope », certes encore le groupe reprend « Dictation Of Beauty » en morceau bonux mais on sent que chaque note jouée est sincère, que chaque syllabe sort des tripes et du cœur de xDidierx et que, merde, on est bien là face à un album de PRIMAL AGE, un des tout meilleurs groupes metalcore européens qui, en plus, n’a jamais renié son engagement straight edge. « The Gearwheel Of Time » s’impose comme une des sorties hardcore majeures de cette année qui s’offre le luxe de jouer la madeleine de Proust pour tous les fans de la scène straight edge floridienne mid-nineties. Messieurs, je vous tire ma casquette et vous salue bien bas. Et comme dirait Ali G : « R.E.S.T.E.C.P! Do ya even know wha it spellz? »


Rédigé par : Seb On Fire | 17/20 +2 pour les fans hardcore de Morning Again | Nb de lectures : 14503