Sacral Productions poursuit sa série de sorties regroupées sous l’index Poésie Noire (Asyndess, Eikenskaden…) avec ce groupe français nouveau et intrigant. A l’instar d’un Mystic Forest, Praeda s’avance avec une paraphrase excentrique du black metal. C’est une musique difficilement descriptible à l’identique de l’artwork mi-féérique mi-grotesque qui l’accompagne, dont on n’arrive pas à savoir s’il s’agit d’une fumisterie pseudo-allégorique ou s’il véhicule plus que sa singularité de surface. De cette ambiguïté découle une perplexité sous la forme d’un nuage de brume qui s’empresse de recouvrir de flou artistique les moindres trouées que le besoin de comprendre a fini par y percer. On peut dire que l’abécédaire de la composition est maîtrisé mais il est impossible de comprendre où cela mène tant isoler un riff, une mélodie, un solo, relève de la gageure : tout se monte dessus dans une joyeuse partouze apocalyptique qui va faire grincer certaines dents de par son manteau sonore bien loin d’être orthodoxe – boîte à rythmes turgescente oblige. Qui plus est, Praeda sont adeptes du camouflage vocal, les hurlements étant passés et repassés au filtre à friture, ce qui certes attise la cruauté de l’ensemble mais contribue aussi largement à un aspect brouillon dérangeant – contrairement à Mystic Forest, par exemple, chez qui le traficotage contrebalance équitablement une musique déliée avec une queue et une tête. Ici à trop vouloir enchevêtrer le scénario dans un canevas de rebondissements subreptices, on s’éloigne dangereusement du chaos avant-gardiste intelligent au profit d’un capharnaüm dans lequel chaque piste veut avoir le dessus et s’efforce d’étouffer les autres instruments dans un combat opaque, plutôt indigeste pour l’observateur désorienté – j’en veux pour preuve le final du titre « Mensonges », dans lequel vocaux saturés, guitare solo sinueuse et nappes de synthé stridulantes se donnent en spectacle pour un exemple de cohabitation foireuse alors que, pris individuellement, chaque élément renferme une originalité et une qualité indéniables. Et c’est bien là que se situe l’espoir pour Praeda, dans la certitude que l’on a affaire à un orchestrateur compétent qui a probablement l’étoffe d’un Dreamlord (Golden Dawn), mais qui devra dompter le big-bang musical encore trop écru qui se joue dans son esprit. Sinon ce « Eden… Hele » ne manque heureusement pas d’autres points positifs – sinon je ne pense pas que Sacral Productions y aurait vu un investissement valable. Parmi ceux-ci, citons un usage du synthé insolite et pertinent qui, n’eût été l’échec de la production, aurait enveloppé l’œuvre d’un authentique climat de fascination glauque (un peu à la façon « lovecraftienne » de Cryogenic sur l’excellent « Celephais »), l’entrée en scène réussie d’un violon halluciné qui constitue un highlight innovateur, et puis les poèmes convaincants par leur asymétrie et leur amertume glaciale, que l’on doit à un certain Boris chez qui ça ne doit pas être tous les jours soirée disco… Allez, un bon coup de plumeau pour astiquer tout ça, un peu de rangement pour virer le superflu, et Praeda nous surprendront le prochain coup avec un album vraiment inspiré et déstabilisateur !


Rédigé par : Uriel | 09.5/20 | Nb de lectures : 8000