Je vous parle d’un temps que les moins de quinze ans ne peuvent pas connaître. Montmartre en ce temps-là, accrochait ses lilas jusque sous nos fenêtres.

Ce temps-là c’est celui où « émo » n’était pas une insulte, celui où « émo » ne rimait pas avec mèche, mascara et t-shirt taille 12 ans. Un temps où les émos portaient des chemisettes à carreaux et des lunettes à grosses montures. Un temps où émo et hardcore étaient liés, où ensemble, main dans la main, les poings américains et les lunettes partageaient la scène. Ce temps-là où tous, étions une grande famille. Car oui, historiquement émo et hardcore sont étroitement liés et c’est ce temps-là que veulent nous faire redécouvrir les New-Yorkais de Polar Bear Club. L’émo des origines, celui joués par des groupes comme Hot Water Music, Texas Is The Reason ou bien Jimmy Eat World, des groupes privilégiant l’émotion au détriment de la vitesse ou la violence.

Nouvellement signé chez Bridge Nine, qui réédite cet album initialement sorti sous la bannière Red Leader, Polar Bear Club fait figure de next big thing sur la scène « émo originals ». Et à l’écoute de l’album, on peut comprendre pourquoi, le groupe maîtrise son sujet et offre un concentré de riffs cristallins greffés à une rythmique pop/punk immédiatement agréable à l’oreille. L’émotion est présente mais le club des ours polaires est assez malin pour ne pas tomber dans la niaiserie sirupeuse qui envahit parfois le genre. Sous ses airs gentils et inoffensifs, le combo sait montrer les dents comme le prouvent les titres « Eat Dinner, Bury The Dog and Run » et « Hollow Place », plus punk dans l’esprit et avec une voix presque hardcore dis donc.

Généralement le groupe varie les atmosphères passant de titres sautillants à des passages plus mélancoliques, j’irai pas jusqu'à dire torturés mais presque, tout en restant toujours foncièrement mainstream et calibré pour les college radio ricaines. On imagine facilement Polar Bear Club sur la bande son ou jouant sur scène du bal de promo d’un college movie ricain. Pas de moshpart, pas de voix aboyée, pas de blast ni de growls, PBC fait dans le radio friendly mais le fait bien, avec classe et grâce, même s’il frôle parfois l’accident de parcours lors de certaines parties. Mais grâce à un excellent vocaliste, dont la voix n’est pas sans rappeler un certain Ray Cappo sur certaines intonations, la quintet parvient à rester dans le wagon de tête des groupes qui comptent sur la scène emo. Bien que essentiellement composé de titres catchy et tubisables, PBC garde ses meilleures cartouches pour la fin avec le titre final « Convinced I’M Wrong ». Une pièce de cinq minutes qui résume à elle seule la musique du groupe, débutant par un couplet acoustique, avant de dérouler un crescendo parfaitement travaillé tout en émotions pour finir dans le registre de la guitare incisive et la rage contenue. Du fort bel ouvrage en somme. Si vous ne devez écouter qu’un titre, écouter celui-là, car je sais qu’un fond, bien caché entre le viking à sandale et le tough guy en marcel, on a tous un ado timide, fantasmant secrètement sur sa voisine de classe. Il est parfois salvateur d’ouvrir la porte à cet ado sous peine de perdre définitivement la clé.


Rédigé par : Seb on Fire | 13/20 | Nb de lectures : 11154