The game is over. Playing Enemy n'est plus, laissant derrière lui 2 albums, une foultitude d'EPs et une poignée de péquenots désoeuvrés en guise de fans. "My Life As The Villain" fera office de dernier leg du groupe, et autant dire que l'héritage est conséquent. Car bien que n'ayant bénéficié que d'une visibilité réduite depuis sa formation en 2001, le trio rassemblait la section rythmique de Rorschach/Deadguy ainsi que l'ex-guitariste de Kiss It Goodbye, groupes étant à la genèse de toute la scène noise/hardcore telle que nous la connaissons.

Et ici, pas de concours d'enfilage de riffs, chaque coup est appuyé, la dissonance omniprésente, l'ambiance pesante, la tension à la limite du soutenable, l'air assez chargé en plomb pour chopper le saturnisme. Ces mecs carburent au désabusement et à la fatalité. Car malgré leur présence dans le circuit noise/hardcore depuis le début des années 90's et le fait qu'ils aient contribué à définir le style aux côtés de Starkweather et consorts, ils n'ont jamais récolté qu'une infime partie de la reconnaissance allouée aux Converge, Botch et autres de leurs exceptionnels descendants. Et si des groupes comme Dillinger ont choisi la voie du déluge technique, ou d'autres comme Converge celle de l'intensité, les Playing Enemy jouent la carte du malaise, et la joue comme peu en jouent. La bave aux lèvres, en balançant leurs dernières cartouches dans cette bataille qu'ils savent perdue d'avance. Alors ça éructe jusqu'à la frontière de l'intelligibilité, ça riffe sans chercher à relever la tête, ça pilonne dans tous les sens avec l'énergie de ceux qui n'ont plus rien à perdre.

Violence.

Et les gaziers savent y faire pour ne jamais balancer la note de trop, ici rien n'est gratuit, alors que les structures sont sérieusement tordues. Les lignes s'enchevêtrent, jusqu'à former un tissu instrumental étouffant, à la densité quasi impénétrable. Ca sonne dans la droite lignée du noisecore originel, lourd sans tomber dans le sludge, suffoquant, ultra nerveux, ou comme si Botch tapait le boeuf avec Unsane et Helmet. Ces 5 titres s'inscrivent dans la continuité du dernier album en date, "I Was Your City", en plus éploré toutefois, et ces riffs torturés de chez torturés viennent t'obséder, se fourrer dans ton cortex, jusqu'à te dévorer le crâne. Fatal. Si, comme le dit le proverbe africain, "quand un vieillard meurt, c'est une bibliothèque qui brûle", le split de Playing Enemy, c'est un véritable pan du hardcore noisy qui s'éteint.

Ah, et au fait, à partir d'aujourd'hui, la place de cover de l'année n'est plus détenue par Celeste.


Rédigé par : Crown_Me | 8,88/10 | Nb de lectures : 10853