Ca faisait un bail que je n'avais plus rien écouté d'eux, non pas qu'ils n'aient rien sorti ces dernières années (après vérication ils sont restés productifs), mais j'avais simplement zappé ce groupe. Je me rappelle un rock hésitant entre le chaos et la mélodie, ni vraiment punk, ni vraiment hardcore, ni vraiment metal. Rien de mirobolant ma foi et j'étais absolument persuadé que le groupe avait splitté depuis. Mon trouble en recevant ce CD était donc assez grand et la première question à germer dans mon esprit fut: 'Mais ils sont toujours là ?'. Cette affaire me semblait louche et il me fallait tirer ça au clair. Penchons-nous donc sur le 3e album de ces Coloradoans, mon cher Watson, voulez-vous ?

J'ai mis quasiment un mois pour arriver à me faire une opinion 'tranchée' à propos de ce 'Mercy'. La voix de Gared O'Donnell, les rythmes Tooliens et les accents Godspeediens des compositions constituaient autant de mystères à éclaircir et d'éléments à assimiler pour mon cerveau ramolli par la rentrée et la fin de l'été. Pour décrire leur orientation musicale, j'ai pu lire ici et là les termes emo/post-HC/metal ou chaotic screamo/punk. En fait, ce groupe est absolument impossible à étiqueter correctement, je dirais donc que c'est du rock au sens très large du terme, allant du screamo au hardcore en passant par le punk, le metal et le post-rock.

Une chose est certaine: les musiciens ont la maîtrise suffisante de leurs instruments pour assumer leurs hautes ambitions. Le jeu du batteur Ricketts tout en toucher et subtilité est omniprésent sans pourtant faire d'ombre à la basse ronflante de Keener, qui apporte une profondeur abyssale au son. La section rythmique apporte donc le côté Tool/Isis à la musique du groupe, tandis que la section mélodique des sieurs O'Donnell et French lui confère la touche Godspeed You Black Emperor!: les guitares sont souvent planantes, rarement agressives mais toujours précises. Et puis il y a évidemment la voix de Gared. Je ne me rappelais que d'elle ou presque et j'ai vite redécouvert pourquoi. Ce mec sait allier grain rocailleux et timbre suave dans la même phrase, sans jamais hurler ni forcer et tout cela sans aucun effet. Pour lui trouver un équivalent, il faut peut-être citer Tom Waits pour le grain et Shane MacGowan pour la gouaille. Sans lui donner trop d'importance, elle représente un atout évident des compos de PMFS. Un titre comme 'Killed By Killers Who Kill Each Other' démontre tout le potentiel de l'artiste: une voix d'abord contenue, puis progressivement explosive, enfin purement émotionnelle voire plaintive, elle est un instrument à part entière, rien de moins. Chapeau Bas, Mr Gared !

Malheureusement, tous les titres ne sont pas de cette qualité, l'album étant assez inégal et répétitif de ce point de vue-là. 'Crooked Mile' et 'Keep Your Teeth' se ressemblent étrangement dans leur structure et mélodies, tout en étant clairement moins intéressants que 'Never Felt Prettier', 'Little Death' ou 'Mercy', qui représentent la quintessence de l'album, les morceaux les plus 'screamo' et progressifs possédant la plus forte personnalité. 'Penitence' clôt l'album de la plus sombre manière qui soit, il ne s'agit que du chant de Gared appuyé par un piano puis une guitare sèche sur la fin, un titre à vous coller le blues pour les heures qui suivent. Les paroles sont globalement dans cette veine, très glauques et sombres, mais pour tout vous dire, mon cher Watson, elles m'ont semblé particulièrement obscures et visiblement très personnelles. L'artwork est magnifique, j'ai longtemps cru que c'était du Derek Hess mais c'est apparemment un autre artiste, qui a donc réalisé du très bon boulot.

Planes Mistaken For Stars nous délivre donc un album plutôt convaincant et élaboré, pour lequel il est particulièrement difficile de trouver des défauts majeurs. A quelques morceaux près, nous tenions-là un album candidat aux palmarès 2006 dans la catégorie rock. Pour un peu que l'auditeur ait une oreille assez tolérante et une grande ouvertue d'esprit, il se laissera volontiers emporter pour un voyage intrigant et inédit, confortablement installé dans cet avion dans lequel on est sûr qu'il y a un pilote, et qu'il ne se prend certainement pas pour une star.


Rédigé par : Candiria-Thon | 15/20 | Nb de lectures : 13489