Avec un tel patronyme et un précédent album consacré à Coré/Perséphone, déesse des enfers, il peut sembler curieux de voir ces six zicos partir sur les traces du plus célèbre bretteur japonais, Miyamoto Musashi. C'est pourtant le défi que relève ce groupe originaire d'Andorre avec leur dernier album « Shin-ken » qui s'inspire tout autant des nombreux «Chambara » consacrés à ce héros de légende que de son propre ouvrage de référence sur l'art du sabre « Le traité des cinq roues ».

Une des grandes qualités de Persefone c'est la résistance que le groupe oppose aux tentatives de classification. Plutôt bon signe en général sur mon échelle de valeur. Disons que l'on part sur une base de melodic death greffée d'une large touche de metal symphonique, teintée de vocaux black/death et de structures prog', mais ce ne serait pas faire hommage à l'évidente singularité du groupe. Plus concrètement on retrouve un châssis de gros riffs jamais trop agressifs qui servent d'écrin pour les multiples envolées lyriques des guitaristes et du clavier sur de longs morceaux aux couleurs harmoniques variées. C'est un exercice assez casse-gueule auquel se livrent nos apprentis Bushi et l'album donne constamment l'impression de danser sur le fil de la lame d'un katana. Mais les membres de Persefone ne sont pas non plus des débutants et ils remportent le duel grâce à la justesse de leurs compositions. Les solistes savent ne pas en faire trop, la touche sympho ne tombe jamais dans la caricature ; de manière générale le groupe n'oublie jamais que les ornements techniques sont excessifs s'ils occultent la finalité de l'ouvrage.

« Tout au long de la vie du guerrier, dans sa prospérité comme son déclin, dans son harmonie comme dans ses désaccords il y a la synchronisation. »

L'album comporte quatorze titres dont cinq sont des plages instrumentales illustrant les cinq éléments de la tradition japonaise, de la terre au vide, ce qui renforce immédiatement la sensation de parcourir le traité de Kenjutsu de Musashi. Ma préférence va néanmoins aux neuf autres morceaux qui voient toutes les capacités du groupe se déployer. Les rythmiques savent envoyer un gros coup d'accélérateur quand c'est nécessaire puis s'effacer soudainement pour laisser la douceur émerger ; toujours ce travail de stabilité des morceaux qui se paye le luxe de placer de multiples fioritures, ici quelques notes de shamisen (le luth nippon), là une boucle de samples. On est ici encore en plein dans le thème de départ avec cet aller-retour entre art de la guerre et spiritualité, c'est le minimum quand on s'attaque à un sujet de cette ampleur et « Shin-Ken » ne déçoit absolument pas.

« Tout naturellement on acquiert un rythme selon l'instant. Tout naturellement on frappe et tout naturellement on fait face. Tout cela est la voie du vide. »

Pour ne rien gâcher on a droit à un joli artwork (cover+livret) qui puise ses sources dans l'art de l'estampe, de la calligraphie voire du manga puisqu'il y a quelque chose dans la pochette qui me rappelle le Vagabond de Takehiko Inoue.
Enfin, même si vous faites une allergie incurable à la culture japonaise et pensez que Toshiro Mifune est un restaurateur de la rue Sainte-Anne ne passez pas à côté de ce troisième album de Persefone qui plaira à tous les amateurs de metal racé, du power sympho au progressive death.


Rédigé par : #Guillaume# | 15/20 | Nb de lectures : 13216