Trahison!
Ce troisième album du one-man-band de Vaerohn hisse effrontément le pavillon de la trahison et se place sous les auspices de la tromperie. Une promesse rampante sourd du promo CD orné du titre de l'album, « Ceci est de la musique ». Hé quoi! Le reflet de Magritte et de sa Trahison des images n'est pas si lointaine. Est-ce à dire que Pensées Nocturnes prend l'exact contrepied du surréaliste?
Si l'on s'en tient à notre vieille histoire de pipe, ce n'est pas tant le groupe de mots gravity blast qui vous donne des coups de rangers dans le bide que le son lui-même. Et l'album de Pensées Nocturnes qui traîne sur ma table basse entre un cendrier crade et un canard chiffonné ce serait pas de la musique? Ben si, semble nous dire le skeud, par la seule présence de son titre provocateur.
Notez bien qu'en matière de provoc, PN n'en est pas à son coup d'essai. Il y a un an à peine, « Grotesque » poussait les auditeurs vers des positions tranchées et définitives. On criait au génie ou à l'arnaque, alors qu'il s'agissait indiscutablement d'une marque des deux. Une sortie remarquée chez les Acteurs de l'Ombre Productions, dont Vaerohn s'affranchit ici pour les eaux houleuses de l'autoproduction. Mais quelle liberté grisante en pleine mer ; Vaerohn se sent l'âme généreuse et ne propose rien de moins qu'un Opéra black metal, composé d'un unique morceau de 55 minutes au titre éponyme.

Comme si l'écoute d'un album de PN n'était pas assez délicate, l'album se voit assorti d'un véritable libretto de 48 pages, dans la grande tradition des livrets d'œuvres lyriques. Une monumental casse-tête qui soulève autant de questions que de pistes de lecture pour un album labyrinthique. Quant à ceux qui redoutent déjà le chant singulier du maître des lieux, voilà au moins un problème de résolu. La voix de Vaerohn n'habite pas cet album, aucun chant black agonisant au programme, pas le moindre râle à l'horizon. Les parties vocales sont en effet assurées par un trio de chanteurs lyriques qui assurent narrations et joutes verbales sur des compos bondissant dans des contrées chaotiques désormais coutumières. Imaginez donc, chers vous, le patchwork musical et mental de PN porté à son acmé sur un morceau d'une heure qui flirte en permanence avec les territoires désolants du n'importe quoi, sur la ligne de crête où la musique audacieuse cherche la grâce.
Quant à l'union impie de la musique extrême avec des pièces d'ascendance plus classique, sa pertinence demeure interrogée. On hésite d'emblée à taxer le procédé de banale caution culturelle, puis au hasard d'un mouvement, le morceau vous empoisonne, maladie virtuose ennoblie par les outils de la musique savante. Peut-on envisager un univers où le metal noir baise avec un Harsh noise dégueulasse à travers un langage musical néoclassique sans passer pour un dément, un fumiste?
« Ceci est de la musique » persiste à affirmer mon promo-CD, pourtant je commence à considérer sérieusement le contraire. L'album révèle une nature fuyante, les atours d'un cauchemar honteux qui laisse la peau poisseuse, dont les notes s'enfuient dans l'oubli avant même qu'on ait pu les saisir. Ceci est une mystification.


Rédigé par : #Guillaume# | Ceci est une note/ | Nb de lectures : 16988