Dans la famille néo prog, le groupe de Nick Barrett est sans doute celui qui a le mieux digéré sa mutation. Tout a commencé avec "Believ"e en 2005 pour se poursuivre avec "Pure" en 2008. Tant et si bien que maintenant "Passion" semble à des années lumières du pourtant très acclamé et meilleure vente du groupe "The Masquerade Overture" paru en 1996.
Mais Nick a pris son temps pour nous mener là où son indéniable talent voulait nous conduire. En artiste persévérant, évitant de bousculer son auditoire, il a patiemment tissé sa toile pour s'éloigner lentement mais sûrement du néo gentillet des débuts et parvenir sans se renier à une vision très actuelle du rock progressif ; tout du moins telle qu'il la perçoit après plus de 4 décennies d'existence.
En douceur donc mais profondément, tout a changé, y compris l'artwork; fini les mondes baroques dépeints dans la fameuse trilogie ("The World" 1991 – "The Window of Life" 1993 – "The Masquerade Overture" 1996) à laquelle on pourrait rajouter le "Not Of This World" de 2001 et place à du moderne, à un design plus en phase avec l'époque et la nouvelle orientation stylistique de la formation anglaise.
Côté musique, la transformation est tout aussi flagrante; le son métal fait son entrée par touches de plus en plus présentes. De quoi attirer un public rajeuni susceptible d'adhérer à ce virage osé pour un groupe classé jusqu'à présent aux antipodes du métal. De quoi aussi rebuter ceux qui ne supportent pas de près ou de loin le son saturé de la strato de Barrett. Une strato qu'il manie de mieux en mieux, distillant des solos toujours aussi magiques. Sa voix a également gagné en clarté (il a arrêté de fumer...).
Pourtant "Passion" (5min28) débute par la plus étrange des manières, avec un son assez inhabituel chez Pendragon, proche des horribles rythmiques électroniques des années 80. Puis des arpèges de guitares viennent briser ces battements atroces avant de céder la place à des riffs métal, à une basse bucolique et enfin au chant retrouvé de Nick. Puis débarque le vrai Pendragon; puissant, frais et immédiatement identifiable.
Lié thématiquement à "Passion", en reprenant même ses paroles et d'un format plus conforme aux compos du groupe, "Empathy" (11min21) ouvre cependant sur une rythmique lourde, pesante, digne des plans propres au post rock traité à la sauce Wilson. Empreint d'une mélodie entêtante et distillant quelques breaks atmosphériques et autres sons «bidouillés», ce titre achève de nous convaincre combien Barrett s'est renouvelé tout en restant fidèles aux canons progressifs qu'il respecte par dessus tout. Bien présents donc les fameux solos étirés et éthérés sur lesquels Nick slame (oui slame!!!) ses lyrics. Renouant avec la grandiloquence habituelle, un piano mélancolique puis des violons majestueux (mais synthétiques) clôturent ce morceau d'anthologie. Le train Pendragon est lancé et rien ne pourra le stopper!
Autre pièce généreuse de l'album, "This Green And Pleasant Land" déroule ses 13min avec une construction qui rappelle certains titres anciens comme "A Man Of Nomadic Traits" (Note Of This World). Et là nous avons droit à du néo progressif grande époque. Après une entame sereine et posée où la strato fait à nouveau merveille, une mélodie et un refrain imparable comme seul sait en produire le génial leader de Pendragon, le final explose en une apothéose de riffs redoublés et sur un rythme échevelé. Encore du grand art!
Les morceaux les plus courts comme "Feeding Frenzy" (5min47), "It's Just A Matter Of Not Getting Caught" (4min41) - "Skara Brae" (7min31) ou "Your Black Heart" (6min46) ne sont pas dénués du charme et du savoir-faire inhérent à toutes bonnes compositions de la formation britannique. Qualités souvent obtenues grâce à la guitare de Barrett. Certaines peuvent sembler plus faibles musicalement mais le magicien de la 6 cordes sait leur donner de l'envergure et faire passer un feeling qui émeut et fascine l'auditeur toujours un peu surpris de constater combien facilité et inspiration ne sont pas toujours antinomiques.
L'impression générale de "Passion" est que le durcissement du son de Pendragon ne s'est pas produit au détriment de ce qui a toujours été l'une des marques de fabrique du groupe à savoir la recherche mélodique. De ce fait, le clan Barrett, s'il a évolué pour son bien (et le nôtre), n'est pas pour autant devenu le énième avatar de la scène prog à tendance métal. Il n'a fait que suivre et encourager une démarche salutaire que les pionniers de la scène néo (comme Pallas et plus tard Arena) ont bien compris à leur tour.
De ce point de vue, ce 9ème album en 30 ans de carrière, peut rapidement s'imposer comme le meilleur de Pendragon; à défaut il doit être considéré comme le symbole de la métamorphose d'un groupe qui n'a jamais trahi ses fans tout en affirmant une incessante et profitable évolution. N'est-ce pas là l'essence même du rock progressif?
Rédigé par : karadok | 15/20 | Nb de lectures : 12552
Effectivement, un album vraiment très bon avec des solos des plus planants. Sans oublier des guitares au son cristallin qui donnent une sensation de beauté à l'ensemble.
rimbe IP:81.220.211.74 Invité
Posté le: 06/01/2012 à 20h00 - (99679)
Excellent chronique Karadok !
Absolument rien a rajouter sur ce magnifique album d'un groupe a la carrière exemplaire.
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Mais Nick a pris son temps pour nous mener là où son indéniable talent voulait nous conduire. En artiste persévérant, évitant de bousculer son auditoire, il a patiemment tissé sa toile pour s'éloigner lentement mais sûrement du néo gentillet des débuts et parvenir sans se renier à une vision très actuelle du rock progressif ; tout du moins telle qu'il la perçoit après plus de 4 décennies d'existence.
En douceur donc mais profondément, tout a changé, y compris l'artwork; fini les mondes baroques dépeints dans la fameuse trilogie ("The World" 1991 – "The Window of Life" 1993 – "The Masquerade Overture" 1996) à laquelle on pourrait rajouter le "Not Of This World" de 2001 et place à du moderne, à un design plus en phase avec l'époque et la nouvelle orientation stylistique de la formation anglaise.
Côté musique, la transformation est tout aussi flagrante; le son métal fait son entrée par touches de plus en plus présentes. De quoi attirer un public rajeuni susceptible d'adhérer à ce virage osé pour un groupe classé jusqu'à présent aux antipodes du métal. De quoi aussi rebuter ceux qui ne supportent pas de près ou de loin le son saturé de la strato de Barrett. Une strato qu'il manie de mieux en mieux, distillant des solos toujours aussi magiques. Sa voix a également gagné en clarté (il a arrêté de fumer...).
Pourtant "Passion" (5min28) débute par la plus étrange des manières, avec un son assez inhabituel chez Pendragon, proche des horribles rythmiques électroniques des années 80. Puis des arpèges de guitares viennent briser ces battements atroces avant de céder la place à des riffs métal, à une basse bucolique et enfin au chant retrouvé de Nick. Puis débarque le vrai Pendragon; puissant, frais et immédiatement identifiable.
Lié thématiquement à "Passion", en reprenant même ses paroles et d'un format plus conforme aux compos du groupe, "Empathy" (11min21) ouvre cependant sur une rythmique lourde, pesante, digne des plans propres au post rock traité à la sauce Wilson. Empreint d'une mélodie entêtante et distillant quelques breaks atmosphériques et autres sons «bidouillés», ce titre achève de nous convaincre combien Barrett s'est renouvelé tout en restant fidèles aux canons progressifs qu'il respecte par dessus tout. Bien présents donc les fameux solos étirés et éthérés sur lesquels Nick slame (oui slame!!!) ses lyrics. Renouant avec la grandiloquence habituelle, un piano mélancolique puis des violons majestueux (mais synthétiques) clôturent ce morceau d'anthologie. Le train Pendragon est lancé et rien ne pourra le stopper!
Autre pièce généreuse de l'album, "This Green And Pleasant Land" déroule ses 13min avec une construction qui rappelle certains titres anciens comme "A Man Of Nomadic Traits" (Note Of This World). Et là nous avons droit à du néo progressif grande époque. Après une entame sereine et posée où la strato fait à nouveau merveille, une mélodie et un refrain imparable comme seul sait en produire le génial leader de Pendragon, le final explose en une apothéose de riffs redoublés et sur un rythme échevelé. Encore du grand art!
Les morceaux les plus courts comme "Feeding Frenzy" (5min47), "It's Just A Matter Of Not Getting Caught" (4min41) - "Skara Brae" (7min31) ou "Your Black Heart" (6min46) ne sont pas dénués du charme et du savoir-faire inhérent à toutes bonnes compositions de la formation britannique. Qualités souvent obtenues grâce à la guitare de Barrett. Certaines peuvent sembler plus faibles musicalement mais le magicien de la 6 cordes sait leur donner de l'envergure et faire passer un feeling qui émeut et fascine l'auditeur toujours un peu surpris de constater combien facilité et inspiration ne sont pas toujours antinomiques.
L'impression générale de "Passion" est que le durcissement du son de Pendragon ne s'est pas produit au détriment de ce qui a toujours été l'une des marques de fabrique du groupe à savoir la recherche mélodique. De ce fait, le clan Barrett, s'il a évolué pour son bien (et le nôtre), n'est pas pour autant devenu le énième avatar de la scène prog à tendance métal. Il n'a fait que suivre et encourager une démarche salutaire que les pionniers de la scène néo (comme Pallas et plus tard Arena) ont bien compris à leur tour.
De ce point de vue, ce 9ème album en 30 ans de carrière, peut rapidement s'imposer comme le meilleur de Pendragon; à défaut il doit être considéré comme le symbole de la métamorphose d'un groupe qui n'a jamais trahi ses fans tout en affirmant une incessante et profitable évolution. N'est-ce pas là l'essence même du rock progressif?
Rédigé par : karadok | 15/20 | Nb de lectures : 12552