En parcourant la discographie du groupe au nom d’oiseau, je me suis rendu compte que «Australasia» était sorti il y a 7 ans déjà (ce qui ne me rajeunit aucunement; ce premier album de PELICAN pourrait en effet figurer dans notre bonne section Remember). Ce «What We All Come To Need» est sorti l’année dernière, me faisant comprendre implicitement que je suis à la bourre niveau chroniques (que le sieur Greg veuille bien excuser son humble serviteur). Bref, je me rappelle m’être pris une sacré baffe en 2003 quand le premier long effort du quatuor avait montré le bout de son bec. PELICAN redéfinissait effectivement la notion d’efforts instrumentaux. Pas facile, en effet de tenir en haleine un auditeur du début à la fin sans la moindre ligne vocale. Avouons-le, nous savons évidemment que le concept de compositions entièrement instrumentales ne date pas d’hier et que pullulent nombre de groupes Metal essentiellement instrumentaux, mais dans le style dans lequel excelle le combo – un mélangé de Postcore, Sludge, Noise, Progressif, etc - il est vrai que la chose fut plutôt bien amenée à l’époque et que PELICAN au travers des ans n’avait fait qu’affiner son style musical. Beaucoup d’entre vous se sont en effet plongés sans retenue dans la masse sonore orchestrée par la pelleté d’albums (4 en comptant ce dernier), de EPs (au nombre de 4), de splits (5 dont un partagé avec THESE ARMS ARE SNAKES et un autre avec MONO) et de vidéos live (deux DVDs présentant deux concerts enregistrés en 2003 à Chicago et en 2008 à Londres). Cette opulente discographie montre que PELICAN ne s’essouffle pas et réinvente son style, sortie après sortie. C’est une chose encore confirmée ici avec ce «What We All Come To Need»...

Ce dernier album en date marque d’une pierre blanche quelques changements de forme et de fond. Oui, ô sacrilège, PELICAN a essayé d’intégrer quelques lignes lyriques dans sa musique, Allen Epley de SHINER (groupe de Math-Core aujourd’hui disparu) et THE LIFE AND TIMES prêtant ses cordes vocales au titre «Final Breath», dont la teneur est aussi mal inspirée que son appellation (un chant en retrait essayant de singer un ALICE IN CHAINS un peu éreinté). Pour ouvrir une parenthèse, PELICAN n’a pas même pensé à un Guest-Vocal de type Eugene Robinson (le nom d’Eugene me vient spontanément en tête, comme si je rêvais de voir cette union contre-nature se produire), bien en vogue en ce moment et ce bien avant la parution de ses «mémoires» sur le label Hydrahead Records. Je voudrais également parler du changement de label qui a somme toute son importance. PELICAN migre de Hydrahead Records, justement, au très respecté et respectable Southern Lord Records (annonçant par la même occasion une tournée commune PELICAN/WOLVES IN THE THRONE ROOM). Troisième fait important : PELICAN a quitté sa terre natale de l’Illinois pour rejoindre la Californie, le groupe ayant intégré la sphère Hype de Los Angeles. Preuve que le quatuor a accédé à un certain niveau de popularité.

Ce nouvel album est également marqué par l’apparition de trois autres personnages connus de la scène Post-Hardcore/Noise/Doom : Aaron Turner (ISIS, OLD MAN GLOOM, etc., aussi la tête pensante de Hydrahead; faut-il le rappeler?) invité d’honneur sur le titre du même nom que l’album, Ben Verellen (de l’excellentissime groupe défunt auquel je voue un culte sans limite aka HARKONEN) jouant quelques notes de basse bien inspirées sur le titre introductif «Glimmer» et Greg Anderson (GOATSNAKE, SUNN O))) et j’en passe…) se prêtant au jeu dans «The Creeper» et dont le phrasé est ici reconnaissable entre mille.

Qu’en est-il vraiment de ce dernier album de PELICAN ? Me demanderez-vous avec impatience, puisque c’est ici que nous devons en parler. Si PELICAN s’est essayé précédemment à l’exercice plus lourd, à la limite du Sludge, ce «What We All Come To Need» présente à ce jour la face la plus mélodique du combo. Entre consonances Post-Rock, mélodies presque Pop et tirades presque Noise-Rock (à la SONIC YOUTH), les 7 titres extrêmement jouissifs (j’oublie délibérément le dernier titre dont j’ai parlé plus haut) n’hésitent cependant pas à montrer le côté plus «violent» de PELICAN au détour d’une accalmie envoutante et mélodieuse. C’est le cas de «Ephemeral», de loin une des compositions fortes de cet album, qui combine parfaitement le passé presque Progressif du groupe avec un touché mélodieusement délicieux et dont le riff principal vous hantera jusque dans votre sommeil. A l’inverse, le quatrième titre de l’album «Specks of Light» présente un tempo et une rythmique plus Rock (presque Indie-Rock) n’hésitant pas à terminer son escalade sonore sur un accent presque Sludge. Les trois titres suivants «Strung Up From The Sky», «An Inch Above Sand» et « What We All Come To Need» surfent sur la combinaison d’instants rythmiquement forts et de parties dominées par des grattes mélodiques au possible.

Nous pourrions toutefois reprocher à PELICAN l’aspect linéaire de cet album et une prise de risque assez limitée. En effet, le groupe ricain ne s’essaye pas vraiment ici à l’expérimentation que l’on aurait souhaitée plus systématique depuis les sorties en 2005 du EP «March Into the Sea» et de l’album «The Fire In Our Throats Will Beckon The Thaw». Certains considèrent cette conclusion sur une composition avec chant comme une ouverture vers une sphère plus classique, dixit la chronique publiée sur Pitchfork. Difficile de dire si ceci est une bonne ou une mauvaise chose. Bien que n’ayant pas été convaincu par ce dénouement, nous pourrions espérer que PELICAN finisse par suivre cette voie…


Rédigé par : DeadStar | 15/20 | Nb de lectures : 13121