PANTERA… Étonnamment, un patronyme qui évoque autant la brutalité et la sauvagerie métallique dont ils seront les plus emblématiques représentants durant la première moitié des années 90, que les spandex et les permanentes des premières années Glam du groupe. Puisqu’il s’agit ici de parler de la réédition de son premier album véritablement Metaul, celui qui le fera sortir de son Texas natal, nous ne nous étendrons pas sur l’album en lui-même, qui a accédé depuis longtemps au statut mérité de Classique, mais sur ces deux CD bonus qui accompagnent la version remasterisée du disque original.

Quoique si, parlons-en un peu, puisqu’elle est censée redonner de l’éclat à une prod vieille, mine de rien, de vingt ans. Il y a effectivement un gouffre entre les deux versions, la plus récente ayant bénéficié d’un nouveau mastering dont le résultat est une augmentation conséquente du volume sonore, de la clarté du son et une meilleure spatialisation. En gros, quand vous écoutez le « Cowboys » de l’époque, la musique vous vient directement dans la tronche, comme un billot lancé par un bûcheron canadien dans une cible dont vous seriez le centre (ouais, c’est balèze un bûcheron canadien). Avec la nouvelle version, c’est une volée de billots que vous prendrez dans les dents. Plus d’espace, plus de définition, et plus de cymbales aussi donc, qui malheureusement viennent tout pourrir avec un son cristallin mais tellement présent qu’il en devient rapidement pénible et atténue l’effet du couple guitare/basse. Une version remasterisée qui n’a pas que de bons côtés donc, et qui sera appréciée différemment selon la sensibilité de chacun… ce qui nous amène tout naturellement au troisième CD de l’édition Deluxe, qui est constitué des démos de presque tous les morceaux de « Cowboys » et d’un inédit, « The Will To Survive ».

Plus qu’un simple morceau extirpé d’une bande poussiéreuse, « The Will To Survive » est le lien entre « Power Metal », premier album de PANTERA avec Anselmo, dernier également de sa période Hard Rock Heavy Glamouze et comme une sorte de réhabilitation de la carrière pré-« Cowboys » du groupe, longtemps passée sous silence parce qu’elle ne cadrait pas avec sa nouvelle orientation plus « virile », disons. On y entend un Anselmo encore très halfordien faire le beau sur les riffs déjà plus épais de Diamond Darrell. Titre agréable, ni bon ni mauvais, à l’intérêt plus historique que purement musical ceci dit. « Shattered » prend la suite en douceur, avec une longue intro qui a par la suite été supprimée pour certainement renforcer l’impact du morceau sur le disque et, surtout, conserver l’intensité de « Domination », qui la précède sur le pressage final. Il apparaît rapidement que ces versions « démo » sont plus des versions « pré-mix » que de véritables démos que le groupe aurait enregistrées avant d’entrer en studio. Peu de changements sont en effet à noter par rapport aux versions de l’album, hormis évidemment un gros travail d’arrangements, quelques variations dans les solos et un son plus produit. Seule « The Sleep » se démarque vraiment, avec un rythme encore plus lent que sur l’album et un écho sur les voix qui la plongent dans des volutes sabbathiennes pas dégueu'.

Il y a donc une part de foutage de gueule dans la présentation de ces morceaux si on en attend des versions de travail comme ANNIHILATOR a pu le proposer sur « Bag Of Tricks » par exemple, mais elles présentent d’un autre côté le groupe de la meilleure manière qui soit : brut de décoffrage. Les pistes de voix d’Anselmo ne sont pas bidouillées et on peut vraiment se délecter de la puissance, de l’étendue de possibilités et de la beauté de son timbre de voix, qui en faisaient à l’époque l’un des meilleurs chanteurs metal en terme de polyvalence. La même remarque ou presque est à mettre au profit de Darrell, dont le son guitare semble directement pris de l’ampli et qui est terrifiant. Certes, les morceaux ne sont pas autant travaillés que sur le disque, mais ils déboîtent, ils sont gros et violents, comme ils le seront sur les deux disques suivants. Même si j’adore « Cowboys » pour son côté metal classique à grosses couilles, je prends un pied pas possible sur ces versions épurées de tout ce vernis technologique qui finalement ne va pas à PANTERA, un peu comme si on avait là un live du groupe avec un Anselmo qui chante bien… C’est finalement Rex qui gagne le moins dans l’histoire puisque le son de basse se confond avec les basses de Darrell et ce, d’autant plus qu’il joue à peu près la même chose. Bon, pas de bol, il manque deux titres à ces démos par rapport au disque, et « Primal Concrete Sledge » en fait partie. Mais rassurez-vous, vous pourrez headbanguer sans retenue sur « Medicine Man » et « Message In Blood » qui sont, eux, de la partie ! (Nan, je déconne…)

Et les lives dans tout ça ? Deux lives sont en effet présents sur le deuxième CD, dont un inédit datant de 1990. Le second est déjà paru en format E.P. sous le nom de « Alive And Hostile E.P. » et la plupart d’entre vous le connaissent certainement, soit parce que le possédant, soit parce qu’ayant vu la prestation dont est extraite la piste audio, puisqu’il s’agit de ce fameux Monsters Of Rock de Moscou de 1991 où PANTERA ouvrait pour AC/DC et METALLICA (avec les BLACK CROWES et le groupe russe E.T.S. en première partie). On n’y trouve que des titres de « Cowboys From Hell », le groupe ayant décidé de totalement faire l’impasse sur ses précédents disques, et on y entend une bande de jeunes crasseux qui n’a clairement pas choisi cette voie parce qu’il fallait se la jouer méchant à l’époque, mais parce qu’ils avaient la rage, simplement. Tout le succès futur de PANTERA est là, dans ces bandes qui transpirent l’authenticité. Anselmo, comme d’habitude, n’est pas toujours au top vocalement, ce qu’on oublie sans peine en vidéo grâce à son exceptionnel charisme mais qui ressort ici, d’autant que Darrell est irréprochable ou presque, assurant guitare rythmique et solos sans faillir. Le son du premier concert est passable, proche de certains bootlegs de bonne qualité qu’on pouvait trouver sur le marché il y a quelques années, avec beaucoup d’écho et l’impression que la prise de son s’est faite au milieu de la salle, tout le contraire des morceaux enregistrés à Moscou. Il n’y a cependant pas de raisons de faire la fine bouche, le groupe n’ayant pas vraiment été généreux question live, que ce soit en CD ou vidéo.

Au rayon présentation, rien à redire puisque l’esthétique de l’album a été respectée, avec cet artwork bien laid mais fun, étrangement en décalage avec son contenu, décalage renforcé par l’apposition d’un film brillant sur les musiciens, plus Glam justement que Power Metal. L’utilisation d’un papier recyclé pour le livret lui donne un certain cachet (faut aimer le papier recyclé, c’est sûr) et on y trouve des notes des trois musiciens restant du groupe ainsi que du manager et de Terry Date, leur producteur. J’aurais aimé plus d’informations sur les conditions dans lesquelles les démos ont été enregistrées ou plus d’anecdotes sur l’enregistrement lui-même, mais elles ont au moins le mérite d’être là.

Le choix de l’achat ou non d’une des nombreuses versions de cette réédition anniversaire dépend entièrement de vous et de l’intérêt que vous trouverez aux petits plus apportés. L’évolution sonore est significative concernant l’album, mais pas forcément bénéfique, quant aux lives ils combleront les fans frustrés de ne pas en avoir eu assez au cours de la carrière de PANTERA. Les démos, elles apportent vraiment quelque chose pour qui aime les sons crus et les guitares bien en avant. Quoi qu’il en soit, si vous ne possédez pas encore « Cowboys From Hell », voilà l’occasion de compléter votre discothèque avec l’un des disques les plus marquants des années 90, qui aura marqué son temps autant par la brutalité de ses compos et de ses rythmiques atypiques à l’époque (« Cowboys », « Primal Concrete Sledge ») que pour la sensibilité qui s’en dégageait (« The Sleep », « Cemetary Gates »). PANTERA explosera vraiment avec « Vulgar Display Of Power » deux ans plus tard, mais « CFH » restera certainement très spécial dans le cœur des fans comme il le reste dans le mien malgré toutes ces années, à l’instar du premier DOWN… dont le live est sorti très opportunément il y a quelques jours.


Rédigé par : Dungorpat | Réédition From Hell/ | Nb de lectures : 17260