PANOPTICON - Roads to the North (Bindrune) - 02/10/2014 @ 07h44
Les randonnées dans la campagne du Kentucky et ses montagnes, à contempler ces étendues de forêts intactes, ouvrent l’appétit de créativité et tout un champ d’émotions vaste et précieux à Austin Lunn. Seul, il retranscrit les sentiments dégagés par ces échappées tant de fois rêvées, tant de fois accomplies, à travers un black folk made in US. Le black Metal n’est d’ailleurs plus le talon d’Achille de la scène américaine puisqu’elle offre aujourd’hui parmi ses plus belles cartouches. Et ce multi-instrumentiste est un mec talentueux, qui a tout compris, et à la philosophie exemplaire.

La pochette est représentative de la manière dont Austin doit percevoir le black Metal : forestier, épique, proche de ses racines, mais lumineux et avec une approche singulière. Et c’est là où son chemin se sépare des autres nationalités adoratrices de ce style noir, la thématique «nature» couplée à la mise en place progressive de sa musique est contradictoire de l’esprit premier du style, qu’il outrepasse pour s’exercer sur un grand nombre d’instruments, d’influences, de revirements de situation, de passages acoustiques… qui donnent un intérêt réel à Roads to the North. Un melting-pot d’idées se côtoient avec audace : banjo, instruments à vent, à cordes, riff death mélo 90’, blue grass, et de judicieux arrangements pour un coté folk très prononcé. Les trémolos, cris haineux, univers typique black et tout l’attirail étant tout de même bel et bien présents.

Le multi instrumentiste ne se produit pas en concert, donne peu d’interviews (uniquement 4 pour cette sortie) et fait tout seul. Originaire de Louisville, Kentucky, ce jeune homme est énigmatique et insaisissable, avec une idéologie vraiment captivante, donnant envie d’en savoir plus sur le personnage. Retiré dans la forêt afin de se retrouver seul en famille, ses interviews montrent un homme intelligent, qui sait prendre du recul vis-à-vis de ce qu’il a à offrir, pour un rendu sincère, fouillé et à l’opposé de la misanthropie habituelle. Sa musique n’est pas l’apanage du violent ou de l’obscurantisme, mais plutôt une quête du beau, une mise en musique de son amour de la nature américaine, où chaque sortie est un témoignage de ce qu’il est à un moment donné de sa vie, lui permettant de juger sa propre évolution. Ses enregistrements sont donc à l’opposé d’une recherche de reconnaissance ou de notoriété. C’est tout simplement un artiste, et non pas fonctionnaire de la musique, qui pratiquait autrefois pour exorciser ses frustrations, n’écrivant aujourd’hui que pour partager son amour de la nature du Kentucky. Rien n’est plus classe qu’un musicien qui joue pour lui, et non pas nous, ou pour des obligations contractuelles.

Est-ce que les passages non Metal sont de qualité ? Oui, mille fois oui. Les interludes à la guitare acoustique ou au banjo sont sautillants et très bien écrits, et rappellent ce que les américains issus de la scène du sud des USA savent faire de mieux lorsqu’ils s’adonnent à cette activité. Le violon et l’harmonica sont trippants, oniriques et suivent la même cadence « au coin du feu » que la six cordes. La forte connotation bluegrass surprend, dérangeant presque aux premières écoutes, pour devenir évidente une fois l’univers percé. La musique déployée est riche, à l’espace sonore gigantesque, pour permettre à l’esprit de voyager.

Roads to the North est un excellent album aux morceaux longs, enivrants, riche en idées, et offre beaucoup d’informations au grès d’un même titre. La notion de couplet-refrain n’existe pas, pour un labyrinthe où l’on se perd avec délectation, et qui n’ennuie pas une seule seconde, malgré ses 71 minutes. Oui, presque une heure et quart d’une musique à rebondissements où la qualité est présente tout le long. Toutes les idées sont bonnes, beaucoup sont excellentes, où chaque écoute apporte son lot de nouveautés.

J’aime les mélanges (de gens, de genres, d’idées) et Panopticon est le parfait exemple de ce qu’offre le Metal aujourd’hui, où les frontières explosent un peu plus chaque jour, pour un rendu sincère et contemporain. Plusieurs sentiments sont véhiculés avec brio et l’unique compositeur rend sa musique lumineuse. Le black ricain regorge de groupes exceptionnels et semble être, au même titre que la France, un des leaders de la scène actuelle, alors que les scandinaves, et leur approche «crachat-au-visage» qu’ils n’ont pas su renouveler, marquent le pas depuis… longtemps.

Exutoire sans recherche de notoriété ou de succès, Panopticon suit cette philosophie qui démarque les amoureux de musique, des fonctionnaires. Roads to the North puise à droite à gauche, que ce soit au niveau des styles, des époques ou des origines, pour un rendu tout bonnement trippant.




Rédigé par : Bras Cassé | 16/20 | Nb de lectures : 12312




Auteur
Commentaire
TarGhost
Membre enregistré
Posté le: 02/10/2014 à 11h26 - (113808)
Cette chronique est un bien bel hommage aux travaux d’Austin Lunn, aka PANOPTICON. Le bonhomme est tout simplement talentueux, il laisse avant tout parler sa musique, s’exposant peu aux médias, tels qu’ils soient. Ce Rémy Bricka des temps modernes est un monstre de technicité et de feeling, son jeu de batterie est à ce sujet vraiment bluffant !

Il frappe encore une fois très fort avec ce nouvel album, il n’y a d’ailleurs pas grand-chose à y ajouter par rapport à ce qui est déjà dit juste au-dessus. Restent à mon sens une prod’ moins organique, moins dynamique que sur « Kentucky », qui reste le mètre-étalon de PANOPTICON…et quelques longueurs sur les tentatives hors-métal (« The long road part one » et « Norwegian nighs » me laissent dubitatif alors que ses alter ego sur « Kentucky » tapaient en plein dans le mille et formaient un tout plus cohérent avec les concepts abordés - amour de la nature et dénonciation de l’exploitation minière outrancière d’hier et d’aujourd’hui).

A côté de ces défauts mineurs (de fond), cet album est magique : que de diversité, que d’habileté pour faire voyager l’auditeur au fin fond des montagnes enneigées du Minnesota, de cette nature secrète qui ne se dévoile qu’aux plus audacieux. Prenez ce « Where nature pierce the sky », à n’en point douter le plus beau titre jamais enregistré par PANOPTICON. Cette intro où violon et guitare acoustique s’entrecroisent avant de laisser la place à un riff, que dis-je, le riff, celui qui tutoie les sommets de ces reliefs escarpés et majestueux. Un must je vous dis ;)

Chapeau bas, mister Lunn.



Jus de cadavre
Membre enregistré
Posté le: 02/10/2014 à 12h41 - (113809)
He ben... Je vais me pencher sur ce groupe !

Reflebe
Membre enregistré
Posté le: 03/10/2014 à 10h02 - (113824)
Belle chronique! Juste une précision : il n'a pas vraiment fait tout tout seul : différents musiciens lui ont prêté main forte (il me faudrait retrouver la référence). Le coté mélo death est la seul chose qui me chiffonne un peu, mais c'est plus une question de gout personnel qu'une histoire de qualité.

"Le black ricain regorge de groupes exceptionnels et semble être, au même titre que la France, un des leaders de la scène actuelle, alors que les scandinaves, et leur approche «crachat-au-visage» qu’ils n’ont pas su renouveler, marquent le pas depuis… longtemps." : complètement d'accord au risque de faire râler les true beumeux.

MorbidOM
Membre enregistré
Posté le: 03/10/2014 à 10h09 - (113825)
Arriver à placer deux piques sur les fonctionnaires dans une critique d'album de Black Metal américain, c'est beau...

Et pour ce qui pensent que les scandinaves n'ont plus rien à dire en terme de Black, jeter une petite oreille du coté de ce qui se fait en Islande ne devrait pas vous faire de mal...

TarGhost
Membre enregistré
Posté le: 03/10/2014 à 10h13 - (113826)
@Reflebe : en effet, Johan Becker prête main forte à Austin Lunn depuis "Social disservices", principalement pour les parties de violons...

Reflebe
Membre enregistré
Posté le: 03/10/2014 à 10h45 - (113831)
Plus d'info sur les divers intervenants : www.npr.org/2014/07/27/333726142/first-listen-panopticon-roads-to-the-north?utm_source=facebook.com&utm_medium=social&utm_campaign=nprmusic&utm_term=music&utm_content=20140727

Bras cassé
Membre enregistré
Posté le: 03/10/2014 à 14h35 - (113844)
En effet, ya des membres de When Bitter Spring Sleeps, Waldgeflüster, Altar of Plagues et Obsequiae venus faire un petit truc par ci par là. Mon but était surtout de mettre en lumière le travail de Lunn, qui a composé un album de 71 minutes seul, très travaillé et fouillé, avec de nombreux instruments atypiques pour le style, et surtout ne suivant aucun schéma dit « classique ».

Quant au débat sur les scandinaves, je n’en lance aucun, c’est juste un constat. Et oui l’Islande offre de l’excellent, surtout Sinmara et Svartidauði.


Youpimatin
Membre enregistré
Posté le: 06/10/2014 à 08h18 - (113872)
Grosse découverte, je sens que ça va me plaire

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