Cauchemar de tout fan de musique allant à 200 à l'heure, ORPLID est un groupe allemand de Dark Folk, aujourd'hui sous forme de duo. Âgé déjà de 12 ans, la formation illustre parfaitement le concept musical de folk minimaliste, amer et oppressant.

Loin d'avoir pignon sur rue, la formation a tout de même été saluée pour son précédent album, "Sterbender Satyr", sorti il y a moins de 3 ans. Ce nouvel opus, enfanté relativement rapidement, s'inscrit dans sa droite lignée, reflétant la régularité et la qualité du travail des deux compères.

Froide et dépouillée, la musique ORPLID est construite, ou plus justement déconstruite, avec une grande finesse. Une grande batterie d'instruments et d'outils sont une nouvelle fois mis à parti pour rendre l'atmosphère irrespirable.
Anti-pêchu de bout en bout, "Greifenherz" est un album intimiste, tragique et d'une grande classe. Dans une ambiance froide et pleine d'amertume, la musique des Allemands tire parti sans aucune honte de nombreuses influences et en fait une subtile alchimie, un nectar de désespoir.

Décousu et déroutant, l'album prend le parti d'alterner les registres, de varier les instrumentalisations, de vider les compositions, pour ne laisser au final que l'essentiel : un ensemble dissonant et très théâtral. Le tout n'est pas sans rappeler DEATH IN JUNE ou DARKWOOD, mais avec une atmosphère différente, plus proche du conte lyrique que de la musique pure. L'abondance d'effets électroniques et la grande rigueur donnent un résultat glacial, étouffant. Les vagues de claviers et de violons noient l'auditeur dans un spleen énorme. La seule accroche humaine reste cette voix masculine, glaciale et monolithique ou le chant féminin ténu et presque famélique. L'espace est totalement occupé par l'amertume.
Le résultat est terrifiant, un orchestre sombre et déchirant que n'aurait pas renié ELEND, sans pour autant être aussi savant. La grande (et glauque) classe.

Dense et en apparence hétérogène, cet album surprend par sa profondeur et surtout son rythme. Les morceaux sont très riches et variés, mais on perçoit un fil étrange, ténu mais omniprésent.

On pourrait malgré tout regretter que le duo n'expérimente pas plus, c'est vrai. Mais quelle maîtrise du dérangeant! Leur musique décadente n'est probablement la plus expérimentale du genre mais se démarque aisément tant elle est froide, lugubre et emprisonnante.

L'ensemble prend des faux-airs de fugue, parfois répétitif, souvent lancinant, "Greifenherz" n'a pourtant aucune issue. Il s'écoute de bout en bout, s'écoule avec une lenteur et une acidité pénible et géniale.
Glacial et inhumain, voici l'un des albums de Dark Folk les plus aboutis qui m'ait été donné d'écouter depuis "All the Pretty Little Horses" de CURRENT 93. Un très grand moment.




Rédigé par : Aneria | 17/20 | Nb de lectures : 10870