"Je n'aime pas la voix de la chanteuse". Voici en général le seul argument négatif que l'on me sort quand j'essaye de contaminer mon entourage à ma ferveur Orphanagienne. C'est également le seul argument que je peux légitimement comprendre car les vocaux pratiqués ne plaisent pas forcément à tous ceux qui ont l'habitude de chants plus cristallins ou lyriques. La voix de Rosan, parfaitement posée à mon avis, est tout à fait "normale", si je peux me permettre d'utiliser ce terme qui pourrait sembler péjoratif. Dans tous les cas, moi j'adore et me régale de chacune de ses interventions, même quand elle a tendance à partir dans des sphères hautes et difficiles. Comme Orphanage est un des groupes les plus sous-estimés de la terre et qu'ils n'ont jamais vraiment rencontrés le succès qu'ils méritent (je les place au niveau d'un Katatonia sur l'échelle du talent, c'est tout dire...) je me permet de vous rappeler quelques principes de base : Ce "Driven" est le quatrième album de cette formation hollandaise. Le premier "Oblivion" était annonciateur d'un grand potentiel. Le second "By time alone" se doit de figurer dans n'importe quelle discographie de métalleux sensé et le troisième "Inside" se situe dans la continuation directe de son prédécesseur même s'il a un peu plus mal vieilli. Le groupe a réussi au fil des années à créer un style qui lui est complètement propre qu'on pourrait grossièrement qualifier de "death gothique". Les guitares sont très incisives et apres, l'ambiance plutôt apocalyptique avec pas mal de groove, le phrasé ultra-guttural du vocaliste George Oosthoek est reconnaissable entre mille (on l'entend sur le dernier Pleurisy entre autres) et sur cette base très dark, le groupe ajoute des arrangements subtils et soignés comme des arpèges, des parties discrètes de synthés et bien sûr la voix féminine citée plus haut. Impossible de savoir par avance si quelqu'un va apprécier ce groupe quels que soient ses goûts. On accroche immédiatement ou bien jamais.
Ce nouvel album, qui arrive quatre longues années avant "Inside" est de toute évidence celui que j'attendais avec la plus grande impatience et également la plus grande appréhension pour l'année 2004, juste aux côtés de Pain et Rammstein. Dire que je ne suis pas déçu est un doux euphémisme, ce disque est une bombe comme je n'en ai pas entendue depuis un bon bout de temps. Avoir un morceau d'ouverture aussi incroyablement bon que "The sign" n'est pas donné à n'importe qui et les hollandais ont commis l'exploit de pondre un disque tellement soigné qu'aucun des 14 titres ne peut faire l'objet du moindre reproche, en tout cas de ma part. A part le morceau d'introduction que j'ai du écouter trent fois de suite le jour où j'ai eu ce CD, deux titres ressortent assez rapidement du lot. Je veux parler de "Dead Ground" et "Infinity" qui mettent un petit coup d'accélérateur assez inhabituel pour le groupe. Le premier dans un esprit assez punk et le second dans la veine du "the ones who came before" de Samael où la rythmique est portée par les riffs de guitares. On trouve des morceaux assez typiques du groupe comme un "In Slavery" qui joue sur la dualité des vocaux, un génial "My Master's master" dont la petite nappe de synthé et l'ambiance futuriste font tout le charme, un mélodique "Prophecies of fame" où Rosan a la part belle dans les vocaux, un "Cold" très mid-tempo entièrement porté par une basse monstrueuse ou un "Beyond the fall" qui peut faire songer à un Within Temptation d'autrefois quand ils ne faisaient pas encore de la soupe indigeste et soporifique.
L'une des plus grands particularités de "Driven" est, s'il ne modifie pas beaucoup la ligne de conduite édictée par le groupe depuis ses débuts, est d'être certainement l'album le plus accessible de leur discographie, certainement en raison de la plus grande variété de rythmiques présentées ici. Chez Orphanage, la violence ne vient pas forcément de rythmes effrenés ou de hurlements démoniaques. C'est toute une alliance de compétences musicales et vocales qui réussit à créer une recette unique qui me plaît de plus en plus à chaque nouvel album. Peu de groupes arrivent encore de nos jours à se faire reconnaître en à peine quelques secondes d'écoute. Les bataves y parviennent sans grandes difficultés et "Driven" n'est pas près de s'arrêter de tourner dans mon lecteur. Un plaisir sans cesse renouvellé, une dépendance qui augmente au fil des écoutes, une sensation de manque au bout d'une journée sans appui fébrile sur la touche "play", voici ce que je ressens à l'écoute de ce chef-d'oeuvre. Pourtant, ils n'auront certainement toujours pas le succès qu'ils méritent. Sachez simplement que le meilleur groupe hollandais encore en activité n'est pas forcément celui que l'on croit et que si vous ne connaissez pas Orphanage, c'est le moment ou jamais. Nous sommes à peine en avril et je tiens déjà ce qui sera certainement mon disque de l'année (J'ai bien dit MON, les autres font ce qu'ils veulent). M'ébahir encore plus représente dorénavant un sacré challenge.


Rédigé par : Loufi | 19/20 | Nb de lectures : 10240