Avec un peu de bol, vous n'aurez jamais entendu parler d'Oracle Of The Void, ni d'Obsidian Records avant de lire cette chronique. Très égoïstement, ça me ferait plaisir de vous faire connaître le premier album des Australiens. Parce que c'est tout simplement du lourd. Pourtant cette sortie ne devrait pas plaire à tout le monde, notamment aux amateurs de productions lissées et de compos clairement charpentées. Mais les nostalgiques du siècle dernier qui aime leur black bien secoué dans le bocal devraient accrocher. Tenté?

Officiellement né à l'automne 1994, Oracle Of The Void ne produira qu'une démo intitulé In Darkness is Found the Greater Enlightment en 1995. Oui, ça sent déjà le vieux tromblon avec un titre pareil. Après dix ans de très faible activité, le guitariste/vocaliste Gamaliel se laisse convaincre de ressusciter la bête en 2005 par deux comparses. Le groupe va sortir son unique album en 2008 chez Obsidian. Je dis "unique" car un communiqué de leur part indique un split en mai dernier. Bon, ben ça c'est fait.

Musicalement, le mélange que pratique Oracle Of The Void est assez improbable. Prenant ses sources dans les années 90, le groupe présente un black avec synthé qui porte ses passages cérémoniels sur fond d'orgue. Sur cette base, les guitares proposent des trémolos mélodiques jouant sur de nombreuses dissonances, balançant autant des accords furibards que des plans atmo sortis d'on ne sait où. Les rythmes sont systématiquement cassés, à travers de nombreux blasts ou de passages plus ambiancés, dans un album qui ressemble plus à la bande-son bordélique de l'apocalypse qu'à un cheminement tranquillou vers les cieux. Les voix sont très variées, allant du grondement au hurlement aigu, le tout dans une palette sonore très proche de Dani Filth. L'ensemble est un énorme gloubiboulga complètement déjanté et qui part dans tous les sens, avec une composition très instinctive.

Et pourtant, cela fonctionne parfaitement si le bon auditeur est sous le casque. D'abord, par la mise en place impeccable de toutes les couches instrumentales, qui permet une immersion immédiate malgré le manque de simplicité de certains enchaînements. Ensuite, par la variété du propos chez un groupe qui papillonne au milieu de ses références tout en restant insaisissable, voletant d'un riff à la Cradle pour foncer sur une ambiance plus lugubre à la Limbonic Art. C'est un peu comme si Portal copulait avec Anorexia Nervosa, pour proposer une sorte de raw black sympho complètement barré. Faussement aléatoire, chaque sonorité est parfaitement à sa place dans le grand orchestre démoniaque qui sévit pendant 45 minutes.

Avec son côté indomptable et sauvage, l'album me replonge avec nostalgie dans les groupes d'une époque révolue. Là où de nombreuses formations se pètent la gueule avec un black à synthé froid et sans génie, Oracle Of The Void insuffle l'âme brûlante des Enfers. Chaque titre porte son lot de riffs dévastateurs et de changements de rythme aventureux, sans que jamais l'auditeur ne puisse prédire où il va atterrir. Chaque morceau est un voyage complètement halluciné vers le monde parfait évoqué dans le titre, un monde qu'on imagine perverti et d'une noirceur insondable. Oracle Of The Void loue le Malin, en brandissant des cierges dans la nuit, dans une cérémonie que vous espionnez du bout de l'oreille.

On parle souvent du micro-climat qui peut souffler sur un metal australien ne faisant décidément rien comme les autres. Further Steps to a Perfect World est une nouvelle preuve que les Aussies en ont sous le coude, s'inspirant des références du genre pour en régurgiter le plus malsain et le plus indécent. Un album de grands malades qui restera unique, et c'est peut-être mieux ainsi.


Rédigé par : Prince de Lu | 17,5/20 | Nb de lectures : 12231