"The Calling" (2008) est le premier album d’OPERATIKA, quatuor du New-Jersey (oui, oui, ils sont bien américains), bien qu’ayant été précédé en 2005 par le EP/démo autoproduite "Dreamworld" dont les ¾ se trouvent réenregistrés sur cette nouvelle galette. Quatuor ? Alors qu’il y a 5 instruments ? Eh bien oui, la formation composée du batteur Yuri Liakhovitch, du guitariste Bill Visser, de la soprano Slava Popova et de la claviériste Anna Dok, a eu l’occasion, dès son premier passage studio, de recruter la 4 cordes de Michael Lepond de SYMPHONY X. C’est d’ailleurs l’un des « Selling Points » envoyés avec la bio du groupe (si, si, j’vous jure, le service marketing m’envoie les arguments pour vous convaincre d’acheter) : ils sont américains et c’est une femme qui chante… Oui, encore un groupe de Symphonic Metal à chanteuse. Ne niez pas, je sais que vous aimez ça, hein ?

Bien qu’il s’agisse d’un premier skeud, ces gens ne sont pas de complets inconnus, car depuis 2002 (date de la formation d’OPERATIKA), les quatre musiciens avaient eu le temps de se faire un petit nom en tournant avec des artistes tels NIGHTWISH (on s’en serait doutés), HELLOWEEN, SONATA ARCTICA ou encore STRATOVARIUS.

Ce qui a tendance à surprendre au début, c’est que malgré toutes ces rencontres et un label plus que correct, SCARLET RECORDS (chez qui on retrouve entre autres TIMO TOLKKI (solo), SHAMAN ou DARK MOOR), la prod’ n’est clairement pas à niveau, surtout pour un album de métal sympho. La batterie est particulièrement mollassonne et sans profondeur alors que le monsieur se débrouille plus qu’honorablement avec ses toms et ses caisses, et la guitare lead, notamment en solo, manque parfois vraiment de pêche.
"Tears of the Sun", qui occupe la place du « hit », soit le deuxième morceau après l’intro (et qui a le potentiel pour être l’un des titres phares) donne une bonne idée de la première moitié de l’album : c’est une bonne plâtrée de NIGHTWISH de la grande époque (entre "Oceanborn" et "Once") parsemé de quelques plans « à la CHILDREN OF BODOM » (qu’ils citent en tant qu’inspiration par ailleurs)…
Non, je plaisante, en fait ils en ont mis partout. Et franchement, ça semble vraiment superflu tous ces micro-soli. Le vrai solo lui, est dans la veine néo-classique typé Malmsteen associé à un solo de clavier du même style. Ca pète sa race, mais l’effet est atténué par l’omniprésence d’envolées guitaresques. Les parties chant sont assurées et Slava n’a pas à envier grand-chose à la majorité de ses consœurs… mais souffre de la comparaison avec certains female-fronted bands du type EPICA, NIGHTWISH sous l’ère Turunen (et surtout eux en fait), SIRENIA (les premiers albums du moins)…

Dans l’ensemble, le groupe balance entre un NIGHTWISH où le clavier et la guitare auraient inversés leurs rôles, et un EPICA un peu mou et moins « grandiose » que sur "The Phantom Agony", mais avec un côté plus joyeux qui apporte une touche rafraîchissante. Les compositions sont d’excellente facture et les orchestrations font honneur (parfois un peu trop) au grand frère finlandais. La voix death qui apparaît de temps à autres pour un refrain (toujours comme chez Mark Jansen & co) est cependant tout à fait pathétique : aucun souffle, pas de profondeur, c’est bien simple, on dirait un gamin. C’est dommage, l’intention est là mais la pratique semble manquer.

D’une façon générale, les musiciens assurent un bon niveau technique (même si certaines parties vocales sont un peu faiblardes, lorsque la hauteur fluctue, sur "Ice Queen" ou "Gladiator" par exemple) avec mention pour le batteur. Cependant, les solos (néo-classico-Malmsteeniens), qu’ils soient à 6 cordes ou à 88 touches, sont très inégaux, et sont également parfois trop longs : la prouesse guitaristique sur "Dark Horizons" par exemple, part d’un très bon sentiment mais à vouloir trop bien faire toute spontanéité se retrouve sacrifiée. D’ailleurs, Bill Visser lui-même le dit: My goal as a guitarist is to play extremely fast technical solos. I have always been a fan of fast solos and I want to take that to the next level with my playing. Jouer vite c’est bien, jouer inspiré c’est mieux. Une exception toutefois, "No. 3/23 in A Minor", le break de milieu d’album, instrumental néo-classique, où Bill prouve qu’il peut « play fast solos » sans que ce soit forcément hors de propos.


Si au premier abord, on peut croire à du NIGHWISH réchauffé de A à N (oui, je suis geek et je vous emm****), Operatika possède sa propre signature, avec l’intégration de quelques riffs thrashisants par exemple, ou de lignes de chant parfois improbables (ou qu’on attendrait masculines). La chanson "Last Quest" qui clôt l’album, malgré un côté répétitif, illustre parfaitement ce dernier aspect. S’il ne fallait en retenir qu’un, ce serait ce morceau-là. Ca grouille d’influences mélangées très correctement, et le refrain, bien que d’une grande simplicité, m’a complètement scotché par l’atmosphère calme qu’il dégage, un souffle calé entre deux riffs extrêmement compacts et tendus qui apportent une dimension tourmentée, interprétés à la fois à la guitare et au clavier/clavecin. La petite outro acoustique a par ailleurs son charme. Même la production semble plus soignée. On finit donc sur une excellente note.

"Life Saving Flame" sort aussi son épingle du jeu, avec notamment un clavier très agréable utilisé intelligemment et une ligne de chant particulièrement soignée, et "Ice Queen", bien que peu inspirée dans l’ensemble, est livrée avec un refrain assez entêtant.

OPERATIKA suit encore de trop près les pas de ses aînés et manque clairement de maturité. Cependant, il se pourrait fort bien que dans quelques années, ils comptent parmi les références des women-fronted sympho/gotho/atmo bands, d’autant que des places sont en train de se libérer : NIGHWISH change son orientation, TRISTANIA et SIRENIA ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes tandis que WITHIN TEMPTATION…
Les nostalgiques de Tarja peuvent l’acheter les yeux fermés, les autres peuvent se laisser tenter.


Rédigé par : Saru | 15/20 | Nb de lectures : 11352