Obtest continue son bonhomme de chemin, trois ans après "Is Kartos I Karta" (qui avaient déjà fait des émules sur VS, bisous à nos invités disparus). Alors que s'est-il passé chez le groupe lituanien depuis la dernière interview? Ils ont fait résonner leur pagan vitaminé en Europe (mais pas en France, sniff), ont traversé l'Atlantique pour apporter la bonne parole aux US, réédité leurs démos avec le MLP "Pries Audra" en 2006 ainsi que leur premier album "Tukstantmetis" en 2007. Plus impactant pour nos bouilles franchouillardes, le combo est désormais signé chez Osmose Productions pour le monde (hors Etats Baltes, où Ledo Takas reste leur label). Bref, formé il y a plus de quinze ans, Obtest avance et ce n'est pas le récent enregistrement au Hertz Studio du dernier album qui peut me faire mentir.

Néanmoins le monde du metal européen a un peu changé en trois ans. Le folk/viking/pagan metal connaît un effet de mode indéniable et les sorties utiles ou carrément dispensables se bousculent les lecteurs de nos chaînes hifi. L'auditorat, désormais plus que jamais habitué aux sonorités pagan et aux langues exotiques, va-t-il encore succomber aux sirènes des vieux de la vieille de Vilnius? Obtest va-t-il résister au virage plus sombre que proposent certains groupes de la grande famille pagan, virage qu'ont pris Moonsorrow ou Thyrfing avec leurs récentes productions, culbutant le côté bon vivant d'un folk trop souvent enclavé dans les morceaux à taper la chopine? L'inflation du prix de la bière dans les salles peut-il être un frein à la conquête du monde? Que de questions…

J'avais complètement craqué pour Obtest à la découverte de "Is Kartos I Karta" et j'appréhendais un prévisible retour de boomerang avec ce nouvel opus. Force est de constater qu'il n'a pas eu lieu. "Gyvybes Medis" utilise les mêmes recettes qui m'ont fait chuter du tabouret trois ans plus tôt, mais en mieux. Maturant encore son pagan mêlé de speed/thrash/heavy et déroulé à la vitesse de l'éclair, Obtest parvient à garder l'esprit et à modifier la forme pour gagner en efficacité. "Gyvybes Medis" s'avère plus varié dans les tempos que son prédécesseur, en gardant la hargne et la fraîcheur ultra Kiss Cool qui donne immédiatement envie de mettre le pied sur le rebord de la fenêtre et de croiser les bras face au vent pour narguer les éléments (et le gros voisin tout nu avec qui vous avez un vis-à-vis).

Dès "Apeigos" qui ouvre l'album (ça veut dire "Rites" et non apéro), je suis perdu au milieu des arpèges sur fond de double du couplet, du thème mélodique tout en mélancolie du refrain et des rythmiques speed/thrash qui envoient grave le bouzin. Il devient impossible de décrocher jusqu'au bout de l'album et son final instrumental "Ákaitai" superbe et tout en nostalgie. Alors certes, tout cela ne va pas changer l'avis négatif de ceux qui avaient détesté "Is Kartos I Karta", ceux qui entendaient du métal naïf porté sur les génériques de dessins animés (et qui généralement n'écoutent pas de folk, sans aucune critique). Mais pour ceux qui sont tombés dans la marmite avec le précédent opus, c'est feu vert assuré avec celui-ci. Ce nouvel album garde la même saveur et les mêmes atouts "en mieux" que son prédécesseur, en proposant un pas de plus autant conceptuellement que musicalement. Je précise que les compos ont été maturées entre 2002 et 2007, Obtest prenant largement son temps avant de pondre un titre, ce qui ajoute une homogénéité notable dans la discographie du groupe sur sa dernière période.

Il reste un écueil dans ce tableau lumineux: le titre "Sakalo Vaikai" qui avait créé des frayeurs en tant qu'extrait. Il est clairement le plus faible de l'album et fait pâle figure à côté des autres brûlots avec son solo de guitar hero et son lead mélo en continu qui fait même plus penser au générique de Melrose Place qu'à autre chose (c'est pas moi qui regardait cette série!!). Mais ne vous arrêtez pas à cela, le reste de l'opus est plus sombre et dans la lignée de ce à quoi le groupe nous a habitués: enjoué, tonique, porté par la voix déchirée de Baalberith.

L'enregistrement au polonais Hertz Studio a également eu un impact plus que positif sur le groupe, lui permettant d'améliorer grandement sa production, tout en conservant la clarté nécessaire à l'écoute de morceaux très dynamiques. Les références du studio (Abused Majesty, Crionics, Hate, Vesania) sont à même de vous laisser imaginer la puissance de feu finale, le tout restant proche des sonorités du métal traditionnel qu'Obtest affectionne. Le son de batterie a notamment gagné en naturel, faisant oublier le côté un peu synthétique du précédent forfait. En clair, ça poutre sévère.

Le biscuit chocolaté s'est également payé l'édition limitée chez Ledo Takas. Outre le poster A2 dédicacé, l'édition se présente sous la forme d'un livre A5. Après la présentation paysage et orangé de "Is Kartos I Karta", "Gyvybes Medis" est plus sobre (et mis en page en portrait). L'ensemble des photos et des textes sont en noir et blanc, avec une qualité de papier similaire au "Othodoxyn" d'Arkhon Infaustus (pour vous donner un ordre d'idée). Mais le contenu ne fait pas dans la folie et s'oriente clairement vers une présentation "livre", entre une dizaine de pages de textes en lituanien puis les textes de l'album. Sans être indispensable, voilà une manière agréable et sympathique de feuilleter les paroles en lituanien et leurs traductions en anglais tout en écoutant l'album.

Alternant entre titres plus mid tempo et morceaux de bravoure portés par des leads ou des solos très mélodiques, Obtest chante son amour de la nature et sa perception de l'Arbre-Monde. L'arbre grandit, y compris dans leur logo, car le groupe évolue au fil des ans et se bonifie. Hormis un titre plutôt moyen qui gâche un peu la fête, Obtest livre un opus intense et ravageur qui fait fièrement suite à "Is Kartos I Karta" et qui démontre encore la personnalité unique du groupe lituanien sur la scène pagan/folk. Plus qu'à espérer qu'on les voit un jour sur scène, nom di diou!!!


Rédigé par : Prince de Lu | 17,5/20 | Nb de lectures : 12903