Cela faisait bien longtemps que la lune morte avait fait l'objet d'une démo par Nyseius. Sombrant dans le silence depuis des années, les Franciliens ne laissaient guère présager d'un futur album. Et puis, c'est le label italien ATMF qui annonce les hostilités. Album il y aura, Militiae il s'appellera, et en avril il est sorti (oui, je suis trop à la bourre pour placer un futur).

Pour ceux qui ont le souvenir d'un déferlement de trémolos accompagnés par une voix de Gremlins sur Lueur d'une Lune Morte en 2004 (tout de même), c'est tout à fait ça. Pile dedans. Nyseius a continué à tracer lentement son sillon et ne s'est pas lancé dans des expérimentations sonores diverses et avariées. D'un côté, on pourrait regretter le manque d'ambition du projet, dont les entrelacs mélodiques évoquent les premiers Dark Funeral, au même titre que le firent les premiers Otargos. Mais d'un côté seulement...

Car il faut l'avouer. Oui, Nyseius n'invente rien. Oui, Militiae a des relents d'albums sortis il y a plus de dix ans. Mais que cela fait du bien de se faire défoncer les esgourdes par ces élans d'antan. Après une intro très "Au Nom de la Rose" (un peu longue pour l'immersion offerte), les quatre titres étalent une froide colère et une envie de bastonner son prochain. Oui, seulement quatre titres, puisque le sixième est une outro dont on dirait l'intro passée à l'envers (comme son titre l'indique). Ca fait 31 minutes de black, ce qui s'avère court pour un "full length", surtout quand un des titres est un relifting de "Lueur d'une Lune Morte".

Mais on se laisse prendre au jeu. On ferme les yeux et on imagine le titan responsable de tout ce bazar bougeant lentement mais irrémédiablement, écrasant tout obstacle sur son passage avec une indifférence pour le quidam aussi forte que celle d'un patron du CAC 40 pour ses employés. Militiae trace sa via dolorosa, sans imprimer de riffs accrocheurs dans le cortex. Non, car l'album se présente comme un tout écrasant qui remplit parfaitement son office: une masse de trente tonnes sur le petit orteil du pied gauche pendant que de doigts griffent le tableau noir dans un crissement saisissant.

Pour un premier album, le rendu sonore est très bon. Le groupe a peut-être pris son temps, mais il ne s'est pas précipité à sortir un opus bancal. Sec comme un coup de trique, le son laisse bien ressortir la batterie améliorée et les guitares. L'ensemble est survolé par la voix monocorde du Gremlins de service Daeloth, une voix qui devient lancinante à terme et qui emporte l'auditeur dans la noire cérémonie insufflée par les guitares. Du bel ouvrage, assurément.

Militiae n'est pas l'album du siècle, mais un album bien meurtrier, une première production dont Nyseius peut se vanter. Son côté froid tombe même à pic en ces périodes de fortes chaleurs. On aime à s'enfermer dans la fraîcheur de la cave qui sert d'antre aux Franciliens, à nos risques et périls.


Rédigé par : Prince de Lu | 14,5/20 | Nb de lectures : 13619