NYDVIND - Eternal Winter Domain (Sacral Productions/Adipocere) - 02/11/2003 @ 22h51
Depuis début 2002 et le premier album d’Aes Dana, les sorties françaises assimilées au black metal païen - comprendre assise black intégrée dans un champ d’animations empreint de culture populaire plus ou moins proéminente - se sont succédées à un rythme inédit qui, pour certains, a pu conduire à l’indigestion. Ceci sans compter les sarcasmes auxquels on s’expose lorsque l’on n’hésite pas (pour certains des groupes concernés) à manier des instruments aussi anachroniques dans le monde du metal que le fifre ou la bombarde. Aujourd’hui, Nydvind viennent en quelque sorte clore un cycle en remontant de l’embouchure à la source, des spécificités esthétiques propres à la qualité folklorique française vers un traitement du style plus proche de précurseurs scandinaves comme Einherjer et Borknagar. Affilié à un genre musico-spirituel conçu comme l’échographie du ventre de la Terre, « Eternal Winter Domain » se devait de respirer les grands espaces comme d’exhumer le parfum d’une ancienneté enfouie, icône de mythes à la résonance universelle dont la mémoire, encapsulée dans un riff dur et sans âge, ne demande qu’à s’évader à la faveur des décibels. De ces points de vue, le propos est rempli au-delà de toute question. Le scénario de l’album se déroule dans la constance du groupe qui sait parfaitement d’où il vient et où il va. Rares sont les accélérations soudaines et frénétiques car la cadence fondamentale est celle du trot triomphal sur des terres gelées conquises d’avance, et la gestion des parties batailleuses se fait sans précipitation à la suite d’amorces éprouvées. On pourrait ainsi évoquer une certaine prévisibilité sans surprise, je préfère parler de transparence inéluctable, même si je n’aurais pas été contre une tonalité générale plus incisive et quelques débordements de sauvagerie pour gommer un peu l’impression de modération somme toute très (trop ?) « clean » qui gouverne l’ensemble. Le guitariste/vocaliste Richard Loudin (alias Hingard) mène son embarcation avec dévouement et le souci du travail bien fait. Déjà remarqué pour avoir poussé le growl chez Monolithe ainsi que chez son autre groupe Despond, Richard montre ici que son registre vocal ne se limite pas au doom caverneux. Egalement à son aise dans le cri de bête blessée comme dans la gravité mêlée de panache des hymnes de ralliement - les deux types de chant se relayant de façon à peu près égalitaire - il porte sur ses épaules la tunique de fer de lance emblématique sans lequel Nydvind ne seraient pas Nydvind. D’ailleurs sa difficulté notoire à dissimuler un bon vieil accent des familles dans les parties en Anglais a un côté tellement attendrissant qu’on ne voudrait pour rien au monde voir quelqu’un d’autre au micro… L’antiphonie (ou alternance du chant soliste avec un choeur qui redonne la phrase initiale) est fréquemment utilisée pour stimuler les couplets et leur insuffler une physionomie de coalition guerrière encore plus évidente. Dès l’intro « A Winter Chant », on peut comprendre vers quoi l’on se dirige, lorsqu’un appel reclus surgit de la brume éternelle, inonde le paysage de syllabes processionnaires au gré d’un plancher de synthé en sourdine piqué de frêles percussions médiévales. Puis, sans transition, la guitare commence à gronder comme la réponse de l’orage à cette exhortation. Les loups sortent du bois. Quelque part, sous un ciel de marbre qui n'est plus le notre, le signal de la chasse a été donné, elle ne prendra fin qu’au terme du voyage… Les morceaux défilent sans précipitation, forgés par des chaînes de riffs gris et rocailleux, refusant tout écart dans une virtuosité de toute façon hors-sujet dans le contexte de Nydvind. Le tout est d'avoir affaire à des structures fluides qui captent l'attention et font penser à chaque intervention d'une nouvelle partie qu'il ne pouvait en être autrement pour le bien de la cohérence de l'atmosphère. La progression est encadrée presque en permanence par des motifs de guitare sèche fort biens produits et insérés sur les flancs de l'érosion métallique. Superbes répits ou agents de tempérance, ces rallonges acoustiques devraient sans coup férir toucher au cœur un certain public friand de ce genre de choses, comme sur le très beau « The Call of Mother Earth », où une cascade de cordes aiguës vient soudainement couronner l'étendue sonore et annoncer l’extinction en fondu du titre… De temps à autres, un court thème de synthé ou un rinceau de flûte s’immisce en diagonale dans la tourmente, mais n’en perturbe jamais la force tranquille ; car la surcharge chez Nydvind est inexistante, chaque élément reste à son poste avec discipline, dans ce souci d’humilité et de pondération qui fait les seigneurs. « Eternal Winter Domain » n’est de toute façon pas un album pour ceux qui ne jurent que par le tape-à-l’œil et les grandes inspirations enflammées, il s’adresse avant tout à ceux que ne rebute pas la perspective de se soustraire à leur routine pour se confier totalement à cette musique, et ressentir à même la chair les impressions indissociables du contexte historique auquel elle se voue : le labeur et la sueur derrière l’ouvrage impérissable, la fragilité des corps derrière la puissance de frappe, la crainte et la superstition derrière la majesté d’un clan victorieux… Un album à apprécier à fort volume pour s’imprégner au maximum de son caractère. L’adéquation de la musique avec la pochette et les autres éléments panoramiques qui ornent le livret est exemplaire. Même si, sur la longueur, un peu de mordant et de diversification font encore défaut pour aller boxer dans la catégorie d’Aes Dana et de Belenos, « Eternal Winter Domain » débarque avec un admirable timing pour coïncider avec les premiers frimas hivernaux et indiquer au berserker hydromélophile qui sommeille en chacun de nous les chemins enneigés du royaume d’Asgard…
http://www.nydvind.com


Rédigé par : Uriel | 15/20 | Nb de lectures : 8886




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Commentaire
Nicof
Invité
Posté le: 03/11/2003 à 15h24 - (6034)
Pourrais tu m'indiquer s'il te plait Uriel ce qu'est un "berserker hydromélophile" ?
J'avoue que sur le coup je sèche un peu...

Uriel
Invité
Posté le: 03/11/2003 à 15h30 - (6035)
Définition du berserker pêchée sur http://grenier2clio.free.fr/nordique:
"Les Berserkers étaient une secte de guerriers louant Odin et qui sous l'effet de drogue, hydromel et champignons, étaient possèdes d'une fureur incontrôlable. Ils étaient vêtus de peau d'ours pour effrayer le peuple craignant les animaux sauvages et hurlaient en mordant leurs propres boucliers."

Voilà qui explique tout... :)

hydromélophile = qui aime l'hydromel (je revendique le néologisme...)

Nicof
Invité
Posté le: 03/11/2003 à 18h54 - (6041)
Merci bien monsieur Uriel, un brin de culture mythologique ne fait jamais de mal...
Non franchement ca fait plaisir, quand tu veux tu nous ressors de telles réferences spasmophilaires (bon j'avoue cette phrase veut rien dire mais bon je voulais etre au niveau) ;)

Loufi
Membre enregistré
Posté le: 03/11/2003 à 20h58 - (6044)
C'est les tarés qu'on voit dans le 13° guerrier avec Antonio Bande-gras ?

poulpy le poulpe psycopathe
Invité
Posté le: 04/11/2003 à 11h09 - (6055)
j'prefere quand meme Bélenos

DarkMickou
Membre enregistré
Posté le: 25/05/2004 à 18h53 - (8859)
Vraiment un très bon album. Effectivement le chant tient une place très importante. Ils ont un avantage par rapport à Aes Dana: ils n'abusent pas de la flute à tout va!

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