Dès la démo de 2007 First Farewell, No Hand Path démontrait une envie de construire quelque chose de grand et de beau. Il aura fallu trois ans au quintet pour mitonner son premier album. Encore une petite autoproduction au royaume de la promotion de masse. Et quelle autoproduction, dotée d'un son parfait et d'un artwork à tomber par terre (la pochette est discutable, mais le livret est superbe). Le digipack ne vous coûtera que 5 malheureux euros, soit moins qu'une bière. Et pour les plus rapaces, le groupe distribue gratuitement la version numérique de l'album (notamment en FLAC). Devant tant de générosité, je vous sens méfiants. On ne vous la fait pas, avec votre disque dur rempli de cadeaux que personne n'écoute. Cette méfiance est légitime, vu toute la soupe qu'on vous vend à longueur d'année un peu partout (mais pas sur VS, parce qu'on est des gens propres qui utilisent des fourchettes et pas des cuillères à soupe).

No Hand Path est un groupe grec qui s'adresse aux amateurs d'un black raffiné et progressif (au bon lait de brebif). On va laisser les vestes en cuir au vestiaire pour ce coup-ci. Mélodique et envoûtant, le flot musical des garçons hellènes n'en est pas moins offensif. Les blasts succèdent aux trémolos tête baissée, portant la voix rauque de Ramin ou sa voix claire aérienne. La touche grecque présente sur la démo est perceptible en fin d'album uniquement (puisqu'on y retrouve les titres de la démo). Mais cette touche s'est estompée dans un opus gorgé de riffs variés, et dont les enchaînements s'avèrent toujours limpides. Entre des parties qui alignent des accords ou des moments qui font tourner le même riff encore et encore, No Hand Path construit son récit musical à sa guise. Les titres durent entre 6 et 8 minutes, mais défilent à la vitesse de l'éclair. Et le groupe parvient toujours à rebondir avec grâce, pour peu qu'on soit un minimum ouvert au style martelé. A la première écoute, j'ai eu l'impression que l'album manquerait de mordant sur la longueur. Que nenni; plus je l'écoute, plus je l'adore. De la première accroche à la découverte en continu des méandres de ses parties hypnotiques, An Existence Regained est une perle rare.

Comme je le disais, la production est pour moi impeccable. La batterie claque, mais garde un son bien rond. Le reste de l'instrumentation trouve sa place naturellement, on entend même bien la basse. Et chacun est un plaisir à espionner au fil des mesures. La mise en place a été faite au cordeau. Pas une corde qui couine, pas une note qui détone dans l'ensemble et le batteur, Haris, n'a laissé aucun pain (désolé). Les riffs et les patterns sont placés avec justesse, sans rentrer dans l'écueil du démonstratif. C'est l'émotion qui prime au service de l'histoire que nous raconte le groupe. Un vrai régal auditif de bout en bout qui me rappelle des souvenirs de plus d'une décennie, quand le black se construisait comme la tour de Babel et n'était pas dans la quête du crado ou du bruitisme. C'était pas mieux ou moins bien, c'était juste différent. Si Emperor, Dawn et Sael (soyons fous) copulaient comme des phoques, il est probable que leur rejeton ressemblerait à No Hand Path. Un rejeton issu de groupes rares, probablement considéré comme un albinos au milieu du troupeau de moutons noirs. Mais un élément remarquable à n'en point douter.

Pour une expérience complète, An Existence Regained est un album dont il convient de se délecter avec le livret, livret qui présente le concept en trois actes de l'heure de jeu. La naissance de la conscience dans les trois "Birth of…", le rejet de l'ordre ancien dans les trois "Quest of… " et l'introspection avant la fin du voyage dans les trois "… Journey".

Cet album est riche en calories, un vrai mets de roi qui empoisonnera ceux qui se laisseront prendre à ses filets. S'il convient de comparer No Hand Path à un roi, ce sera le roi Midas. Pas celui qui est le roi de l'échappement, mais celui qui transforme en or tout ce qu'il touche. Une grosse ambition et les moyens de la mettre en œuvre, tout ça tous seuls dans leur pays en ruines, je dis bravo. Soutenez la Grèce en faillite, achetez un album de No Hand Path, nom de Zeus!


Rédigé par : Prince de Lu | 18/20 | Nb de lectures : 14760