C’est avec une grimace non dissimulée que j’ai déballé ce CD du colis de Greg: je n’ai jamais aimé Norma Jean, et ce dès ses débuts sur Tooth And Nails, en fait. Les discours ridicules à la gloire du Seigneur, la voix horripilante du premier chanteur, ce Hardcore chaotique bien anecdotique comparé de celui des autres groupes de l’époque (Botch, Drowningman), bref, y avait rien pour me plaire. J’avais ainsi zappé allègrement O God, The Aftermath (rien que le titre...) et n’avais dès lors pu constater l’apport du nouveau chanteur à la musique des Georgiens (l’ancien est parti former The Chariot, autre groupe que j’évite consciencieusement, du coup). Bon, dans la vie faut savoir se faire mal, je retroussai donc mes manches et ôtai mes pentagrammes et autres croix renversées, histoire de ne pas partir du mauvais pied avec le quatrième opus de Norma Jean.

Les premières écoutes s’avèrent plutôt positives puisque la voix de ce Corey Putman ne m’hérisse pas le poil dès le premier morceau, comme le faisait celle de son prédécesseur. Elle me semble plus variée, plus maîtrisée aussi, et donc infiniment plus riche. Cependant, le principal changement se situe au niveau de la musique elle-même: fini l’abus de larsens et de riffs syncopés plus que stéréotypés des premiers albums, les guitaristes jouent en effet plus en nuance et changements de rythme, en proposant des enchainements plus rock’n roll et groovy, dans une veine proche de ce que fait Every Time I Die. La production de Ross Robinson doit sûrement y être pour quelque chose même si on ne reconnaît pas forcément sa ‘patte’ habituelle immédiatement: le mixage est parfait, la basse résonne parfaitement, les fûts sonnent comme des fûts, sans trigg exagéré, et les guitares explosent à chaque accord. Bref, du côté finition comme du côté technique, il n’y a pas grand-chose à reprocher à cet album.

Les défauts se situent effectivement ailleurs. Même si le groupe a entamé une séduisante métamorphose, il reste encore des éléments qui empêchent cette œuvre de se dégager du lot. Une linéarité notamment trop grande, étant donné qu’aucun titre ne se distingue réellement des autres jusqu’au morceau de clôture. Il y a surtout un manque énervant de cohérence entre les morceaux, puisque par exemple, le convaincant ‘The End Of All Things..’ dont l’évolution surprend totalement, arrive le tout mou et horriblement banal ‘Songs Sounds Much Sadder’, finalement très bien nommé. L’enchainement ‘Cemetery like a stage’/’No Passenger’ est par contre exemplaire: le 1er démarre de manière très classique avec des riffs syncopés et un chant hurlé entendu et ré-entendu tout au long de l’album, pour finalement se muer en titre presque post-rock avec guitares mélodiques et nappes de clavier, ce qu’est presque entièrement le 2d morceau, où Putman démontre des capacités vocales étonnantes. Finalement ces deux derniers titres rendent l’ensemble plus frustrant qu’autre chose: quitte à changer radicalement de style et abandonner le metalcore vaguement chaotique et poussif pour un metal plus couillu et personnel, autant le faire jusqu’au bout! Là, les Georgiens prennent le risque de perdre leur base de fidèles de la première heure sans en convaincre d'autres, à trop rester le cul entre deux chaises de confession. Je n’évoquerai par contre pas les paroles, qui ne prévalent que par le nombre de synonymes et de métaphores pour le Créateur. Ca me dépassera toujours, ça, renier les principes originels du punk/HC pour en faire un instrument de prosélytisme religieux. Bref. Un mot tout de même sur l’artwork assez réussi qui m’aura rappelé les magnifiques tableaux de Norman Rockwell, en bien plus malsain, évidemment.

Je suis donc titillé par l’envie de mettre une bonne note à cet album juste parce qu’il est selon moi infiniment meilleur que les précédentes œuvres du combo d’Atlanta. Si seulement les autres morceaux avaient été dans la veine des deux derniers...A écouter de toutes façons pour se faire sa propre idée, les fans du groupe seront sans doute décontenancés, pour ne pas dire déçus, par la nouvelle orientation plus rock et mélodique que purement chaotique. Agréablement surpris, pour ma part, en attendant mieux !


Rédigé par : Candiria-Thon | 13/20 | Nb de lectures : 13021