Au début, j'ai cru à une blague. Une rapide vérification de mon calendrier m'a confirmé que le premier avril était bien derrière nous. Alors, après tout, pourquoi pas. Si une des têtes du bicéphale Darkthrone a envie de mettre en boîte un métrage, autant aller voir ce qu'il nous propose. Peut-être vais-je trouver mon compte dans la mise en images de l'univers des Norvégiens.

Concernant le packaging, c'est mince. La liste des chapitres du DVD et la tracklist du CD audio. Le livret reprend quelques photos tirées du film, sans dévoiler grand-chose. Impossible donc de savoir à quoi on a affaire avant de glisser la bête dans le lecteur, sauf à se baser sur les quelques mots de Nocturno Culto qui sous-entendent une sorte de road movie autour de sa personne. Une fois passées les pubs pour Peaceville et son sous-label Tyrant Syndicate (géré par Darkthrone), nous voilà devant la liste des chapitres à nouveau. Une poignée de bonus se battent en duel (j'y reviens plus tard). Bon ben, devant le peu d'options offertes (VO sous-titrée en anglais obligatoire), pressons "Play"...

Et le film démarre par un épilogue surprenant : Nocturno Culto, Grutle de Enslaved et un gars de Metal Hammer en train de pêcher sur la glace de Norvège. Plutôt intriguant comme entrée en matière. On se demande où notre réalisateur veut en venir. En fait, nulle part. Vous y êtes. Terminus, tout le monde descend du bus du tour opérateur.

"The Misanthrope" nous propose des récupérations d'images déjà diffusées (le clip de "Too Old, too Cold" doit passer en intégralité) et principalement les stock shots de vacances de Nocturno Culto. Il fait du vélo, il fait du ski, il marche sur des longs sentiers, il pêche, il part en voyage à Tokyo. La soirée diapo, déjà super pénible à se taper chez des potes à leur retour d'Egypte, se déroulent pendant près d'une heure sous nos yeux ébahis. Il ne se passe strictement rien d'intéressant.

Quelques images viennent légèrement relever le tout. On voit Darkthrone en répèt, ce qui peut avoir un relatif intérêt. Hélas, cela dure une poignée de secondes. Fenriz y avoue ne pas avoir acheté de cymbales depuis 13 ans ; c'est l'info du métrage, on en profite. On voit également l'expo de Peter Beste à Tokyo, ce qui est le passage le plus palpitant (mais qui reste filmé comme un souvenir de vacances, sur quelques secondes). On voit aussi quelques groupes qui croisent la route de Nocturno Culto : Aura Noir qui vient signer son contrat chez Tyrant Syndicate (et s'emmerder chez Nocturno Culto), les Japonaises de Galhammer sur scène (qui sont signées chez Peaceville). Ca sent plus la vidéo promo qu'autre chose cette histoire.

Le seul personnage atypique du métrage est un vieux forain qui vit dans la nature et qui peint des vieilles croûtes. Là encore, il ne se passe rien. On s'emmerde ferme... Le vieux appelle son chien... Un chat grimpe le long d'une échelle... Le caméraman se déplace pour nous montrer que la niche du chien est une vieille bagnole. Ca valait la pellicule, pour sûr. C'est la méga teuf. On s'emmerde encore plus. Si c'est ça que voulait montrer Nocturno Culto, c'est plutôt réussi. Mais ça n'a aucun rapport avec le titre...

Du côté des bonus, on a droit au clip de "Too Old, too Cold" (super), à une vidéo du morceau "Stills", véritable monument à Parkinson monté avec des images extraites du métrage, et à deux titres live du début 90 "Thulcandra" et "Archipelago" dont la qualité vaut celle du coffret "Preparing for War" (hideux donc). C'est toujours marrant de voir les p'tits jeunes faire leur bouillie sur scène, comme le confirme tata Josette qui a enregistré tout ça sur son camescope. Dans le boîtier Super Jewelbox, on trouve aussi un CD. Les huit titres, qui durent une vingtaine de minutes, sont des assemblages de sonorités qu'on retrouve en bande-son du métrage. Du remplissage que tout ça...

Au lieu d'un road movie même moyen, on suit finalement les errements très sages d'un paumé dans une campagne fort tranquille. Pire, on ne pénètre jamais dans l'intimité du sujet principal. Aucune discussion, aucun passage ne permet de découvrir qui est Nocturno Culto. A aucun moment, le réalisateur ne fait mine d'aborder ce propos. C'est comme si vous filmiez la caissière du Auchan du coin en train de faire son boulot. On la voit faire son boulot, et alors ? A mater ces Norvégiens se prendre en photo en posant dans le vent comme des cons, on se dit que tout cela est pathétique et on en vient à mettre en perspective toute la scène.

Le film soulève d'ailleurs plus de questions qu'il n'apporte de réponse. Doit-on se faire chier comme un rat mort pour être misanthrope ? Peut-on être misanthrope à plusieurs ? Et d'ailleurs, qui peut vraiment filmer un misanthrope ? Le long plan sur les skis qui revient si souvent était-il indispensable ? Est-ce que c'est black metal de mettre son clignotant ? Abalone est-il indiqué pour invoquer Satan ? Un type qui traîne une boîte en bois peut-il justifier à lui seul un embryon de scénario ?

Il vaut mieux rire de tout ça et ne pas réaliser que de l'argent va être fait de manière honteuse sur le dos des fans avec un DVD inutile, aussi vide que les longues séquences télévisées sur le jardin désert dans Loft Story. Un DVD qui brise encore plus le mystère autour de l'entité Darkthrone, ce qui était assez dispensable. Mais le duo a manifestement pris goût à une certaine exposition. Il y a des choses qui ne devraient pas être touchées pour conserver leur magie. Et l'absence totale d'une quelconque démarche artistique dans "The Misanthrope" ne peut pas laisser penser autrement. Darkthrone a son site internet, ses vidéos et désormais son film. Il ne manque plus qu'un restaurant, une marque de maillots de bain et des tongs et on aura fait le tour...


Rédigé par : Prince de Lu | DVD inutile/ | Nb de lectures : 12830