NINGIZZIA - Dolorous Novella (Haceldama/Adipocere) - 22/01/2004 @ 22h07
Formé à l’automne 1997 de la collaboration originale entre un musicien français (Stéphane Peudupin) et son homologue suédois (Niclas Frohagen), Ningizzia ne doit d’abord en aucun cas être confondu avec le groupe de black metal allemand Ninnghizhidda, auquel il rend quelques consonnes et une brouette de bpm… Première réalisation longue durée du duo après une démo et quelques apparitions sur des compilations, « Dolorous Novella » se présente sous la forme d’un album de 5 titres pour 42’00, ce qui déjà laisse peu de doute quant au minutage marathonien desdits titres… Un premier coup d’œil à sec apprend qu’une fois de plus les gravures de Gustave Doré pour « Le Paradis Perdu » ont été mises à contribution, travesties cette fois-ci d’un curieux effet d’estampage qui, justement, n’est pas du plus bel effet - petit malus pour l’artwork, donc.
Il n’est pas trop difficile de concevoir en quoi Ningizzia ont séduit Richard Loudin - tête du label Haceldama Productions et accessoirement leader du groupe de doom parisien Despond - dans la mesure où ils s’adressent universellement aux adeptes des musiques à la fois profondes, massives et sensibles qui se comptent par légions parmi les doomsters de tous horizons. Pourtant, qualifier « Dolorous Novella » de doom est chose délicate. C’est jouable d’une certaine oreille (ouverte de préférence), mais il en est qui trouveraient probablement beaucoup à redire sur la forme, et préféreraient expatrier Ningizzia dans une zone de transit entre néo-folk, dark metal mélancolique et… à la rigueur les strates les plus excentrées d’un doom dit atmosphérique. Si vous avez absolument besoin de comparaisons pour vous situer, vous pouvez d’entrée de jeu vous représenter Ningizzia comme un héritier adulte et vacciné des premiers Empyrium et de Lacrimas Profundere époque « Memorandum », le tout relevé de quelques chromosomes de Shape of Despair pour les longs tunnels de claviers aux ambiances dormantes. Si cela ne vous dit rien de bien concret, la recette consiste en substance à établir une empathie affective forte entre le rythme de mouvement de l’auditeur pendant l’écoute et le flux musical en laissant respirer sans empressement des riffs imposants et limpides comme le marbre, dont le sous-sol n’est pas spécialement encombré d’arrangements propres à durcir le rendu ou à dissiper la concentration, et dont le plafond a tout loisir de prendre en charge les variations d’humeur au gré d’un catalogue allant des synthés traditionnels à la flûte en passant par le violon et les vocalises féminines. Alors que chez beaucoup de groupes officiant dans un style approchant, la section metal a bien vite fait d’être engloutie sous des quintaux de chantilly indigeste et ainsi reléguée au rôle de faire-valoir, Ningizzia se montrent très à leur avantage pour résoudre la délicate équation du dosage optimal, parvenant même à placer de beaux entrelacs à deux guitares qui leur permettent de réduire de temps à autres la voilure symphonique pour des dynamiques de cordes (agrémentées à l’occasion de tempos plus soutenus) qui ne bradent pas leurs couilles aux enchères…
La musique joue sur de subtiles gradations de clair-obscur qui se repèrent aussi bien horizontalement - dans l’alternance de segments atmosphériques sobres voire recueillis et des parties électriques forcément plus tendues - que verticalement - un même contrepoint combinant parfois une extrêmité franchement glauque à une autre plus « légère » (contraste typique guitare/synthés, mais aussi par exemple sur « Emptiness » la coexistence d’un chant clair désemparé et d’harmonies de guitare blindées d'assurance). Mais ne doutez pas que l’on cherchera surtout à vous tirer vers le bas et à faire galoper vos méninges direction tourments, ce en quoi les évocations d’ancienneté fanée et de terres nocturnes, à travers des instruments acoustiques d’une pureté archétypale, remplissent admirablement leur propos.
En clair c’est du travail perfectionniste qui ne laisse vraiment rien au hasard. Toutefois, en prenant de l’altitude pour considérer les morceaux et l’album dans leur intégralité, des petits vides de consistance ont tendance à apparaître. En premier lieu - car c’est la première chose à laquelle on est confronté lorsqu’on découvre un disque - on peut regretter que certaines constructions soient trop évidentes : soit que les mélodies restent scotchées à une certaine « facilité » au niveau des boucles de notes, soit qu’elles soient agencées de façon trop symétrique/cyclique en lieu et place de développements plus accomplis et nuancés qui tendraient pourtant les bras en maintes occasions. Traduction, on finit de temps à autres par se gratter la tête à espérer une suite ou un nouvel élan qui ne vient pas, ou alors pas au moment propice. Ce n’est pas la monotonie résultante qui dérange en soi (au contraire elle installe l’auditeur dans une forme de torpeur qui exhorte l’abandon de la conscience à l’espace musical), mais la sensation que le duo s’abstient encore d’ouvrir des fenêtres de composition qui se présentent à lui afin de rendre sa musique bien plus riche et ambitieuse. Si ce potentiel latent n’existait pas, je n’aurais sûrement pas pris la peine de taper un paragraphe sur le sujet et Ningizzia auraient pu prospérer des années durant dans ce même schéma largement suffisant pour leur apporter attention et reconnaissance sur la durée. Seulement le potentiel est bien là qui ne demande qu’à être exploité et magnifié sur une prochaine réalisation, alors chiche ?
Qui plus est, plusieurs composantes de la musique révèlent de menues défaillances techniques, ou pour être plus juste un terrain encore vierge pour amélioration ultérieure… On parle du chant guttural malingre et baveux ; on parle du chant clair, au demeurant pétri de compétence, mais qui commence à manquer de renouvellement au bout de quelques apparitions ; on parle d’une basse asphyxiée en fond de mix ; on parle aussi de programmations rythmiques un peu trop angulaires et sans grand relief. Des broutilles prises individuellement, mais des broutilles qui, une fois additionnées, finissent par établir la balance dans le négatif faute d’être physiquement équilibrées par ailleurs. Mais qu’à cela ne tienne, le public sollicité par ce genre de musique sait généralement s’accomoder des travers pour retenir l’état d’esprit lorsqu’il est juste, et juste il est. Si vous pensez pouvoir entamer quelque chose avec les termes « lourd » et « élégiaque » accolés l’un à l’autre, alors Ningizzia n’attendent plus que votre obole !


Rédigé par : Uriel | 11/20 | Nb de lectures : 7404




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nepenthes
Invité
Posté le: 18/12/2006 à 14h11 - (36835)
Quasiment trois ans après sa sortie, j'écoute cet album pour la première fois ; et mon verdict est que j'aime beaucoup... c'est tout à fait dans une veine "Shape of Despairienne", donc ça ne peut que me plaire ! Une bonne petite découverte pour tous ceux qui seraient en manque de doom/death atmosphérique ces derniers temps...



nepenthes
Invité
Posté le: 18/12/2006 à 14h15 - (36836)
Ah, j'ai quand même oublié de préciser quelque chose : c'est nettement moins bon que Shape Of Despair, qui pour moi, est un vrai "must"... Donc ne vous attendez pas à un album aussi exceptionnel que Angels of distress par exemple...

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