NIN. Trois lettres devenues mythiques après 16 années d'existence. Reconnut par de nombreux artistes comme une pierre angulaire de la musique des années 90, le projet de Trent Reznor, seul maître à bord du navire, fait partie de ces rares groupes qui marqueront les annales de la musique au sens large du terme. Influencé par FRONT 242, SKINNY PUPPY ou DEPECHE MODE à ses débuts, l'homme a su créer son style, savant mélange de guitares et de machines, le tout avec toujours une production totalement hallucinante donnant à toutes ses créations ce son énorme, facilement reconnaissable, fait de couches et sur-couches sonores. Après deux albums ("Pretty Hate Machine" en 1989 et "The Downward Spiral" en 1994) et un EP ("Broken" en 1992) acclamés, "The Fragile", quatrième album studio, avait déçu certains fans par son côté trop expérimental et surtout trop long, qui pourtant cachait un monument musical où Reznor créait des instrumentations riches et surtout très variées, dévoilant un talent de composition jusqu'à l'heure jamais aussi bien mis en valeur. Et c'est donc 6 années après qu'arrive l'évènement "With teeth" ("Halo 19" pour les puristes), annoncé par le maître des lieux comme un retour à un son brut de décoffrage digne des premières heures. Alors kézako? Va-t-on se faire bouffer à pleines dents?

Déjà, premier constat lorsqu'on a la galette entre les mains: là où on nous avait habitué à des présentations de qualité, on ne peut qu'être déçu par cette nouvelle offrande. L'artwork est beau mais le digipack est tristement nu. Pas de livret, pas de crédits. Bon bah au moins, là, on peut que se consacrer à la musique, y'a que ça de dispo au magasin "With teeth".
L'album commence par "All the love in the world" : beat électro destructuré, basse ronflante et ligne de piano accompagnent un chant calme pour un morceau tout en crescendo. Drôle de mise en bouche que cette chanson mi-pop sans guitares ajoutées, assez inhabituelle, mais qui met totalement en valeur le deuxième titre, "You know what you are", une des belles baffes que nous réserve ce dentier sonore: chant agressif, rythmique impressionnante, refrain à l'atmosphère apocalyptique et piano fantomatique. Alors il est là le retour aux sources? Et bien oui et non en fait...
En effet, l'album n'est ni une révolution du style NIN, ni un retour aux sources. Quant au mot stagnation qui pourrait vous venir à l'esprit, rangez le au placard, c'est vraiment loin d'être ce qui ressort des 13 titres. Entre singles potentiels ou évidents ("Every day is excatly the same", la new-wave "The hand that feed"), breaks implacables ("With teeth" et son break central qui force le respect!) ou rythmiques torturées ("The collector", "Home"), ambiances planantes ("Beside you in time" où s'accouplent une superbe ligne vocale et des guitares plaintives") ou glaçantes ("The line begins to blur"), morceaux couillus ("You know what you are", "Getting smaller") ou chansons à la beauté émouvante ("Right where it belongs"), on ne pourra pas reprocher à cet album d'être peu inspiré. Reznor se montre définitivement comme un vrai songwriter, maîtrisant les ambiances ambivalentes qui lui sont chères comme jamais. Les titres sont efficaces et vont direct à l'essentiel comme si l'homme s'était enfin trouvé et sait où il veut aller. Certainement plus accessible qu'auparavant mais toujours aussi riche, ce "With teeth" démontre qu'on peut s'ouvrir vers le public tout en conservant une intégrité artistique forte.
Evolution?! Oui, évolution, voilà le mot que je cherchais! En tout cas, c'est celui qui caractérise le mieux ce CD à mes yeux. Merci Mr Reznor.

PS: concernant la présentation de l'album, notons que grâce à une clé présente sur le CD, on a accès via le site officiel du groupe à une section à accès limité. Celle-ci contient les paroles des chansons (notamment sur un magnifique poster téléchargeable) et se voit agrémentée au fur et à mesure du temps des clips tirés de l'album et autres goodies qui font de ce "With teeth" une œuvre qui évolue. Non franchement, il est fort ce Reznor!


Rédigé par : Foofur | / | Nb de lectures : 13844